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Les sept scénarios auxquels conduit la crise de surendettement

Publié le 09 novembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Analyse

Les sept scénarios auxquels conduit la crise de surendettement

Publié Par Philipp Bagus, le 9 novembre 2013 dans Monnaie et finance

Nous sommes entrés dans la phase finale d’un processus d’hyper endettement global qui ne peut se terminer que par la liquidation volontaire ou forcée du régime monétaire actuel de monnaie fiduciaire

Par Philipp Bagus.

Un article de l’Institut Turgot.

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Un système monétaire basé sur la monnaie-papier à cours forcé porte en lui les germes de sa propre destruction. La tentation pour le détenteur du monopole monétaire d’augmenter la quantité de monnaie offerte est quasiment irrésistible. Dans un tel système, avec une offre de monnaie toujours en hausse et en conséquence des prix toujours plus élevés, épargner des espèces monétaires en vue d’acheter des actifs plus tard, ne fait aucun sens. Une bien meilleure stratégie consiste à s’endetter pour financer l’achat d’actifs, et rembourser les dettes ultérieurement avec une monnaie dévaluée.

Il est, de plus, intéressant d’acheter des actifs pouvant ensuite être offerts en garantie pour l’obtention de nouveaux prêts bancaires. Un système de monnaie-papier mène ainsi au surendettement.

Particulièrement, les acteurs pouvant compter sur un renflouement avec de la monnaie nouvellement créée, pourront s’endetter excessivement, c’est à dire les grosses entreprises, les banques et les États. Les systèmes bancaires et étatiques, interconnectés, peuvent tout spécialement compter, dans un système de monnaie-papier, sur la planche à billets pour être renfloués.

Nous sommes maintenant dans une situation où le système de monnaie-papier semble avoir atteint le bout de l’impasse.

Après le dernier cycle économique que nous venons de connaître, les États ont renfloué les mauvais investissements du secteur privé et renforcé leurs dépenses sociales. Les déficits et endettements publics se sont envolés en flèche. Les banques centrales ont imprimé de la monnaie à des niveaux sans précédent, pour acheter de la dette publique (où accepter ces titres en garantie collatérale des prêts accordés au système bancaire). Les taux d’intérêts ont été abaissés à presque zéro. Les déficits restent importants. Aucune perspective de croissance réelle de quelque substance n’apparaît à l’horizon. Dans le même temps le système bancaire ainsi que les autres acteurs financiers sont assis sur une montagne de titres de dette publique. Une cessation de paiement engendrerait immédiatement la banqueroute du secteur bancaire.

L’augmentation des taux d’intérêt pour les ramener à des niveaux plus réalistes, ou la vente par les banques centrales des actifs qu’elles ont achetés, mettrait en danger la solvabilité du secteur bancaire, des entreprises très endettées et des Etats [1]. Il semble même que le simple ralentissement de la création monétaire, lequel dans le jargon de la nouvelle propagande est rebaptisé « réduire l’assouplissement quantitatif » (QE tapering), pourrait être à l’origine d’importantes difficultés pour les acteurs surendettés ; il pourrait déclencher des faillites en série. Une réduction drastique des dépenses publiques et des déficits ne semble pas non plus probable, considérant les incitations auxquelles sont sujets les hommes politiques dans une démocratie. Faire tourner davantage les planches à billets sera nécessaire pour éviter des difficultés aux États, aux banques ou aux autres agents économiques surendettés.

Ainsi, aurons-nous tout simplement toujours davantage de création monétaire, avec des taux proches de zéro, et ceci jusqu’à ce que le public perde toute confiance dans la monnaie-papier.

Comment le problème du surendettement sera-t-il résolu ? Le système de papier-monnaie pourra-t-il être maintenu, ou allons-nous plus ou moins prochainement et inévitablement vers une hyperinflation ? Et comment les pertes actuellement accumulées dans les bilans des États seront-elles réparties ?

Il y a sept scénarios possible, chacun d’eux impliquant d’une manière ou d’une autre une désillusion quant au niveau réel de notre richesse.

Tout d’abord, les gouvernements et les banques centrales continuent sur le chemin menant à l’inflation et utilisent la planche à billets autant qu’il sera nécessaire pour renflouer le système bancaire, les Etats et les agents économiques surendettés. Cette solution accroîtra encore le hasard moral. L’hyperinflation en sera la conséquence ultime, éradiquant ainsi les dettes. Les débiteurs en profiteront, les épargnants y perdront. Les économies sur le papier que les gens auront mis de côté durant toute leur vie ne leur permettront pas de leur assurer le niveau de vie espéré.

Deuxièmement, les États peuvent améliorer leur situation financière tout simplement en reniant leurs promesses, par exemple en réduisant de façon drastique le montant des retraites versées, les différentes allocations sociales, allocations-chômage, et cela pour éliminer les déficits et rembourser les dettes accumulées. Bien des droits sur lesquels le public aura compté, s’avéreront sans aucune valeur.

Troisièmement, les États peuvent également répudier leurs dettes. Ceci engendrerait des pertes pour les banques et les compagnies d’assurance qui ont investi l’épargne de leurs clients en bons du Trésor. Le public verrait alors la valeur de leurs fonds mutuels, fonds d’investissement, contrats d’assurance-vie, chuter, ce qui révélerait les pertes en fait déjà réalisées. La répudiation des dettes pourrait aussi conduire à l’effondrement du système bancaire. Les faillites en série des acteurs surendettés seraient un véritable Armageddon économique. C’est pourquoi, jusqu’à maintenant, les hommes politiques ont tout fait pour éviter cette possibilité.

Quatrièmement, les gouvernements peuvent utiliser la répression financière pour sortir de la trappe. La répression financière est une manière de diriger les fonds vers les caisses publiques, facilitant ainsi la liquidation des dettes. On peut pratiquer la répression financière par la voie législative, en rendant les autres investissements moins attractifs, ou plus directement au moyen d’une réglementation imposant l’achat des obligations publiques. Conjuguée avec une croissance réelle et des coupes dans les dépenses publiques, la répression financière peut en fait permettre de réduire le poids de la dette. Après la Deuxième guerre mondiale les États-Unis ont réussi à réduire le ratio endettement / PIB de 130 % en 1946 à 80 % en 1952. Il semble cependant improbable qu’une telle réduction de la dette puisse encore se faire. Les États-Unis ne sont pas cette fois-ci au lendemain d’une guerre victorieuse. Les dépenses publiques avaient été réduites de moitié, passant de 120 milliards de dollars en 1945 à 58 milliards en 1948, et cela principalement pour les dépenses militaires. De telles coupes dans les dépenses semblent improbables sans conduire à une opposition politique massive et des faillites des agents surendettés dépendant des dépenses publiques.

Cinquièmement, des mesures fiscales peuvent résoudre le problème du surendettement. L’idée est d’éliminer les dettes publiques et de recapitaliser les banques par l’impôt. Grâce à la réduction du surendettement, les banques centrales ne ressentiront plus le besoin de maintenir les taux d’intérêt à des niveaux bas, ni de continuer à faire tourner les planches à billets. La monnaie retrouvera une base saine. Pour réaliser cet objectif et être en mesure de rembourser la dette publique, le gouvernement devra exproprier la richesse d’une façon massive. Il peut simplement augmenter les taux des impôts actuels ou encore utiliser la méthode d’une expropriation confiscatoire en une fois. Les recettes ainsi obtenues seront employées à rembourser la dette et à recapitaliser les banques. Et en effet, le FMI a récemment proposé le prélèvement d’un impôt en une fois, sur la richesse en Europe, afin de réduire les niveaux élevés d’endettement public.

Sixièmement, il y a l’option d’une réforme complète du système monétaire, incluant une répudiation (partielle) de la dette publique. Cette option est attractive si l’on veut éliminer le surendettement sans s’engager dans la voie d’une forte inflation des prix. Ce serait comme d’appuyer sur le bouton « reset » tout en continuant avec un régime monétaire basé sur la monnaie-papier. Une telle réforme a réussi en Allemagne après la Deuxième guerre mondiale où, après la défaite, la répression financière était inenvisageable. A l’ancienne monnaie-papier, le Reichsmark, fut substituée une nouvelle monnaie-papier, le Deutschemark.

Sans entrer dans les détails de la réforme, rappelons que les Allemands purent échanger 60 Reichsmarks contre des Deutschemarks à un contre un. Toutes les épargnes au-delà de 60 Reichsmarks ont tout simplement été divisées par dix, puis échangées contre des Deutschemarks. Toutes les dettes ont également été divisées par dix. Il y eut, de plus, cessation de paiement sur les dettes publiques, excepté pour les banques qui reçurent de nouveau titres publics. Il y eu aussi un impôt de 50 % sur la richesse, prélevé en une fois. En conséquence, le surendettement fut éliminé, la dette publique drastiquement réduite, les épargnants largement expropriés. Les banques ont été recapitalisées dans la mesure où, si leurs dettes furent divisées par dix, tous leurs actifs ne subirent pas une réduction d’un tel montant, comme par exemple les obligations publiques. Ainsi, la réforme monétaire révéla l’ampleur des destructions de richesses durant la guerre.

Septièmement, in pourrait y avoir un «renflouement interne» (bail in) qui se traduirait par une demi-réforme monétaire. Dans un tel renflouement interne, comme à Chypre, les créanciers des banques (les épargnants) sont transformés en actionnaires. Les dettes bancaires diminuent et le capital augmente. La quantité de monnaie est réduite. Un renflouement interne permet à la fois la recapitalisation du système bancaire et l’élimination des mauvaises créances. Le capital pourra être accru à un tel point qu’une cessation de paiement partielle sur les dettes publiques ne mettrait pas en danger la stabilité du système bancaire. Mais les épargnants auront à souffrir des pertes. Par exemple, ceux qui auront investi dans des polices d’assurance-vie basées sur des créances bancaires ou des obligations d’État, devront assumer des pertes. Le résultat sera que le surendettement des banques et des États sera réduit.

En conclusion, ce qui nous attend est l’une de ces sept options, ou une combinaison d’entre elles. Dans tous les cas, cela ne fera que révéler les pertes déjà produites et dissipera l’illusion quant au niveau de notre richesse réelle. L’idée de base sera que les contribuables, les épargnants ou les usagers de la monnaie seront exploités pour réduire les dettes et remettre le système monétaire sur une base stable. Une taxe sur la richesse, en une fois, une réforme monétaire ou un renflouement interne, ne seront pas des choix populaires, puisque les pertes seront aussitôt visibles au grand jour. La première option de l’inflation est bien plus populaire auprès des gouvernements car elle masque le coût des renflouements des agents surendettés. Le danger demeure cependant que l’inflation ne devienne à un moment ou à un autre hors de contrôle. Or le producteur monopolistique de la monnaie ne veut pas gâcher son privilège dans un effondrement de la monnaie. Les gouvernements devront progressivement méditer les autres options avant qu’une fuite devant la monnaie ne se produise, car ce sont elles qui permettront de remettre le système à zéro.

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Sur le web. Traduction Olivier Braun.

  1. Voir, Philipp Bagus, « the Fed’s dilemna »
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