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Peut-on sauver une institution grâce au crowdfunding ?

Publié le 27 novembre 2013 par Aude Mathey @Culturecomblog

Vous vous rappelez sûrement de l‘appel désespéré du New York City Opera aux deniers publics et surtout privés pour finir l’année 2013 et payer la programmation 2014-2015. Faute d’avoir pu atteindre son objectif (ambitieux) de 20 millions de dollars, l’institution, pionnère de l’opéra populaire, a déposé le bilan en octobre 2013. Nombreux ont été ceux qui ont pointé du doigt l’échec d’appel de fonds auprès du grand public via la plateforme de financement participatif (ou de crowdfunding) Kickstarter.

L’opéra espérait récolter auprès de sa communauté 1 million de dollars minimum et ce en moins d’un mois, tout en sachant qu’elle avait besoin de 6 millions de dollars supplémentaires pour finir le mois de septembre… Moralité, à la date de clôture, le New York City Opera n’avait atteint que 30% de son objectif.

Financement participatif et opéra sont-ils incompatibles ?

Contrairement à ce qu’affirme Robinson Meyer dans The Atlantic, et ce sans vraiment donner d’argument et en se basant sur ce seul exemple, il est tout-à-fait possible de réussir à financer des projets d’opéra sur des plateformes de financement participatif, que celles-ci soient Kickstarter, Ulule, MyMajorCompany ou Kisskissbankbank. Le nombre de projets actuels sur Kickstarter et leur état d’avancement le montrent, à mon sens, parfaitement.

Selon Mathieu Maire du Poset d’Ulule, un des premiers problèmes reposait qu’il est assez compliqué de construire un plan de financement dans le crowdfunding en partant d’un échec. “Le financement participatif existe pour faire aboutir des projets” souligne-t-il. “Un projet est en effet ien plus mobilisateur qu’un appel de fonds de dernière minute pour sauver une structure, qui peut-être connaissait déjà des faiblesses chroniques de financement et dont les raisons de la dette étaient peut-être bien plus anciennes et plus profondes qu’on ne le pense au premier abord.”

De cela, il faudrait donc en déduire qu’un appel au financement participatif réalisé dans les mêmes conditions que celles du New York City Opera n’est pas fait pour rassurer le donateur individuel. Par conséquent, faut-il vraiment accuser la plateforme de financement participatif ? Pas forcément, mais quelques conseils auprès de l’institution pour la guider n’aurait pas fait de mal. Malheureusement, il m’a été impossible d’entrer en contact avec Kickstarter, la plateforme n’ayant jamais répondu à mes sollicitations.

Quelles règles de base doit-on respecter pour un projet de crowdfunding ?

De la même façon qu’Ulule a organisé son tour de France dans plus de 32 villes, il est important que les participants respectent un certain nombre de règles voire demandent aux plateformes (surtout dans le cadre d’un financement d’un million de dollars à récolter en 20 jours) de les accompagner sur ce projet.

Une commaunuté engagée

quand la communauté ne suit pas, la communauté a raison

Selon un spécialiste du financement participatif dont nous tairons le nom, à sa demande : “quand la communauté ne suit pas, la communauté a raison”. Le succès d’un projet en financement participatif repose d’abord et avant tout sur l’engagement de sa communauté. Mathieu Maire du Poset ne s’y est pas trompé. Peu de temps après l’interview, il m’envoie brièvement les statistiques des pages Facebook de l’Opéra :

Copie d'écran de la page Facebook du NYCO

Copie d’écran de la page Facebook du NYCO

Beaucoup de “j’aime” certes, mais un engagement extrêmenent faible (0,22%). Et c’est l’engagement de la communauté d’une institution qui en fait son succès. Pire encore avec la page des musiciens de l’Orchestre (0,20%), sobrement appelée “Save NYCO” :

Copie d'écran de la page Facebook Save NYCO

Copie d’écran de la page Facebook Save NYCO

Ainsi, avant de se lancer dans un quelconque projet de financement participatif, il faut penser en premier lieu : communauté. Car c’est la communauté qui fait l’institution, c’est elle qui vous finance dans ce cadre-ci mais c’est aussi votre public. Les pages Facebook sont ainsi d’excellents outils statistiques pour comprendre l’engagement. Un taux de 0,50% serait déjà un très bon taux à atteindre. Il ne faut donc pas oublier comme dans les réseaux sociaux que toute chose, la qualité prévaut à la quantité.

Calcul du taux d'engagement Facebook par Social Bankers

Calcul du taux d’engagement Facebook par Social Bankers

Ce problème de manque d’engagement se remarque également pour les très grands musées. Ils ont en effet une communauté très large, beaucoup de notoriété mais celle-ci est assez difficile à mobiliser autour d’une cause. A moins bien entendu de savoir lui parler. Au-delà de la page Facebook, tous les autres outils de communication et de marketing, comme la newsletter (et son nombre d’abonnés), sont bons à prendre et à analyser.

Analyser la crédibilité du projet

Mon don va-t-il servir à quelque chose ?

Mais ce n’est pas tout. La campagne du New York City Opera manquait un (petit ?) peu de crédibilité. Comme dit plus haut, il manquait à l’institution 6 millions de dollars en sus de ceux demandés sur la plateforme, pour finir le mois et ce, sans compter les 20 millions restants pour la programmation 2014-2015… La question qu’un donateur pourrait se poser en voyant cela est tout simplement : “Mon don va-t-il servir à quelque chose ? Ou ne va-t-il qu’aider à repousser l’échéance ? ” ajoute mon interlocuteur de chez Kisskissbankbank. Les donateurs ont besoin de comprendre le plan de financement et d’y être associés. Il faut que l’institution pense en termes de synchronicité. Quel montant peut-elle demander à quelle communauté ? Et pourquoi ? Et comment ? Un succès de campagne en financement participatif se voit dès les premiers jours. En effet, selon Mathieu Maire du Poset, la jauge doit monter très vite, une campagne ne se crédibilisant qu’à partir de 30 voire 50% de son financement. L’espoir de la dernière chance ne fonctionne pas très bien.

Penser simple, viser efficace : les contreparties

Dans le cadre du financement du New York City Opera, il y avait plus d’une trente-cinq contreparties possibles selon les dons des particuliers. Non, vous ne rêvez pas. Trente-cinq ! Il y a de quoi s’y perdre, aussi bien pour l’institution que pour le donateur, d’autant plus que cela n’incite pas forcément ce dernier à donner un peu plus que ce à quoi il aurait pensé au départ. Une des règles du marketing est en effet de faire des offres alléchantes, mais de les rendre simples et immédiatement compréhensibles par le public. Il est même permis de penser une offre plus intéressante que les autres (par rapport aux services et contreparties offertes) mais au montant plus élevé afin d’inciter le public à mettre des sommes plus conséquentes. Selon les deux spécialistes du crowdfunding interrogés, plus il y a de contreparties dans ce genre de projet, plus on se rapproche d’une straté gie e-commerce. Il faut par conséquent penser simple et efficace. Ne pas tergiverser.

Avoir un spécialiste du financement participatif dans son équipe

C’est enfin l’argument massue. A voir tout ce qu’il faut faire pour réussir une campagne de financement de participatif et tout ce que n’a pas fait le New York City Opera, on se demande si une personne spécialiste de ces questions a conseillé l’institution. Au-delà de demander à la plateforme de nous accompagner dans ce genre de projet de financement (je dirai même que c’est obligatoire), il aurait été rentable pour le New York City Opera de penser en amont la campagne et recruter quelqu’un à cet effet.

Kisskissbankbank souligne que ce n’est pas tant une erreur de plateforme (chacune des plateformes ayant certes sont taux de succès plus ou moins élevé), même s’il faut savoir que le taux de succès moyen s’élève à 50%, mais plutôt d’histoire. Est-ce que l’histoire racontée est belle ? Fait-elle rêvée ? Qu’apporte-t-elle au donateur ?

Bref, comme en toute chose, pensez à bien vous faire accompagner.

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