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La bibliothèque du professeur Blequin (1)

Publié le 20 novembre 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

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Devezh mat, Metz, mont a ra ? Ce n’est pas un secret, j’aime beaucoup les livres ; c’est pourquoi j’ai décidé de vous parler régulièrement des livres que j’ai lus ou relus. Gardez bien à l’esprit que mon avis en vaut largement un autre…

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René Descartes, Les passions de l’âme (1649) in Œuvres et lettres, Gallimard, Pléiade, 1953 : Le traité des passions de l’âme est moins connu du grand public que le Discours de la méthode ou les Méditations métaphysiques dans la mesure où, à ma connaissance, il n’est pas étudié en terminale, contrairement aux deux dernières œuvres dont il est cependant un prolongement qui n’a rien de gratuit étant donné que Descartes y met en application ce qu’il a tiré de ces travaux antérieurs. On peut néanmoins comprendre la réticence de l’éducation nationale : les potaches d’aujourd’hui ne manqueraient pas de dénoncer le caractère obsolète de la vision de l’anatomie humaine qui y est développée, ne serait-ce qu’à propos de la glande que Descartes situait dans le cerveau et décrivait comme jouant un rôle d’intermédiaire entre le corps et l’âme ; malgré cette limite liée aux progrès des recherches en médecine, Les passions de l’âme n’en est pas moins une pièce maîtresse pour qui cherche à avoir un aperçu complet de ce tournant majeur de l’histoire de la pensée que fut la « révolution galiléo-cartésienne » au cours de laquelle la science en général et la philosophie en particulier s’est affranchie (non sans mal !) de l’emprise de la théologie, mettant ainsi un coup de pied dans la fourmilière de l’obscurantisme qui sclérosait les esprits depuis des siècles et annonçant déjà ce formidable feu d’artifice intellectuel qu’allait être le siècle des lumières… On peut penser ce qu’on veut de sa catégorisation des passions, qu’il analyse chacune comme une variante d’une ou plusieurs de ce qu’il présente comme les six passions principales (admiration, joie, tristesse, amour, haine, désir), mais le spécialiste versera volontiers une larme en se remémorant cette époque où le savoir n’est pas compartimenté en une série de spécialités hermétiques et où la philosophie avait encore pour but de connaître l’homme et le monde et non simplement de distribuer les bons et les mauvais points en éthique…

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David Hume, Du suicide suivi de De l’immortalité de l’âme, traduit préfacé, établi et annoté par Pascal Taranto, Cécile Defaut, 2009 : On a coutume de considérer Spinoza comme LE père philosophique de la laïcité ; pourtant, l’écossais David Hume, qui lui est postérieur d’un siècle, n’aurait rien eu à lui envier sur cette question. Hume est surtout connu pour sa conception de la connaissance que l’on qualifie d’« empiriste », mais c’est précisément parce qu’il ne pensait pas l’homme capable de connaître autre chose que ce sur quoi son expérience le renseigne qu’il lui refusait également la possibilité d’une connaissance parfaite de Dieu : en somme, loin de nier l’existence de Dieu, Hume refusait seulement d’admettre que l’homme, déjà incapable d’accéder à une connaissance parfaite des lois causales qui régissaient le monde et devant se contenter d’énoncer ce qui arrive le plus souvent, ait jamais pu connaître, à plus forte raison, la nature de la divinité. Inutile de dire que les intégristes de l’époque ne lui ont pas pardonné ce qu’ils percevaient à juste titre comme une menace directe de leur pouvoir sur la société, ce qui explique peut-être que, par prudence, il ait préféré ne pas publier de son vivant ces deux petits essais recueillis dans ce récent ouvrage : l’auteur y reconnait quand même le droit au suicide pour qui juge que sa vie ne vaut plus la peine d’être poursuivie (débat cruellement d’actualité s’il en est) et déclare même qu’il est plus avantageux moralement de ne pas croire à la survie de l’âme après la mort, rien que ça ! Mais plus encore qu’une éventuelle prudence face au risque de mobiliser ses ennemis, a probablement joué dans la décision de Hume de laisser confidentiels ces écrits l’insatisfaction dans laquelle ils le laissaient : ces deux essais n’ont pas tout à fait l’allant de l’Enquête sur l’entendement humain ou des Dialogues sur la religion naturelle. Des écrits intéressants pour avoir un panorama complet de la pensée humienne mais non fondamentaux.

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Annie Pastor, Les pubs que vous ne verrez plus jamais, Hugo & Cie, 2012 : Cet ouvrage a été assez bien remarqué, les réclames plus ou moins risibles qu’il recueille circulent sur la toile. Toutefois, je trouve son titre bien optimiste : certes, plus personne n’oserait vendre quoi que ce soit en mettant des bébés dans un sac en cellophane, en faisant poser une petite fille comme si c’était Brigitte Bardot (jeune, évidemment) ou en assimilant le noir de la peau d’un « nègre » à de la saleté (pour ne citer que les exemples les plus malsains), mais le trait qui revient le plus souvent est la mise en scène d’une conception stéréotypée et archaïque des rôles de l’homme et de la femme dans le couple et dans la société ; la pub est-elle vraiment sortie de là ? Pas sûr, quand on voit le tollé qu’a déclenché la sortie du catalogue de jouet « non-genré » des magasins U : cette indignation a beau être le fait de bien-pensants d’ailleurs hostiles au mariage pour tous, le fait qu’il s’agisse encore d’un tabou à briser est un des signes, parmi d’autres, que la pub continue à aligner au kilomètre des clichés sur les deux sexes, de façon peut-être plus insidieuse mais tout à fait réelle néanmoins. Autre regret concernant ce livre : il ne comporte aucune indication permettant de replacer toutes ces publicités d’antan dans leur contexte, on ne sait pas de quand datent ses campagnes (il est seulement précisé, assez vaguement que « pour la plupart, [elles] n’ont pas plus de 70 ans »), ni où elles ont circulé et sur quels supports ni même quel impact elles avaient eu dans le temps, autant d’indications qui auraient rendu le livre bien plus instructif, mais peut-être Annie Pastor voulait-elle simplement inviter le lecteur à rire avec elle de tous ces arguments grotesques et obsolètes…

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Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, Astérix chez les Pictes, Albert René, 2013 : Bon, d’accord, l’intrigue n’est pas d’une folle originalité, mais tant pis pour les esprits chagrins : le premier album d’Astérix non dessiné par Albert Uderzo est plein d’allant, de vie et d’humour, Jean-Yves Ferri s’en est donné à cœur joie pour truffer son scénario de petites trouvailles verbales et de situations décalées qui rendent la lecture savoureuse et permettent au créateur d’Aimé Lacapelle de s’affirmer comme un digne successeur de Goscinny ; on peut donc considérer cet opus comme un « album-test » grâce auquel Ferri rassurera les fidèles d’Astérix avant de se permettre d’aller plus loin dans l’innovation. La grande surprise vient de Didier Conrad : on prenait ce vieux routier de la BD pour un franquinien indécrottable, il se révèle capable de se conformer à merveille au style uderzien, performance qui mérite d’autant plus d’être saluée qu’Albert Uderzo est le seul grand dessinateur de sa génération à n’avoir pas fait école ; Conrad a même glissé une caricature de Johnny Halliday ! Si, si, cherchez bien !

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René Pétillon, Palmer en Bretagne, Dargaud, 2013 : Le dernier album de Pétillon a été remarqué en Bretagne : pas seulement parce que le dessinateur, natif de Lesneven, situe l’action dans sa région natale, mais aussi parce que l’intrigue ressort du panier la polémique autour des algues vertes ; pourtant, même si, de son propre aveu, Pétillon est révulsé par la mauvaise foi en béton armé des producteurs de porcs, son but premier n’a pas été de régler ses comptes avec eux. Ses cibles ont clairement été les ultra-riches qui privatisent de vastes terrains sur la côté pour y installer leurs résidences secondaires : il aurait pu aussi mentionner le fait que ces privilégiés rendent parfois inaccessibles des sentiers côtiers publics, en toute illégalité, mais l’humour n’en naît pas moins du choc des contraires entre cette élite parisianiste et les Bretons bruts de décoffrages comme le mareyeur Tintin ou les participants au fest-noz qui envoient littéralement chier la responsable de la com’ de la porcherie… Et Palmer, dans tout ça ? Il bat tous ses records d’incompétence en se retrouvant coincé sur un rocher, encerclé par la marée montante ! Mais c’est à cette incompétence congénitale qu’il devra d’être le seul à connaître la vérité sur le meurtre de l’histoire…

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A bientôt pour de nouveaux coups de cœur littéraires ! Kenavo, les aminches !


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