Impossible de me défiler, il y a 15 jours, quand ma fille m’a supplié de l’emmener à l’avant-première d’un biopic sur un sportif singulier et quasi inconnu. J’ai cédé devant son insistance, mais aussi parce que la projection se faisait en présence de l’équipe du film, ce qui est somme toute fort rare et potentiellement intéressant. Me voilà donc embarqué dans une histoire dont je ne soupçonnais pas vraiment la portée.
Je ne suis pas cinéphile et vais rarement au cinéma. Depuis peu, j’ai même renoncé à certaines affiches tant la contrainte démesurée de subir les publicités d’avant projection est longue et pesante. Mais cette fois, rien. En guise d’ouverture, Jacques Ouaniche, réalisateur, et Brahim Asloum, ex-boxeur émérite et principal acteur du film sont venu présenter «Victor Young Perez», ou l’ascension fulgurante d’un enfant de Tunis à la destinée tragique, champion du monde de boxe à 20 ans dans les années 1930 mais passé dans l’oubli jusqu’à ce jour.
La boxe n’est pas ma tasse de thé non plus, et un film sur le sujet m’aurait plutôt laissé indifférent. Mais il faut avouer que je me suis laissé porter par cette évocation remarquablement interprétée par un Asloum surprenant. S’il reste dans un rôle sur mesure, bien dans ses cordes quand il s’agit de l’ascension vers la gloire et les exploits pugilistiques du jeune tunisien, l’ancien champion olympique et champion du monde est carrément bluffant en déporté dans les camps de la mort. Pour une première apparition à l’écran, c’est formidablement réussi.Mais derrière l’écran, derrière l’histoire de ce jeune boxeur, il y a un message qui ne me laisse pas indifférent, qui me fait serrer les dents de rage comme un boxeur. Né juif en Tunisie, comme l’a expliqué avec justesse Brahim Asloum après la projection, Victor Younki, son vrai nom, est passé de l’ombre à la lumière pour finir prématurément sous la barbarie nazie. Français quand cela arrangeait la France, que tunisien pour d’autres, mais surtout juif, ce fond grandissant d’antisémitisme et de xénophobie de l’entre deux guerres me rappelle avec tristesse la période actuelle avec ses relents de plus en plus puants de racisme banal et ordinaire, décomplexé et gratuit. Avec un tout petit peu de recul, on y perçoit des analogies bien actuelles, encouragées par l’état de crise, la misère, la peur de l’avenir. Il est plus que temps d’en prendre toute la mesure avant d’en arriver aux drâmes.
Reste enfin que Brahim Asloum m’a vraiment impressionné, à l’écran comme à la ville. Lors du débat, il a montré un esprit, une réflexion aboutie, une clairvoyance et une simplicité peu commune, boxeur ou pas. Pas d’esquive ou de pirouette, avec ce jeu de jambe qui m’a fait défoncer mon canapé devant ma télé lors des jeux olympiques de Sidney, il a évoqué quelques sujets du moment avec intelligence et sensibilité qui, quelque part, m’ont réconforté face à la bêtise du quotidien garni de singes et de bananes.
Un vrai champion. Chapeau bas Monsieur Asloum. Allez le voir.