Harriet – Elizabeth Jenkins

Par Theoma

Née en 1905 et décédée en 2010 à l'âge de 104 ans, Elizabeth Jenkins, est l'auteure d'une biographie renommée de Jane Austen et d'une douzaine de romans. Tiré d'un sordide fait divers qui choqua l'Angleterre victorienne, Harriet est un roman remarquable et surprenant.

J'ai été étonnée de constater que les pages se tournaient avec avidité. Harriet n'a rien a envier aux derniers thrillers que j'ai lu cette année. A peine commencé, je n'ai pas pu le lâcher. Elizabeth Jenkins a su créer une atmosphère étouffante sans y ajouter d'artifices. L'écriture subtile permet d'apporter une forte dimension psychologique aux personnages. Sans démonstration, l'auteure aborde avec finesse la fureur nourrie par la jalousie et dissocie la préméditation du dérapage. Le désespoir d'une mère, l'humanité abjecte, l'injustice déchirante.

Captivant, terriblement cruel et inquiétant, Harriet est à découvrir.

Joëlle Losfeld, 304 pages, 2013, traduit de l'anglais par Christophe Mercier

Extrait

« On aurait pu penser que Mrs Ogilvy, malgré son mari et sa maison, était une femme très malheureuse, et parfois elle-même se laissait aller à cette idée, mais il était rare qu'elle l'emportât sur son heureux caractère. Harriet, son unique enfant, était ce que les habitants du village natal de Mrs Ogilvy auraient appelé une «simplette». Son intelligence n'était pas obscurcie au point de lui interdire tout échange avec des gens ordinaires. Sa déficience se manifestait plutôt par une terrible maladresse, d'autant plus notable qu'elle avait un appétit puissant et vigoureux pour les aspects de l'existence qui lui étaient intelligibles. Il n'était pas facile de l'écarter. A vrai dire, sa présence continue dans n'importe quel foyer créait une tension et, en conséquence, depuis le second mariage de sa mère, un arrangement avait été établi, selon lequel elle passait de temps en temps un mois chez un parent ou un autre. Feu Mr Woodhouse n'avait pas laissé Mrs Ogilvy démunie, et Harriet aussi avait sa propre fortune : trois mille livres pour l'instant, et un versement conditionnel de deux mille livres supplémentaires. Étant donné la confortable pension qu'ils recevaient pour cela, certains de leurs parents moins fortunés s'accommodaient donc du léger inconvénient de la recevoir pendant une courte période. »

Pioché chez Clara !