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Tous boucs émissaires

Publié le 13 novembre 2013 par Rolandbosquet
entrefilet

   L’entrefilet est implacable dans sa sobriété : « un jeune homme est mort hier après avoir été percuté par un TGV ». Comment s’est déroulé le drame ? Pourquoi ? Seule la spéculation peut tenter de répondre. Ce jeune homme, probablement aimé de ses parents comme de sa petite amie, musardait dans la campagne. Admirant ici une orchidée dactylorhiza maculata blottie à l’ombre d’une fougère polystichum, s’émerveillant là du tchip-tchip-tchip d’un pinson des bois caché dans un cenellier crataegus, suivant plus loin des yeux la course d’un écureuil dans les branches d’un fayard. Lorsque surgit soudain, au détour d’un sentier bordé de noisetiers, un Train lancé à Grande Vitesse. Notre jeune homme n’a pas le temps d’esquiver. La machine le percute de plein fouet. La mort est instantanée. Pourquoi un train se baguenaudait-il au milieu des prairies ? Nulle enquête ne le dira jamais car, bien entendu, les faits ne se sont pas déroulés ainsi. Les trains, même lancés à grande vitesse, ne quittent jamais leurs rails que pour provoquer des catastrophes ferroviaires. Et pourtant, le journal est formel, le TGV a percuté un jeune homme. On peut facilement concevoir qu’une voiture quitte sa trajectoire et heurte un piéton. Mais pas un train. Même lancé à grande vitesse. Dans le même registre que cet entrefilet, on peut lire régulièrement dans les éditions du lundi matin que la route du week-end a encore tué ou que la mer a de nouveau provoqué une noyade. Dans ces trois exemples, les termes employés sont parfaitement clairs et ne laissent en rien imaginer que c’était la victime elle-même qui errait sur la voie, que le conducteur du véhicule s’était endormi au volant et que le brave père de famille s’était aventuré trop loin pour ses possibilités de nageur occasionnel. Mais il est évidemment plus facile d’accuser le train, la mer ou la route.  Bientôt les radars deviendront  les véritables responsables des dépassements de vitesse, les arbres de la mort de l’automobiliste qui sort trop vite de son virage, le couteau du schizophrène de la mort de la passante, le jogging du viol de la jeune femme dans les bois. En un mot, nul n’est plus responsable de rien. Les malheurs viennent d’ailleurs quand ils ne viennent pas des autres. Des blancs arrogants, des noirs mal habillés, des juifs thésaurisateurs, des musulmans barbus, des arabes  qui ne pratiquent pas nos coutumes, des immigrés qui mangent le pain des Français, des gens du voyage qui mendient et des bourgeois qui ne leur font pas l’aumône, des pauvres qui ne dépensent pas assez et des riches qui gagnent trop, des patrons qui font travailler le soir, des chômeurs qui ne travaillent pas et des retraités qui ne font rien, des jeunes qui sont impatients et des vieux qui coûtent bien cher. Et comme l’on est toujours l’autre de quelqu’un, nous devenons tous des boucs-émissaires. L’index nous désigne, la vindicte  nous menace, le bûcher nous guette. Comment ce monde pourrait-il tourner bien ainsi ?


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