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L’inquisition fiscale est en marche

Publié le 19 novembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Analyse

L’inquisition fiscale est en marche

Publié Par Florent Belon, le 19 novembre 2013 dans Fiscalité

Les propositions fiscales de députés socialistes (Karine Berger ou Pascal Cherki) sont lourdes de danger pour tous.

Par Florent Belon.

Fiscalité Impôts Taxes
Alors que la discussion du projet de loi de finances pour 2014 s’achève à l’Assemblée nationale, deux amendements relatifs à l’optimisation fiscale ont été adoptés lors de la deuxième séance du vendredi 15 novembre 2013 (compte-rendu).

Ils ouvrent la Boîte de Pandore et font tomber le masque.

L’optimisation fiscale : vade retro satanas

Lors des débats parlementaires, on peut lire un débat des plus riches qui permet de bien comprendre la psychologie et l’idéologie des socialistes.

Le député Karine Berger, qui s’était déjà faite remarquée par la pertinence et la subtilité de ses analyses,  énonce, entre 2 citations de Saint François Mitterrand, qu’ «  Il y a peut-être encore pire que de ne pas vouloir payer son impôt, que l’on soit un particulier ou une entreprise : c’est le fait de conseiller l’un ou l’autre pour qu’il ne paie pas l’impôt. C’est exactement ce contre quoi cet amendement lutte. Il vise en effet à supprimer toute possibilité dans notre pays d’être rémunéré pour conseiller sur les moyens d’échapper à l’impôt, de ne pas se soumettre à l’impôt quand on est un grand groupe ou quand on est un particulier riche. »

Le Ministre du culte taxatoire remplaçant, dénommé Bernard Cazeneuve, n’hésite pas à assimiler fraude et optimisation fiscale : « l’optimisation et la fraude sont des pratiques qui ne nous paraissent pas acceptables.»

L’Etat fixe seul les règles qui s’imposent au contribuable. Désormais le contribuable ne pourra plus être habile avec les règles qui lui sont imposées. De là à considérer que le contribuable sera en devoir de s’acquitter du montant de prélèvement le plus élevé en choisissant la voie qui lui est la plus défavorable, il n’y a qu’un pas…

Déclaration des schémas d’optimisation fiscale (amendement n°527)

Une obligation de déclaration à l’administration fiscale, sous peine d’amende, serait introduite à charge de toute personne commercialisant un schéma d’optimisation fiscale ou l’élaborant ou le mettant en place.

Le texte définit un schéma d’optimisation fiscale soumis à déclaration comme :
« toute combinaison de procédés et instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers :

  • Dont l’objet principal est de minorer la charge fiscale d’un contribuable, d’en reporter l’exigibilité ou le paiement ou d’obtenir le remboursement d’impôts, taxes ou contributions ;
  • Et qui remplit les critères prévus par décret en Conseil d’État. »

Ces dispositions seraient applicables à partir du 1er janvier 2015.

Bernard Cazeneuve, exprime ses doutes « Une nouvelle obligation déclarative, puisque c’est ce que vous [il parle aux  députés socialistes et plus si affinités] proposez, n’a d’intérêt que si elle peut être exploitée de façon totale, efficace, parfaitement approfondie par l’administration. »

« Par ailleurs, un tel dispositif suppose une définition suffisamment claire du montage et de ses objectifs qui soit partagée avec les entreprises. L’administration pourrait en effet se trouver très rapidement noyée sous une masse de déclarations qu’elle ne pourrait exploiter si, compte tenu de l’imprécision du dispositif, toutes les personnes élaborant des produits bénéficiant d’un avantage comparatif au plan fiscal adressaient par précaution leur offre commerciale. Ce point central pour le bon fonctionnement de cette mesure ne peut être renvoyé à un décret sans encadrement précis préalable. »

« Mon administration ne souhaite pas du tout voir arriver dans le cadre d’un dispositif aléatoire et non stabilisé juridiquement des schémas de montage qu’elle ne pourrait pas exploiter totalement. »

Définition de l’abus de droit (amendement n°530)

Ce que je redoutais dans un précédent article est arrivé. La notion d’exclusivité du but fiscal serait remplacée par celle de but fiscal à titre principal.

Les risques que j’évoquais sont au rendez-vous. On relèvera qu’aucune restriction à cette nouvelle définition n’est prévue. Ainsi, bien que les déclarations visent souvent les grandes entreprises dans leurs opérations à l’international, la même définition s’appliquera aux PME et aux particuliers.
Cette nouvelle définition s’appliquerait aux notifications adressées à compter du 1er janvier 2016. Ceci signifie que les opérations régulièrement déclarées et réalisées en 2013 seraient rétroactivement sous le coup de cette nouvelle définition car non prescrites au 1er janvier 2016 !

Le Ministre du Budget, chose assez rare pour le relever, fait figure de Sage dans le débat face aux postures de députés socialistes dignes d’entrer dans le Gouvernement de révolution bolivarienne vénézuélien.

Il n’a sans doute pas lu Contrepoints, mais au moins mis la main sur le rapport dirigé par Olivier Fouquet en 2008 cité dans notre précédent article, et qui avait écarté la notion de « principal » pour ses graves atteintes à la sécurité juridique.

Le Ministre reprend ces arguments :

« Le premier obstacle à la solution que vous proposez renvoie à un problème de méthode : comment apprécier in concreto le poids d’un but autre que fiscal – but patrimonial, de protection d’un parent, de préservation de l’unité de l’exploitation familiale, but économique – au regard du but fiscal, lequel s’apprécie immédiatement en fonction du montant de l’impôt évité ? En d’autres termes, comment apprécier le poids d’un avantage pécuniaire recherché par rapport à un autre avantage, qui n’est pas forcément chiffrable, et comment apprécier alors, si le premier est principal par rapport au second ?

Il appartiendra alors au juge d’apprécier le résultat de la « pesée » effectuée par l’administration. Il en découlera, c’est ma crainte, une insécurité juridique pour les acteurs, compte tenu des positions divergentes que pourraient prendre les différentes juridictions, faute de critères juridiques avérés caractérisant un but « principalement » fiscal.

Par ailleurs, juge de cassation et non de fond, le Conseil d’État ne pourra jouer son rôle de régulateur. Ainsi, un même montage pourra être apprécié par des juges appartenant à des juridictions géographiquement distinctes, dans le cas, par exemple, d’associés de sociétés de personnes domiciliés dans des départements différents, et aboutir à des solutions radicalement opposées. Cette insécurité fiscale, compte tenu des sanctions qui s’y rattachent, risquerait de se voir immédiatement condamner par la Cour européenne des droits de l’homme.

Enfin, cette nouvelle définition de l’abus serait contraire à celle donnée, dans certains arrêts, par la Cour de justice de l’Union européenne.

Face à lui, quelques jeunes komsomols d’élite (Dans l’ordre d’apparition, Berger, Cherki et Muet), rêvent de monde meilleur, révolution culturelle maoïste, et de dictature fiscale. S’ouvre alors un débat sur l’essence du droit éclairant quant à la philosophie de nos législateurs que j’évoquais récemment.

Cazeneuve résume la vision de Cherki, le théoricien et idéologue du groupe : le droit est le résultat d’un rapport de force. Il doit rétablir l’équilibre entre les puissants qui procèdent à des opérations d’optimisation fiscale d’un côté et, de l’autre, l’État qui doit percevoir des recettes de leur part.
Cazeneuve fut alors pris, l’espace d’un instant, d’une crise aigüe de libéralisme : « Je préfère toutefois, pour ma part, une autre philosophie issue d’un héritage différent : en toutes matières, dès qu’il s’agit du droit, « il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », écrivait Montesquieu. En effet, dès lors qu’il comporte une part d’incertitude, comme vous l’avez dit, le droit n’est efficace que si ceux qui le font se posent la question de connaître avec rigueur et précision les conditions dans lesquelles il sera appliqué. »

Cette parenthèse intellectuelle fermée, les députés socialistes assument pleinement le risque juridique ouvert :

« La question se posera pour les affaires où cette volonté ne sera plus « exclusive » mais « principale ». Eh bien, prenons ensemble le risque de perdre parfois quelques contentieux, sachant aucune affaire qui aurait été traitée auparavant en vertu du critère de l’exclusivité ne risquerait d’être perdue. L’administration ne sera donc nullement empêchée de faire son travail et de récupérer des recettes fiscales.

Par contre, il faudra sans doute quelques années pour fixer la notion de « principal », puisque nous sommes dans un domaine nouveau. Je parlais de la perte de chance, je pourrais également parler de concepts juridiques ayant nécessité, eux aussi, un certain nombre d’allers-retours.

Avant, ces allers-retours avaient lieu entre les juridictions du premier degré et la Cour de cassation ; ce sera désormais entre les juridictions françaises du premier degré en France, le Conseil d’État et la Cour de justice de l’Union européenne. En décidant cette novation dans le domaine du droit, nous travaillons pour les années à venir. »

Pour conclure, s’il faut que quelques entreprises ou vies soient gâchées sur l’autel fiscal, le temps que la jurisprudence précise les contours de la nouvelle définition, et bien allons-y. Le collectivisme mérite bien un peu de chair humaine pour l’exemple. Car si le Gouvernement Ayrault et le Président Hollande n’ont pas déjà réussi à rendre le pays prospère et à faire disparaître déficits et chômage, c’est sans nul doute à cause de saboteurs réactionnaires à la solde de l’étranger que ces textes châtieront…

Les mouvements de contestation, des plus apaisés mais fermes (les dupés) aux plus revendicatifs (bonnets rouges, tondus …) ne peuvent que se voir légitimés par un tel déferlement réglementaire et une telle conception du droit instaurant une véritable loi des suspects en matière de prélèvements obligatoires.

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