Debout 4h30 du mat’, juste le temps de dire au revoir à mes camarades de chambre qui eux, il semblerait, rentrent tout juste de boîte. Et en bonne compagnie a priori. Deux gonzesses n’arrêtent pas de glousser de l’autre côté de la porte. Le genre de nana qui m’insupporte… Et puis, quelle idée d’en ramener en auberge… Bref, je passe. Je m’enfile les 2 tablettes de Crunch que je me suis pris au distributeur automatique en guise de p’tit dej. L’auberge n’a pas voulu que je conserve un de leur bol pour le lendemain matin, quitte à ce que je le laisse dans la salle à manger. Les enfoirés. Et hop ! C’est parti pour plus de 16 heures de trajet. D’abord le bus pour Bondi Junction, ensuite le train pour Sydney Central avant d’en prendre un autre pour Broken Hill. Il s’agissait de ne pas le rater alors j’ai pris large. Au final, 1h30 à attendre sur le quai de la gare. Faut croire que rater l’avion m’a bien servi de leçon. Maintenant, j’assure ! Et j’aurais été dans une belle merde encore si j’avais loupé mon train… De toute manière, j’étais plus à une heure près vu la journée qui m’attend aujourd’hui.
Dans le train, j’ai pu découvrir un peu les Blue Mountains. Ou du moins ce qu’il en reste vu que j’ai traversé une bonne partie qui a cramé suite au feu de forêt qui a eu lieu il y a de ça deux semaines. Elles portent plutôt bien ce nom. Elles sont légèrement bleues. Paraît que c’est à cause des eucalyptus. Une fois les montagnes passées, j’ai pu découvrir de quel genre de terrain de jeu j’aurai affaire dans ma station. C’est plutôt du genre grand. J’ai vu des vaches, des moutons, des chèvres, des lamas (véridique !) et… des kangourous ! Mes tout premiers ! Ils étaient pépères à l’ombre des arbres, à attendre qu’il fasse moins chaud pour montrer le bout de leur nez. Sinon, j’ai pas mal dormi aussi…
Au final j’arrive un peu avant minuit sur Broken Hill. Juste le temps de trouver quelqu’un à qui demander mon chemin pour trouver le « Palace Hotel », qui n’a rien de luxueux, et d’y arriver avant la fermeture. Je gagne une demi-heure sur le décalage horaire. Tant mieux ! Je suis un peu claqué et je risque d’en avoir besoin. Pour la petite histoire, Broken Hill est une ville qui a longtemps été ignorée par l’état du New South Wales jusqu’au jour où l’on a trouvé de l’argent dans la région. Depuis,Broken Hill est devenu une véritable ville minière disposant de l’électricité, d’eau, du réseau téléphonique et de routes dignes de ce nom. La vraie particularité de la ville ? Ses numéros de téléphones. Ils commencent tous par 08 qui est l’indicatif de… l’état du South Australia !
Bref, je suis récupéré le lendemain par Margaret et son fils Andrew à 15h. Heureusement qu’elle m’avait appelé à 10h me disant qu’ils arrivaient d’ici 2h ! M’enfin, ça ne fait rien. Sur le chemin vers Mazar Station, la ferme où je vais travailler ces 15 premiers jours, je réalise qu’en fait, les fermes que j’ai pu voir dans le train n’ont rien à voir. Ici, c’est VRAIMENT désertique. Le sol est rouge. Seuls survivent quelques arbustes, appelés le « bush ». Quelques cadavres aussi. D’animaux ou même de voitures. Ca ne fait aucun doute, je suis bien dans le pays de Mad Max ! Une fois arrivés à la station, Andrew me demande d’aller voir s’il y a du courrier dans le frigo. Au départ, j’ai cru à une blague, mais ce frigo est vraiment la boîte aux lettres ! Puis on a roulé encore un gros quart d’heure pour arriver à la maison. Eh oui, une station dans l’outback australien, c’est juste démesuré. Certaines atteignent même la taille de l’île de France !
A peine arrivé, je s
uis accueilli par Max, un suédois, Patrick, un autrichien, et Gaetan, un autre français, nordiste qui plus est. Ils m’emmènent directement en pick up à la clôture qu’ils s’apprêtaient à aller réparer. Je monte à l’arrière avec Gaetan qui m’explique que lui et Patrick connaissent aussi les gens que j’ai contacté pour trouver un boulot. En fait, tous ces gens sont « manipulés » par une seule et même personne qui pompe tout simplement l’argent des backpackers en l’échange d’un boulot et/ou d’une extension de visa. Tout ça dans la plus complète illégalité. Ca a l’air un peu gro. Genre gros mégalo (mafieux?) à la conquête du monde. Mais bon, du moment que ce gars là me file mon boulot, c’est tout ce qui compte. Mais j’avoue que je l’ai plutôt mauvaise.Une fois la clôture réparée, les gars continuent leur ronde au sein de la station. Quand soudain, je vois Patrick sortir du pick up en courant, fusil à la main. Il s’est cru dans « Call of » ou quoi ? Il s’arrête ensuite pour cibler quelque chose que je ne vois pas tout de suite. PAN ! Un kangourou prend la fuite. Ça va vite ces conneries là. Ça ne fait pas que se la couler douce dans les parcs en fait ! « Missed ! » s’exclame Patrick. Max se fout ensuite de sa gueule en lui disant qu’il ne rate jamais son coup, lui. Je sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que je vais pas trop l’aimer Max avec ses grands airs de « c’est moi le meilleur ». La fin de la chasse s’est terminée avec un seul kangourou au compteur. Évidemment, c’est Max qui l’a eu. Ça lui donne l’occasion de se lancer encore quelques fleurs. Après, je me dis qu’il est comme ça parce qu’il bégaie et qu’on a du bien se moquer de lui quand il était plus petit. Le pauvre. Le kangourou est donné aux chiens. Le kangourou que Max a tué est un kangourou gris et il paraît que ça choppe facilement des maladies. Donc si quelqu’un doit crever, tant qu’à faire, autant que ce soit les clébards ! D’autres chasses auront lieu. Certaines pour qu’on puisse manger, faut bien survivre, et d’autres juste pour le plaisir de Max qui, il semblerait, a autant besoin de vider un chargeur que son paquet de clopes.Le reste du séjour dans la station reste malgré tout génial. J’apprends tous les jours. Conduite de motocross, mustering, soudure, réparation de clôture, tirs, marquage et abattage de moutons… J’adore ! Certes la mer me manque, mais j’ai pas le trop le temps d’y penser car il y a toujours quelques chose à faire. Et on peut dire qu’il y a de l’espace dans la station. Pas moins de 60 000 hectares de terrain ! De quoi faire pour une petite balade à pied, en moto ou en quad. Il faut juste faire attention à ne pas se perdre. Et c’est vite fait !
Ici, le gros problème, c’est l’eau. Nous sommes tous les jours en train de limiter notre consommation et allons tous les jours checker les réservoirs d’eau de la station et la quantité d’eau restante dans la cuvette où l’eau est pompée. Oui parce qu’ici, tout se fait à l’eau de pluie. Pas d’eau courante. Alors on a plutôt intérêt à faire gaffe parce qu’il pleut tous les 32 du mois. La dernière vraie pluie date d’il y a 3 ans. Et paradoxalement, lorsqu’il se met à pleuvoir, on a souvent droit à de sacrées inondations. Certaines pouvant durer jusqu’à 3 mois ! Espérons que ça ne m’arrive pas. Au moins avant que je n’aie mon boulot « définitif ».
Lorsque Mme Pessé plaisantait en me disant que je ramasserai des cadavres de moutons. Elle ne pensait sûrement pas si bien dire. Tous les jours, on retrouve 2 ou 3 moutons morts. Lorsqu’ils se trouvent dans un enclos, nous les traînons simplement en dehors à l’ombre d’un arbuste. La nature se charge du reste. Et dans l’outback, elle est du genre efficace. Il n’est pas rare de ne retrouver que des os une journée plus tard ! Mais bon, c’est la vie… Des fois, nous devons achever nous mêmes des bêtes blessées comme cet agneau que j’ai retrouvé avec Patrick. Il n’a pas pu se lever pendant un bon moment et les oiseaux sont venus lui picorer les yeux. Malgré les 35-40 degrés habituels, imaginer la scène fait tout de même froid dans le dos !Mais qui peut donc bien vivre dans un endroit pareil ? Il faut un sacré mental pour être aussi isolé du monde. C’est pourtant le rêve de Marg et Colin. Ils n’ont pas beaucoup de moyens mais ne quitteront ce mode de vie pour rien au monde. Ils ont tous les deux passés le cap des 70 ans et se font aider par des backpackers dans leurs tâches quotidiennes car, évidemment, il y en a certaines qu’ils ne peuvent plus faire. J’imagine aussi qu’ils ressentent tout de même un peu de solitude et qu’ils ont besoin d’un peu de compagnie. Et ils ont toujours des histoires à raconter. Colin en a vu de belles dans sa vie. Il a survécu à une explosion qui a brûlé 95% de son corps, a dû se faire couper un morceau de son bras pour le recoudre entre son menton et sa gorge suite à un accident de moto, et vit maintenant avec un peacemaker. Malgré ça, il a plutôt la patate et a un sacré flair pour trouver les moutons. Ici, on a pris l’habitude de l’appeler « Master Col’ ». Margaret, quant à elle, est vraiment trop soucieuse de ton bien-être dans la ferme. Et tous les soirs, on peut s’en mettre plein la panse. C’est une sacré cuisinière et elle nous fait toujours un plat différent chaque jour. Par contre, question orientation quand tu conduis, c’est pas top. Elle confond toujours sa droite et sa gauche !Ca va être dur de les quitter… Tellement dur que je leur ai promis de repasser une semaine après mes 3 mois de travail dans, je l’espère, une autre ferme avant de partir en vadrouille dans le reste de l’Australie ! En attendant, je continue de profiter des couchers de soleil de l’outback en savourant une bonne bière bien méritée !