Magazine

Mon oncle, ce héros

Publié le 01 décembre 2013 par Frontere

carte_ffiA.jpg(Beaucoup de jeunes s'engagèrent dans les F.F.I. pour restaurer l'honneur de la France et libérer le pays)

Qui, un jour dans sa vie, ne s’est arrêté devant un monument aux morts d’un village pour y chercher humblement son patronyme, ou celui le plus proche du sien, parmi la triste litanie de noms de soldats morts pour la France.

Au mois de juillet dernier je lisais en ligne les délibérations du Conseil municipal d’une commune de la Nièvre. C’est ainsi que je découvris l’existence de la loi du 28 février 2012[1] qui permet l’inscription sur le monument aux morts de la commune - soit de dernière résidence, soit de naissance (si l’on ne connaît pas la dernière adresse du défunt) - du nom d’un ancien combattant « Mort pour la France ». Cette mention doit impérativement figurer sur l’acte de décès.

Chaque famille de France a son héros.

J’ai immédiatement pensé à François, le frère de mon père, tombé le 30 décembre 1944 dans la forêt d’Arc près de Villeneuve-d’Amont dans le Doubs, il avait reçu une balle allemande dans la tête. Au mois de septembre 1944, lui et mon père, à 17 et 18 ans, s’étaient engagés dans les F.F.I.[2] (zone sud). Les nécessités de la guerre les avaient conduits depuis l’Hérault jusque dans l’est de la France où la 2e DB de Leclerc allait libérer Strasbourg, mais ils combattaient dans deux régiments d’infanterie différents. Lorsqu’il a appris le décès de son frère, mon père se trouvait au front, en première ligne, à une centaine de kilomètres dans la forêt de la Haardt en Alsace.

À la suite d’une erreur administrative, l’acte de décès mentionna le prénom de mon père, Jean (en réalité Jean-Claude), au lieu de celui de son frère François.

Après la guerre, de retour à Béziers, lorsqu’il s’adressait à une administration on répondait invariablement à mon père : « Pour nous, vous êtes décédé[3] ». Heureusement, suite à des démarches de son beau-père et à l’intervention des services d’un Secrétaire d’État aux Anciens Combattants nommé… François Mitterrand, il a été mis fin à cet imbroglio : l’acte a été rectifié par jugement du Tribunal civil de Montbéliard du 14 janvier 1948.

Je tiens ces informations du dossier que m’ont transmis récemment les Archives départementales du Doubs.

En vertu de quoi, j’ai saisi au mois de septembre le service de l’état-civil et du cimetière de la ville de Béziers aux fins de demander que le nom de François Frontère soit gravé sur la stèle commémorative des soldats tombés pendant la deuxième guerre mondiale, elle se trouve dans le hall d’entrée de la mairie. Grâce à la diligence d’un Chef de service et à l’accord donné par monsieur Georges Fontès, qui fut ministre des Anciens Combattants, et aujourd’hui adjoint au sénateur-maire de Béziers, cette opération a été effectuée le 27 novembre.

À l’aube de la commémoration du 70e anniversaire de la libération de la France, François Frontère ne sera plus le soldat inconnu du 10 rue d’Argence à Béziers, sa dernière adresse. À moins de dix minutes de là, face au Champ de Mars, un nom prédestiné, se trouve encore la maison natale de Jean Moulin, le Chef de la Résistance, l’armée des ombres, à qui la municipalité a rendu hommage au mois   d’octobre[4]. Mon père vénérait sa mémoire.

Il s’agit de la même histoire, l’Histoire de France.

M. Fr.

P.S. : François Frontère a reçu la Croix de guerre 1939-1945 à titre posthume

Notes 

[1] Loi n° 2012-273 du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France
[2] Forces Françaises de l’Intérieur créées le 1er février 1944
[3] Le balzacien que je suis ne peut que songer au personnage du Colonel Chabert
[4] Voir le catalogue d’exposition : Jean Moulin 1899-1943, éditions « Aldacom »


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Frontere 65 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte