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Verdict dans l’affaire Google Books

Publié le 17 novembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Brève

Verdict dans l’affaire Google Books

Publié Par Contrepoints, le 17 novembre 2013 dans Droit et justice

Après plus de 8 années de procédure d’une incroyable complexité, Google a finalement remporté le procès qui l’opposait à la Guilde des auteurs à propos de son programme géant de numérisation Google Books.

Par Calimaq

La nouvelle est tombée hier et elle fera date : après plus de 8 années de procédure d’une incroyable complexité, Google a finalement remporté le procès qui l’opposait à la Guilde des auteurs à propos de son programme géant de numérisation Google Books. Le juge Denny Chin, en charge de l’affaire, lui a donné raison sur la base du fair use (usage équitable), une disposition du droit américain qui permet dans certaines situations de se défendre de l’accusation de contrefaçon en cas d’usage d’œuvres protégées.

Verdict dans l’affaire Google Books
The Google Book. Par Jim Barter. CC-BY. Source : Flickr .

La défaite est cinglante pour la Guilde des Auteurs, qui restait seule en lutte contre Google après que les éditeurs américains aient décidé de conclure un accord en 2012 avec le moteur de recherche. Denny Chin a en effet rendu un summary judgment, ce qui signifie qu’il a estimé que la balance penchait tellement en faveur de Google qu’il pouvait recourir à une procédure simplifiée. La fermeté du jugement va rendre hasardeux pour la Guilde des Auteurs le fait de se pourvoir en appel, même si ses responsables ont déjà annoncé qu’ils avaient l’intention de le faire.

De quoi était-il exactement question dans ce jugement ? En mars 2011, le juge Chin avait refusé de valider un Règlement par lequel Google, la Guilde des Auteurs et l’Association des éditeurs américains avaient essayé de mettre fin à leur différend sur une base contractuelle. Ils avaient voulu mettre en place un système complexe qui aurait permis à Google, en contrepartie de 125 millions de dollars,  de commercialiser les livres épuisés numérisés par ses soins, sur la base d’un opt-out (option de retrait laissée aux titulaires de droits pour sortir du système). Chin avait refusé d’entériner cette solution, en estimant qu’elle risquait de conférer à Google un monopole de fait sur la numérisation à but commercial, en particulier pour les œuvres orphelines faisant partie du corpus.

Google a donc été obligé de revenir à l’intention initiale du projet Google Books, à savoir scanner des ouvrages, y compris sous droits, mais uniquement pour en diffuser de courts extraits (snippets) répondant aux requêtes des utilisateurs. Pour aller plus loin (montrer des portions plus larges, vendre des ouvrages), Google doit passer par des accords volontaires, avec les éditeurs et les auteurs (opt-in).

C’est ce mode de fonctionnement qui était encore considéré comme une violation du copyright par la Guilde des Auteurs, mais sans réussir à convaincre le juge Chin qui a accepté au contraire de considérer que cet usage était légitime et relevait du fair use.  A la lecture, cette décision frappe surtout par sa cohérence et sa très grande qualité d’appréciation, le juge ayant pris la peine de considérer la question dans toutes ses dimensions, et notamment le bénéfice social global qu’un site comme Google Books est en mesure d’apporter en terme de diffusion du savoir et d’accès à la connaissance.

Le contraste est saisissant avec la manière dont les choses se sont passées en France, lorsque la justice a été amenée en 2009 à apprécier la légalité de Google Books, suite à une plainte des titulaires de droits. J’avais consacré une analyse détaillée à cette décision à l’époque, pour montrer les limites du mode de raisonnement du juge français, qui ressortent aujourd’hui de manière encore plus frappante au vu de la décision de son homologue américain.

Au final, si l’on prend un peu de recul, on se rend compte que cette décision, justement parce qu’elle a été rendue sur la base du fair use, va être susceptible de bénéficier à d’autres entreprises, mais surtout aux structures publiques ou à but non-lucratif qui œuvrent également pour la diffusion de la connaissance aux États-Unis : Internet Archive, Hathi Trust, la Digital Public Library of America portée par Robert Darnton, ainsi que l’ensemble des bibliothèques américaines. La France et l’Europe font de leur côté réellement pâles figures, avec notamment un dispositif comme celui de la loi sur les livres indisponibles ou la base ReLIRE de la BnF, qui n’ont réussi qu’à faire bien pire que Google, ou un projet comme Europeana, qui n’a jamais réussi à prendre réellement son envol, en grande partie à cause des restrictions trop fortes imposées par le droit d’auteur en Europe.

Au final, cette décision montre les bénéfices globaux d’une conception beaucoup plus équilibrée que la nôtre du droit d’auteur, mais elle constitue également une grande leçon de démocratie, qui devrait nous inciter à revoir en profondeur la manière dont ces questions sont abordées en France.

L’article (beaucoup plus complet) sur scinfolex.com

L’article, hilarant, « You get nothing ! » sur BoingBoing

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