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Le canular « Antéchrist »

Par Monarchomaque

Le terme « antéchrist » fait maintenant parti de la croyance populaire. D’innombrables enseignements chrétiens en font mention. Ce terme désignerait un certain personnage Satanique qui s’élèvera à la fin des temps pour gouverner le monde, tuer les chrétiens et les juifs et soumettre les populations sous un système économique mondial par le moyen d’une marque contenant le chiffre 666. Si vous entendez un prêcheur parler de « l’Antéchrist » dans un sermon sur la fin des temps, il est évident qu’il a gobé dogmatiquement et sans trop se poser de question un système théologique sur la fin des temps qui n’est pas biblique, car un tel personnage n’apparaît nulle part dans la Bible.

La croyance populaire

Voici comment un des plus célèbres enseignants sur « les temps de la fin » décrit l’Antéchrist. D’un seul jet, il raconte que « les prophéties bibliques prédisent clairement l’avènement de l’Antéchrist dans les derniers temps et plus de 100 passages de l’Écriture décrivent ses origines, sa nationalité, ses traits de caractère, sa carrière et sa conquête mondiale. Le terme Antéchrist correspond autant à l’individu qu’au système qu’il représente. » [1]

Remarquez bien comment LaHaye et Hindson utilisent le terme « Antéchrist » pour décrire un présumé personnage qui viendra diriger le monde à la fin des temps. De même, un site web pro-dispensationaliste posta un article intitulé « Qui est l’Antéchrist? » dans lequel l’auteur, Britt Gillette, enseigne que « l’Antéchrist est une personne bien réelle. Durant la période de 7 ans qui précèdera la glorieuse apparition de Jésus Christ, l’Antéchrist aura un pouvoir global sans précédent. » [2]

L’étudiant de la Bible ne devrait pas accepter de telles affirmations sans au moins se poser la question : qu’est-ce que la Bible nous dit à propos de l’Antéchrist? Le chrétien sérieux devrait s’éloigner de ce genre de déclarations spectaculaires au sujet d’un dictateur surnaturel et étudier les textes fondamentaux.

L’Antéchrist dans la Bible

Comme je l’ai affirmé plus tôt, le personnage de l’Antéchrist n’apparaît pas dans la Bible, du moins, pas d’une façon qui pourrait ressembler à tout ce qu’on déclare à son sujet. En fait, le terme « Antéchrist » lui-même n’apparaît qu’à très peu d’endroits. Ceci pourrait surprendre les chrétiens qui se sont fait dire toute leur vie que la Bible prophétisait un tel dictateur, sans oublier LaHaye et ses 100 passages pouvant soi-disant nous enseigner sur ce personnage. Voici la preuve de ce que nous avançons :

Le mot « Antéchrist » nous vient directement du mot grec antichristos. Il apparaît seulement 5 fois dans toute l’Écriture (incluant ses variations grammaticales). Nous le rencontrons pour la première fois dans la première lettre de Jean (1 Jn 2.18). L’introduction du terme se fait sans l’article défini. [3] Littéralement, le texte va comme suit : « Enfants, c’est ici la dernière heure; et comme vous avez entendu dire qu’antéchrist vient, et il y a dès maintenant plusieurs antéchrists, par où nous connaissons que c’est la dernière heure. » (1 Jn 2.18).

De ce premier verset, au moins trois choses sont irréfutablement claires :

  1. Antéchrist n’est pas une seule personne. Il s’agit plutôt du terme descriptif d’un groupe, ou d’un type de personne, et non un titre spécialement réservé à une seule personne. Jean n’avait pas l’intention de décrire un dictateur mondial venant accomplir le rôle qui lui avait été prophétisé. Jean annonce plutôt l’arrivée de « plusieurs antéchrists. » Au verset suivant, il exprime la même idée en déclarant que ces antéchrists « n’étaient pas des nôtres; car s’ils [pluriel] eussent été des nôtres, ils [pluriel] seraient demeurés avec nous; mais c’est afin qu’il fût manifesté que tous ne sont pas des nôtres. » (1 Jn 2.19)
  2. Ces antéchrists étaient présents à l’époque où Jean écrivait ces lignes. Nous ne devons plus attendre une apparition dans notre avenir. Jean affirme que « c’est ici », « dès maintenant » que ces antéchrists « sont sortis d’entre nous. » L’affaire est close.
  3. Écrivant sous l’inspiration du Saint-Esprit, Jean interpréta la manifestation de ces antéchrists comme la preuve que lui et ses lecteurs vivaient dans « la dernière heure » ou encore les « derniers temps. » À moins que la dernière heure n’ait duré 2000 ans, nous pouvons donc affirmer que les temps de la fin se rapportent à l’époque de Jean et non à la nôtre. Cela devrait en obliger quelques-uns à revoir l’idée qu’ils se font des derniers temps.

C’est là le premier, et le principal texte faisant mention de l’antéchrist. Le mot apparaît quelques fois encore, nous le verrons dans quelques instants, mais remarquez bien que, mises à part les deux premières lettres de Jean, le terme « antéchrist » n’apparaît nulle part ailleurs dans la Bible, même pas dans le livre de l’Apocalypse.

Nous avons vu jusqu’à présent les deux premières occurrences du mot en 1 Jn 2.18. Dans le même discours, Jean donne à ses lecteurs le moyen de savoir si un antéchrist se trouve parmi eux. Il écrit : « Qui est menteur, si ce n’est celui qui nie que Jésus est le Christ? Celui-là est l’antéchrist (1 Jn 2.22) ». Bien que ce passage fait usage de l’article défini « l’ » (tant dans le grec que dans la traduction française), il est clair que, comme Jean a déjà établi l’idée qu’antéchrist était un groupe de personnes en général au verset 18, il propose maintenant des critères par lesquels ses lecteurs pourront juger des cas spécifiques (définis) d’hérésie parmi eux. Il individualise son langage en conséquence.

Le même principe s’applique en 1 Jn 4.3 où Jean pousse plus loin les critères de jugement : « Et tout esprit qui ne confesse pas Jésus-Christ venu en chair, n’est point de Dieu. Or, c’est là celui de l’antéchrist, dont vous avez entendu dire qu’il vient, et qui est déjà à présent dans le monde. » La phrase « c’est là celui de l’antéchrist » est une description de l’esprit qui renie Jésus. Autrement dit, cela signifie : « cet esprit de reniement, c’est l’esprit de l’antéchrist. » C’est pourquoi tant de traductions se sentent obligées d’ajouter une deuxième fois le mot « esprit » même s’il n’y en a qu’un dans le texte grec (voir exemples). Cette fois encore, l’article « l’ » apparaît, mais sa fonction est claire, il détermine un cas spécifique et défini de cette hérésie. Tout cela s’appuie sur l’enseignement précédent de Jean au sujet du terme antéchrist : tester les enseignants afin de démasquer les hérésies. Donc, « éprouvez les esprits » poursuit Jean en ouverture du chapitre 4, « car plusieurs faux prophètes (tout comme les antéchrists en 2.18) sont venus dans le monde » (4.1)

L’autre instance du terme survient en 2 Jn 7. Elle renforce et solidifie ce que nous avons dit jusqu’à maintenant. Jean répète le même enseignement presque verbatim, avertissant que « plusieurs séducteurs sont entrés dans le monde, qui ne confessent point que Jésus est venu en chair. Un tel homme est le séducteur et l’antéchrist. »

L’article défini y apparaît encore, mais il est clair qu’il fait la description d’un groupe. Au pire, Jean pourrait vouloir faire référence à une force surnaturelle unique se cachant derrière ces nombreux « séducteurs », « faux prophètes » et « antéchrists »; mais même là, il ne pourrait s’agir d’un seul individu qui viendra dans notre futur. Cela voudrait simplement dire que, tout comme les pharisiens étaient les enfants du diable « le père du mensonge » (Jn 8.44), ces antéchrists seraient les enfants de cet antéchrist spirituel, le diable. Ce n’est pas nécessairement la bonne interprétation, mais c’est une possibilité.

L’enseignement biblique à propos de cet antéchrist découle donc de ces cinq brèves apparitions du terme à l’intérieur de quatre versets. Ces versets nous enseignent au moins ceci : il y avait plusieurs antéchrists au temps de Jean et leur apparence confirma que la génération de Jean était dans les derniers temps, voire même, dans la dernière heure.

Toutes interprétations sur l’antéchrist qui dévieraient de ces enseignements fondamentaux risqueraient d’ajouter ou de retrancher à la Parole de Dieu. L’Écriture ne nous permet tout simplement pas d’utiliser le terme « l’Antéchrist » pour parler d’un personnage unique encore à venir. Malheureusement, c’est ce que beaucoup font et continuent de faire.

L’erreur de « l’Antéchrist recomposé »

Les données bibliques sur l’antéchrist sont courtes, mais très claires. Cela n’empêche pas pour autant une multitude de chrétiens d’imposer ce terme à d’autres personnages bibliques pour qui ce titre ne leur est aucunement réservé. Il s’ensuit donc une confusion, voire même un obstacle en ce qui concerne l’orthodoxie et la vision biblique du monde.

Par exemple, LaHaye et Hindson affirment que « la Bible utilise différents noms et titres pour cette personne communément appelée l’Antéchrist. » [4] Dans l’article cité précédemment, Gillette nous sort une longue liste de ces soi-disant noms :

  • La postérité de Satan (Genèse 3.15);
  • La petite corne (Daniel 7.8);
  • Un roi au visage audacieux et entendu dans l’artifice (Daniel 8.23);
  • Un conducteur qui viendra (Daniel 9.26);
  • Le désolateur (Daniel 9.27);
  • Le roi qui fera tout ce qu’il voudra (Daniel 11.36);
  • Le roi d’Assur (Ésaïe 10.12);
  • Le pasteur de néant qui abandonne le troupeau (Zacharie 11.17);
  • Le fils de la perdition (2 Thessaloniciens 2.3);
  • L’impie (2 Thessaloniciens 2.8);
  • L’Antéchrist (1 Jean 2.18);
  • La Bête (Apocalypse 13.11).

Remarquez bien que Gillette fait référence au terme « antéchrist » de 1 Jean 2.18. Comme nous l’avons vu précédemment, il n’y a même pas l’article « l’ » dans ce passage! Ce titre est donc une pure invention ayant pour but de promouvoir une idée théologique préconçue.

Bien sûr, après avoir créé ce concept de toutes pièces, il ne reste pour ces enseignants qu’à identifier chaque vilain et chaque faux prophète de la Bible avec ce personnage. Le théologien B.B. Warfield nomma cette pratique « la photographie composite » qui s’obtient en connectant « antéchrist » à l’homme du péché de Paul, ou encore la Bête de l’Apocalypse, et encore bien d’autres. [5]

C’est de ce type de construction doctrinale qu’émerge « l’Antéchrist », ce mythe, voire même ce pâté chinois de versets bibliques, concocté avec beaucoup d’imagination et de superstition. Il n’existe pas dans l’Écriture; c’est une invention de théologiens dépendants d’un système eschatologique particulier.

Afin de contourner l’affirmation claire de l’Écriture, ces gentlemen doivent ajouter à la Parole de Dieu. Même après avoir affirmé à quel point la définition du terme était très limitée, LaHaye et Hindson s’en détournent immédiatement. Ils écrivent d’abord : « Fait intéressant, le terme antéchrist (anitchristos en grec) n’apparaît seulement qu’en 1 Jean 2.18, 4.3 et 2 Jean 7. » Ils avouent même qu’il ne s’applique pas à un individu en particulier : « L’apôtre Jean l’utilise autant au singulier (l’antéchrist) qu’au pluriel (les antéchrists). » Ils refusent pourtant d’interpréter le singulier hors de leur système théologique; ils voient dans les mots de Jean leur méga-vilain imaginaire : « Jean informe ses lecteurs qu’ils ont entendu dire que l’Antéchrist viendra dans le futur. » [6]

Jean ne dit rien de tout cela. Comme nous l’avons vu, ce verset exclut spécifiquement l’article défini. LaHaye et Hindson en ajoutent pourtant un, et ils le mettent en italique afin de souligner leur point de vue. C’est un tour de passe-passe : ils placent là un caractère pour cacher leur préjugé théologique; ils ont ajouté aux mots de Jean. C’est cependant un mauvais tour, puisqu’il révèle plutôt leur point de vue biaisé.

De plus, Jean n’affirme pas que « l’Antéchrist viendra dans le futur, » il rappelle simplement à ses lecteurs que « l’Antéchrist vient. » Le temps du verbe est au présent, et non au futur. Jean ajoute ensuite le fait que « plusieurs antéchrists » sont déjà venus comme étant la preuve que la prophétie s’était accomplie, et que c’est grâce à cela qu’il pouvait savoir (avoir la certitude) qu’ils vivaient dans la dernière heure. La manifestation de l’antéchrist comme étant plusieurs antéchrists était l’accomplissement de la prophétie de Jésus pour leur temps de la fin (Mt 24.4-5, 23-28). Cela n’a rien à voir avec un méchant dictateur qui viendra dans le lointain futur.

Pour que leur « montage photographique » se tienne, LaHaye et Hindson doivent ignorer la signification que donne Jean aux plusieurs antéchrists.  Ils admettent que c’est ce que Jean affirme, mais ils ajoutent à la Parole de Dieu en déclarant qu’il « décrit ces antéchrists de moindre importance comme des menteurs qui nient que Jésus est le Christ. » [en page 222?] Avez-vous remarqué l’addition du qualificatif « de moindre importance »? Afin de conserver leur croyance au sujet de la venue future de « l’Antéchrist, » ils minimisent ce que Jean enseigne. Les mots « de moindre importance » sont un ajout à la Parole de Dieu.

Cet ajout tord le sens de l’Écriture sur le sujet d’antéchrist. Cela voudrait donc dire qu’il existe un « Antéchrist suprême, » et que nous devons tenir pour acquis qu’il arrivera dans le futur. Alors, à moins de réunir tous les méchants dirigeants de la Bible, d’en extraire une prophétie imaginaire fondée sur cet amalgame et de donner à ce Frankenstein le nom « d’Antéchrist, » aucun personnage du genre ne saurait se glisser dans nos discussions théologiques. La seule chose qui pourrait s’en approcher, ce serait d’interpréter l’esprit de l’antéchrist comme étant une force transcendante, animant ces nombreux antéchrists. Comme nous en avons discuté plus tôt, ceci ne voudrait pas dire qu’il s’agit d’une personne particulière qui fera son apparition dans l’histoire.

La Bible est si simple et si claire qu’il devient intéressant de constater que des enseignants comme Gillette s’écartent du vrai sens de l’Écriture au profit de leur point de vue théologique:

Malgré le fait que beaucoup de gens affirment que la Bible ne fait aucune mention d’un individu comme étant l’Antéchrist, qu’il s’agirait plutôt de « l’esprit de l’Antéchrist, » une image complète de cet infâme personnage ressort d’une lecture approfondie de l’Écriture.

Il cite ensuite le catalogue de vilains personnages bibliques mentionné plus haut. Pire encore, je suis abasourdi de constater que dans un texte de 2,400 mots bravement intitulé « Qui est l’Antéchrist? » il n’y ait aucune discussion sur les passages où le mot apparaît. Il ne fait qu’une petite mention de 1 Jn 2.18 comme étant un verset contenant le titre de l’Antéchrist, mais nous avons vu que l’article défini n’était pas dans le texte grec. On s’attendrait à ce qu’un article sur le sujet fasse au moins l’exégèse des cinq endroits où le terme apparaît. Gillette ratisse plutôt le reste de l’Écriture afin d’y trouver tous les méchants qu’il peut trouver dans les prophéties pour ensuite affirmer que ceux-ci sont l’Antéchrist. Le problème est évident : au lieu de laisser la Bible définir le terme « Antéchrist » et d’interpréter le reste de l’Écriture en conséquence, les enseignants comme Gillette inventent tout d’abord la définition du terme, et recherchent ensuite les Écritures pour y introduire de force leur interprétation.

Une conclusion logique

Nous savons maintenant que le concept populaire d’Antéchrist est un mythe. La question « Qui est l’Antéchrist? » devient donc une erreur de logique.  La réponse adéquate à la question « Qui est l’Antéchrist? » est « Je rejette l’idée préconçue selon laquelle un tel personnage existe! »

Références

  1. Tim LaHaye et Ed Hindson, eds., The Popular Encyclopedia of Bible Prophecy (Eugene, OR : Harvest House Publishers, 2004), 23.
  2. Rapture Ready — Who is the Antichrist ? par Britt Gillette (en date du 10 mars 2011).
  3. Certaines traductions anglaises ajoutent « the » malgré tout, mais il n’y aucune raison pour cela. Certains traducteurs imaginent qu’une règle grammaticale grecque compliquée l’exige (loi soi-disant « règle de Colwell »), mais celle-ci ne s’applique pas nécessairement ici.
  4. Tim LaHaye et Ed Hindson, eds., The Popular Encyclopedia of Bible Prophecy, 24.
  5. Voir Warlfield tel que cité par Kim Riddlebarger, The Man of Sin : Uncovering the Truth about the Antichrist (Grand Rapids, MI : Baker Books, 2006), 80. Remarquez que même l’auteur (de confession réformée et amillénariste) ajoute l’article défini « the » dans son sous-titre.
  6. Tim LaHaye et Ed Hindson, eds., The Popular Encyclopedia of Bible Prophecy, 23; Ils mettent même l’accent sur l’article défini « l’Antéchrist ».

Source : cet extrait de l’ouvrage Jesus v. Jerusalem de Joel McDurmon | Traduction : Libre avec Dieu | Retouches par Le Monarchomaque.


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