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Budget de l’Europe : baisse drastique sauf pour Erasmus et d’autres secteurs d’avenir

Publié le 20 novembre 2013 par Sylvainrakotoarison

Le budget européen 2014-2020 vient d’être approuvé définitivement. Erasmus, l’innovation, les aides à la recherche voient leur enveloppe augmenter, tandis que globalement, ce budget baisse de 85 milliards d’euros.

yartiErasmus00On ne dira jamais assez fort que les affaires européennes sont avant tout des affaires intérieures et pas des affaires extérieures à la France. Ne serait-ce que le problème que rencontrent les éleveurs bretons mais c’est aussi le cas de bien d’autres domaines.

Depuis une vingtaine d’années, les gouvernements français ont toujours eu un double langage qui a donné une image déplorable de la construction européenne en opposant leur volonté nationale aux prétendus "diktats" européens de Bruxelles. Pourtant, pas une seule décision européenne n’a été prise sans l’accord plein et entier, voire l’initiative, des gouvernements français. Les derniers événements sur la surveillance des politiques budgétaires de la zone euro peuvent en donner une illustration supplémentaire.

La négociation du budget de l’Union Européenne sur une longue période 2014-2020 aura finalement été très laborieuse et contrairement aux velléités du Président François Hollande pendant sa campagne présidentielle de 2012, le budget n’impulsera pas la croissance sur le plan européen. Pire, puisque le budget est en forte diminution par rapport avec la programmation précédente pour la période 2007-2013.

Répétons ici que cette période de sept ans est très antidémocratique : l’Union Européenne vient de se doter d’une programmation budgétaire sur sept ans à quelques mois de l’élection d’un nouveau Parlement européen, et son successeur, qui sera élu au printemps 2019, devra encore appliquer cette programmation vieille de deux mandats. Il serait plus cohérent de réduire la période de programmation à cinq années, négociée sur la première année et demi du mandat des députés européens (par exemple, que les députés européens élus en mai 2014 préparent la programmation budgétaire sur la période 2016-2020, ceux élus en mai 2019 sur la période 2021-2025 etc.).

Cela dit, une avancée qui provient du Traité de Lisbonne, c’est que le Parlement européen doit approuver le budget de l’Union Européenne préparée par la Commission européenne et surtout, par le Conseil européen. Conclusion, les députés européens ont vendu chèrement leur adhésion, au risque de mettre l’Europe en situation de "shutdown", en rejetant la première mouture du texte le 13 mars 2013 et en repoussant le plus tard possible le vote définitif.

Malgré ces signes de patente mauvaise humeur (grosso modo, les élus qui gravitent uniquement au sein de l’Union Européenne souhaitent un budget le plus élevé possible tandis que les élus nationaux, les gouvernements des États membres, préfèrent évidemment un budget le plus bas possible, en tout cas ceux pour qui le solde est négatif), les parlementaires européens ont finalement accepté la baisse drastique du budget.

Parmi les revendications des parlementaires européens, il y avait le versement par les États membres de 11,2 milliards d’euros supplémentaires pour clore les comptes de 2013. Finalement, l’accord s’est établi dans la nuit du 11 au 12 novembre 2013 par un versement de 500 millions d’euros.

D’autres concessions ont aussi été obtenues, dont une majeure, la possibilité de réviser le cadre financier pluriannuel en 2016, afin de laisser le nouveau Parlement européen apporter sa propre pierre. Également décidée, la possibilité de réutiliser des crédits non dépensés à d’autres postes budgétaires ou même de les transférer d’une année sur l’autre ; avant, les crédits non dépensés étaient purement et simplement supprimés.

C’est donc dans ce climat de marchand de tapis que le Parlement européen a adopté définitivement le projet de budget 2014-2020 durant la séance du 19 novembre 2013 à Strasbourg avec une très large majorité de 537 voix sur 682 présents, comprenant les socialistes, le PPE (centre droit) et les libéraux et démocrates (centristes). Les écologistes et la gauche dite radicale ont en revanche voté contre. Daniel Cohn-Bendit, qui copréside le groupe écologiste, a d’ailleurs déclaré avec sa véhémence habituelle : « Nous continuons d’emmener les citoyens dans le mur ! » en dénonçant ce « sadomasochisme dans la culture du Parlement ».

Ce succès parlementaire formel est effectivement loin d’être un succès pour l’Europe, car ce budget a baissé de 85 milliards d’euros par rapport à la programmation précédente. Pour ses opposants, c’est une véritable cure d’austérité que subit l’Europe. Le pire, c’est que la plupart des parlementaires européens conviennent que cela va handicaper l’avenir de l’Europe, mais ne pas voter ce projet aurait abouti à une impasse institutionnelle qui aurait eu des conséquences assez graves sur l’économie.

Concrètement, les vingt-huit États membres se sont engagés jusqu’en 2020 sur 908 milliards d’euros en crédits de paiement (-3,7%) et 960 milliards en crédit d’engagement (3,5%).

Les deux tiers des montants sont utilisés dans le cadre de la politique agricole commune et du soutien aux régions les plus défavorisées, avec cet élément nouveau en France (qui n’a rien à voir avec le texte budgétaire en question) que ce seront désormais les conseils régionaux eux-mêmes qui géreront directement les sommes éventuellement allouées par l’Union Européenne.

L’autre tiers est consacré aux infrastructures, au soutien à l’innovation, à la recherche et aussi à Erasmus, l’un des programmes phares de l’Europe qui permet, depuis 1987, à plusieurs centaines de milliers d’étudiants d’aller passer une année d’étude dans un autre pays européen que le leur ("EuRopean Action Scheme for the Mobility of University Students"). Cette possibilité sera désormais offerte également aux jeunes apprentis. Le budget d’Erasmus atteint ainsi 14,7 milliards d’euros, soit +40%.

Cette politique qui vise à envoyer des jeunes hors de leur pays n’a rien d’antinationale et encore moins d’antipatriotique. Au contraire, le sentiment national ne peut que se conforter lorsqu’il est en présence de personnes qui cultivent d’autres sentiments nationaux, soit pour voir ce qui les distingue voire ce qui les unit.

Par ailleurs, dès 2014, 6 milliards d’euros seront consacrés à la "Garantie Jeunesse" nouvellement créée pour favoriser l’emploi et la formation des jeunes ; toutefois, cela reste un montant relativement dérisoire par rapport à l’enjeu.

Même si la France a intérêt à garder le plus longtemps possible cette politique de compensation tant pour le secteur agricole que pour les régions "pauvres", le fait que progresse la part budgétaire favorisant l’innovation et la recherche, qui sont les investissements qui façonneront l’Europe de demain et d’après-demain, est une excellente nouvelle, tout comme cet encouragement à la mobilité intra-européenne des plus jeunes.

Le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault souhaite une remise à plat du système fiscal. Aura-t-il le courage de mettre le sujet sur le plan européen ? Réduire la fiscalité nationale et augmenter la fiscalité européenne, par exemple, à impôts constants ? Après tout, aujourd’hui, ce sont les États qui, pour la plus grande part, contribuent directement au budget européen, donc, ce sont les budgets nationaux qui sont les contributeurs.

Les citoyens ne comprennent pas la baisse de souveraineté de leurs parlements nationaux. En donnant aux peuples européens le contrôle direct du budget européen par leurs députés européens élus depuis juin 1979 au suffrage universel direct, on simplifierait la chaîne institutionnelle, et démocratiserait les procédures budgétaires.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Risque de shutdown européen.
L’Europe des Vingt-huit.
La révolte du Parlement Européen.
La construction européenne.
L’Union Européenne, c’est la paix.
Daniel Cohn-Bendit.
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