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La souris d’Ayrault

Publié le 27 novembre 2013 par Nicolas007bis

BristolProbablement parce qu'il se sentait menacé, mais également parce qu'il a bien compris qu'il fallait reprendre la main en cette période ou l'Exécutif est accusé d'être comme paralysé face aux problèmes du monde, Jean-Marc Ayrault a lancé une " remise à plat " de la fiscalité. A la grande surprise du principal intéressé, Pierre Moscovici, et après en avoir tout juste informé François Hollande, le voilà qui met sur le tapis un sujet d'une complexité et sensibilité telle que l'on se demande quelle mouche a bien pu le piquer.

Réformer la fiscalité française est digne de figurer dans les 12 travaux d'Hercule et si cela avait été le cas, il y a fort à parier que celui-ci aurait lamentablement échoué.

Certes le sujet faisait partie des promesses de François Hollande. " La contribution de chacun sera rendue plus équitable " nous avait-il promis, mais ça n'aurait été ni la première ni la dernière de ses promesses à passer à la trappe de la réalité du pouvoir. Et puis, qui lui en aurait voulu de ne pas mettre en oeuvre une telle promesse dans le contexte actuel.

Un contexte d'exaspération généralisée, un contexte ou beaucoup tirent à vue sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à une taxe ou un impôt.

De toute façon, les propos même de Jean-Marc Ayrault révèlent toute la difficulté de l'exercice : "Nous avons besoin d'un débat beaucoup plus global, sur la fiscalité. C'est un véritable enjeu de compétitivité pour les entreprises et de pouvoir d'achat pour les ménages ".

Il a raison Jean-Marc Ayrault, il y a bien derrière la remise à plat de la fiscalité à la fois un enjeu de compétitivité pour les entreprises et de pouvoir d'achat pour les ménages, sauf que ce sont deux enjeux contradictoires. A montant de prélèvement global équivalent, une baisse de l'un devra être compensée par une hausse de l'autre. C'est d'ailleurs ce qui va se passer avec le financement du CICE par la hausse de la TVA. Il va être compliqué de concilier les deux enjeux.

Plus compliqué encore, au sein des deux boites coexistent des prélèvements destinés à financer l'Etat et d'autres destinés à financer la Sécurité sociale et ces deux types de prélèvements ne sont pas fongibles.

Même si on considère uniquement la promesse 14 de François Hollande de fusionner CSG et IRPP, on se heurte rapidement à un tas de difficultés que l'on peut retrouver décrites un peu partout et notamment que, compte tenu des montants en jeu, ce sont les " classes moyennes " qui risquent de se retrouver les dindons de la farce fiscale.

Pourtant l'idée de reconsidérer notre système fiscal est louable.

Puisqu'on demande à tous de faire des efforts, un consensus autour de notre fiscalité parait nécessaire. D'autant que, même si la notion de système fiscal juste reste à définir, du fait de l'importance des impôts et taxes indirects notre système est peu redistributif.

Et si on veut y arriver ou du moins essayer d'y arriver, il est important de se questionner sur la structure de notre fiscalité, sur ses nombreux objectifs, sur son niveau (élevé), sur sa répartition entre impôts directs et indirects, entre personnes physiques et entreprises, entre revenus du travail et revenus du patrimoine, sur sa progressivité, sur son efficacité, sur les couts liés à sa complexité, etc etc

Mais c'était dès le début de son mandat que François Hollande (et non Jean-Marc Ayrault) aurait du lancer le projet, aujourd'hui c'est trop tard ou (beaucoup) trop tôt. Le gouvernement n'a plus aucune marge de manoeuvre, or une telle réforme ne pourra pas être neutre pour tout le monde et les récents événements montrent qu'il n'est pas nécessaire que la goutte soit très grosse pour faire déborder le vase du ras le bol fiscal. Et dans ces situations il ne faut attendre aucune reconnaissance des gagnants et beaucoup de ressentiment de la part des perdants.

On ne réforme pas la fiscalité alors que les prélèvements sont au maximum acceptable et que la situation financière du pays ne permet pas de baisse sensible. C'est se créer beaucoup d'ennuis et c'est rajouter une inquiétude supplémentaire au sein de la population, chacun se demandant à quelle sauce il sera mangé.

Et Jean-Marc Ayrault a beau répéter inlassablement qu'il n'est pas question d'augmenter le taux d'imposition global, pas besoin d'être très malin pour comprendre que pour chaque contribuable pris individuellement, il y aura du changement, pour le meilleur ou pour le pire. Et dans ces cas, c'est rarement au meilleur que l'on pense.

C'est également prendre un risque que l'on peut difficilement se permettre de prendre en cette époque troublée, à partir du moment où on ne maîtrise pas nécessairement les conséquences de telles mesures sur le comportement des acteurs économiques.

Enfin, on est en droit de considérer qu'il y a d'autres priorités que de réorganiser notre fiscalité (à prélèvements égaux) et notamment que l'urgence est plutôt de faire en sorte que la base imposable augmente, en clair de générer de la croissance.

En conséquence de tout cela, il est fort probable, et peut-être fort souhaitable que la montagne n'accouche que d'une maigre souris qui aura eu l'unique mérite de remettre provisoirement Jean-Marc Ayrault dans le jeu politique.


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