Je l'ai déjà noté dans ce blog à quelques reprises : la France est passé assez rapidement et de façon discrète du statut de Puissance Mondiale, il y a un siècle au moins, au rang de Puissance Locale, en gros, dans les années 60, puis au rang de Pays Développé dans les années 80 pour se classer douillettement dans les Pays du Tiers-Monde depuis quelques années.
Ainsi,
- nous avons une natalité de pays du Tiers-Monde
- nous avons un taux de chômage élevé.
- notre industrie s'oriente de plus en plus vers le tourisme, le reste n'étant bientôt plus que des niches surtaxées et surfiscalisées
- nous avons un taux de corruption tout à fait dans la norme de certains pays en voie de développement
- nos chefs d'états sont parfois élus avec plus de 70% de voix tout en étant cordialement détestés par une majorité de la population, et se comportent, en fait, comme des monarques.
Mais tout ceci n'est guère nouveau. Nous nous faisons, progressivement, à l'idée d'un lointain passé glorieux, d'un futur au mieux risible et d'un présent en "voie de développement" comme on en dit pudiquement des pays ... dans la merde.
Cependant, la réalité est parfois cruelle et nous découvrons de nouveaux signes qui viennent confirmer encore un peu plus cette impression de faire partie d'une immense pièce de théâtre, où côté scène, et à l'image d'un acteur hurlant son texte pour que le dernier rang puisse l'entendre distinctement, on surjoue le rôle d'un pays rayonnant une puissance et une gloire un peu trop fade pour être crédible, alors que, côté coulisses, c'est la panique, la désolation et l'enfilade de petits bricolages pour faire tenir les décors et la pièce le plus longtemps possible alors que le public baille et s'endort.
Ces nouveaux signes peuvent se nicher partout : dans l'expression d'un quotidien, attrapé par hasard, ou dans un lieu qu'on fréquente par choix ou par obligation, ou dans une de ces nombreuses officines de la République, une école par exemple ... On tombe, généralement au moment où on s'y attend le moins, sur un micro-événement, une manifestation, un tract. Ainsi, dans une école laïque et publique, tomber sur un tract, faisant du prosélytisme, c'est étrange : l'école de la République est en effet sensée se tenir éloignée de la politique et de la religion. Mais là encore, la réalité s'accommode mal de grands principes.
Et on découvre, toujours dans ce genre de lieux où, normalement, la neutralité républicaine devrait prévaloir avant toute autre chose, quelques banderoles baveuses réclamant par exemple plus de moyens (original, tiens), des classes moins pleines (original, encore) ou de nouveaux postes de ceci ou cela (remplacer par la mention qui vous plait).
Evidemment, on fera rapidement le lien avec les "luttes" lycéennes qui agitent de leurs petits soubresauts pré-pubères quelques rues à Paris et quelques établissements "en pointe" dans le "combat" contre le gouvernement : les "grèves" des élèves se doublent, bien souvent, de mouvement de protestation de leurs professeurs, mouvements qui débordent largement de la rue vers les établissements où les classes deviennent les réceptacles des conférences politiques ou des assemblées "citoyennes" et "générales" avec démocratie participative.
Une fois les faits collectés, on est naturellement ramené à la conclusion déjà décrite : la France est bel et bien un pays du Tiers-Monde, qui, à l'instar de ses cousins africains, utilise ses plus jeunes pour les "combats". Bien sûr, le combat physique et l'arme automatique auront été remplacés par la grève et la rhétorique, mais le fond reste le même : certaines écoles, certaines facultés, certains lycées et certains collèges forment des enfants-soldats, au cerveau lavé et repassé, prêts à mener pour leurs professeurs des "luttes" que ces derniers ne veulent plus mener directement, conscients qu'ils sont de leur perte progressive de crédibilité au fur et à mesure que leurs demandes, trop souvent renouvelées, s'étiolent et se fanent.
J'entends déjà les cris outrés des uns et des autres, criant à l'exagération... Pourtant, les lycéens qui défilent dans les rues ont exactement les mêmes discours que leurs maîtres il y a quelques années, les mêmes tics de langage, les mêmes slogans, la même rhétorique : ""Le gouvernement, qui joue la sourde oreille, devrait entendre au plus vite les revendications lycéennes.", nous annonce un Florian L, jeune président-branleur d'une association nationale de sécheurs de cours, reprenant mot pour mot une phrase qu'on pourrait trouver dans la bouche d'un Bernard Thibault ou d'un Jean-Claude Mailly au détour d'un mois de septembre quelconque de ces dix dernières années.
Même le titre de l'article (ici, Relance Mitigée) fait penser aux meilleurs amoindrissements linguistiques de nos syndicalistes habituels ; et si ce n'est pas une relance mitigée, c'est un essoufflement, des mouvements en demi-teinte ou un simple tour-de-chauffe.
Pour moi, c'est un échec cuisant, notable par le décalage entre le nombre de participants relevés par les uns (1900) et les autres (6000 !). Bientôt, il y aura plus de suppressions de postes programmées, pourtant peu nombreuses, que de manifestants...
Eh oui, les jeunes ont su, sans aucune difficulté, recopier les schémas organisationnels, médiatiques, politiques ou philosophiques qu'on trouvait déjà il y a dix, vingt, trente ou quarante ans dans les précédentes manifestations. On peut toujours croire à un excellent transfert de connaissances, une acuité particulière de nos jeunes générations sur ces domaines bien spécifiques d'expression. On reste cependant interdit devant cette efficacité qu'on ne retrouve pas du tout dans le reste des matières au programme normal des études de ces mêmes jeunes : l'orthographe hésitante passe mal, le savoir de base semble ne plus trouver place au milieu de cerveaux déjà bien trop pleins de revendications unitaires, syndicales, et étatistes en diable.
Deux constats s'imposent alors.
Le premier est plutôt de bonne augure puisque finalement, la plupart des lycéens ne sont pas dans la rue, et travaillent tranquillement à leur édification personnelle. Ce qui veut dire que seule une frange de glandeurs invétérés se laisse généreusement pervertir par une proportion toute aussi congrue de professeurs, de syndicalistes ou de politiciens sans scrupules. A l'image d'un Bruno Julliard qui a déjà bien vite oublié ses petits kamarades de lutte, les utilisant sans vergogne comme tremplin pour sa (future) carrière politique, on sent très bien tout l'artificiel de ces mouvements bien plus destinés à faire parler de quelques uns et à transmettre la grogne de certains qu'à relayer une vraie motivation générale.
Le second, lui, est plutôt triste : quand un pays donne un tel boulevard à la politique au sein des écoles, quand l'instruction rime autant avec endoctrinement, la vision du monde qu'on inculque à nos enfants ne peut aboutir, au final, qu'à un échec. Ca se traduit tant par la vision de l'économie de marché (plus de Chinois croient en elle que de Français !) que par les buts que cette jeunesse se fixe (70% voulant devenir fonctionnaire).
Ce pays est foutu.