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Retour aux sources

Publié le 01 décembre 2013 par Fabrice @poirpom

Retour aux sources

Kaitlin Greenbriar - Katie pour la famille - a une petite vingtaine d'années. Elle est partie tailler la route. Découvrir l'Europe. Elle s'est payée la grosse virée sabbatique dont rêvent nombre de jeunes gens de la classe moyenne étatsunienne. Ça tombe bien: elle en est une - une pimpante représentante de cette classe.

Ce genre de virée dure un temps. L'année folle, faite de découvertes, de rencontres, de nuits électriques, de débauche, d'expériences douteuses et de coups de blues sent le sapin quand les kopecks se font rares. Quand il reste à peine de quoi se payer un billet retour, c'est la meilleure chose à faire: se le payer. Et rentrer. Un peu à l'arrache, un peu en dernière minute. Le temps de laisser un message sur le répondeur familial et l'avion marque la fin du voyage. Quelques heures pliée en quatre, coincée entre une tablette et les accoudoirs. Passées plongée dans les souvenirs. Dans la nuit du 6 au 7 juin 1995, elle atterrit à Portland, prend un shuttle et rentre au bercail.

C'est là que l'histoire commence. Sous le porche de l'entrée. Le baluchon posé au sol. Il est une heure du mat', il pleut des cordes.

Le retour est un bide intégral. La porte est fermée à clé, il y a un mot de sa petite soeur âgée de 17 ans collé sur la porte et ses parents ne sont pas là. Sans compter qu'elle est face à une maison qu'elle ne connait pas - sa famille a déménagé dans cette nouvelle demeure pendant son séjour à l'étranger.

Tel est le postulat de départ de Gone Home. Ce n'est pas vraiment un jeu vidéo. C'est plutôt... une exploration. C'est une déambulation dans cette maison inconnue pour le personnage principal que le joueur/spectateur incarne. D'abord timide, le joueur se fait plus audacieux, plus curieux. Fouille cette maison des années 90. Téléviseurs à tube cathodique, étagères entières de VHS, cassettes audio (avec les titres de chansons inscrites au feutre sur la petite jaquette)... Disséminés dans le décor, des détails viennent ancrer le récit dans une époque. 

Ici, pas de flingue ni de conneries qui font bip-bip à ramasser. Pas de boss à dézinguer ni de princesse à sauver. Pas de zombie ni d'alien. Pas de record à battre. Ici, il n'y a que des bribes à rassembler pour essayer de comprendre les membres de cette famille. La voix-off de la petite soeur adolescente (qui trouvera sa justification plus tard dans le récit), des courriers, des documents administratifs, des livres, des cassettes audio, le sous-sol et ses vieilleries... Lentement, cette petite soeur mystérieuse, ce père esquinté, cette mère en souffrance, cette maison, tout prend de l'épaisseur. Le lieu et les absents existent, peu à peu.

Gone Home, c'est une petite exploration qui dure deux heures. Durée qui peut varier selon l'attention que l'on accorde à la voix-off, le degré de curiosité et les pauses clope. Tout au long du parcours, dans les oreilles, le son de la pluie qui ne cesse de tomber, les craquements du parquet, la magnifique musique de Chris Remo et du punk rock Riot grrrl quand on réussit à mettre la main sur une cassette. Les plus curieux se risqueront à une seconde exploration, cette fois-ci avec le commentaire audio (intégré au jeu) de personnes impliquées dans la conception et la fabrication: Steve Gaynor, l'auteur; Chris Remo, chargé de la musique, donc; Sarah Grayson, la comédienne qui interprète la voix-off de la petite soeur; et d'autres encore.

Gone Home n'est certes pas exempt de défauts. On peut trouver la mise en scène un peu trop évidente, les ficelles émotionnelles un peu grossières - bien que pleinement justifiées par l'histoire. Les non-initié(e)s au monde vidéo-ludique resteront sans doute - à tort - hermétiques à cet objet narratif. Les hardcore gamers balaieront peut-être la chose avec mépris et rustrerie, saupoudrés de troll. Les joueuses et joueurs les plus exigeants pointeront sûrement les limites et les incohérences de cette narration. 

Il y a pourtant une place pour ce genre de tentative.

Ce récit se déroule dans un univers contemporain, s'intéressant à des émotions bien réelles. Identifiables. Pouvant faire écho chez celui ou celle qui se risque à déambuler. Et cette approche fait du bien, dans ce média.


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