Anne-Marie Chabbert est une œnologue passionnée qui cherche à changer la façon de consommer le Champagne et d’en faire un vin à part entière que l’on peut consommer tout au long d’un repas. Avec son concept « Champagnes à Table », elle permet une rencontre entre un grand Chef et de beaux Champagnes.
Anne-Marie Chabbert
Quel est le principe de « Champagnes à table » ?
« Champagnes à table » est une vision reposant sur une méthodologie composée d’une charte de qualité, d’un cahier des charges associés à une phase de dégustation-sélection. Ma vision est que le mot Champagne recouvre une multitude d’expressions de vins dont une partie (2/3) est destinée à la fête, les cocktails, mariages, anniversaires, toutes formes de célébrations et amusements… Le prix entre alors en ligne de compte et à ce niveau les champenois ont de plus en plus la vie dure avec la concurrence interne et externe (les Champagnes entre eux et les autres vins effervescents du monde). Le travail autour de « Champagnes à Table » s’intéresse au tiers restant. Je classe ces Champagnes dans la catégorie des VINS à part entière. Lors de mes dégustations, j’attribue une note ou une, deux ou trois étoiles à la cuvée que j’ai sélectionnée selon ce que j’appelle sa « Valeur Gastronomique », c’est à dire sa destination pour la Table. Je valide cette classification une fois que j’ai trouvé le plat, plus exactement « la petite musique sensorielle » du chef capable de mettre en musique cette cuvée sélectionnée avec un mets bien spécifique. C’est exactement cela « Champagnes à Table ». Cela ne s’improvise pas.
Quel est votre parcours ?
J’ai un parcours atypique : j’ai fais beaucoup de choses à contrario des cursus « normaux », j’ai tout d’abord été œnologue, puis journaliste spécialisée, puis Chargée de COM pour l’interprofession champenoise… Pour finalement m’installer à mon compte et créer la première Agence de Communication dédiée aux Champagnes, Stratégie des Sens. La plupart du temps, on part du général pour aller vers le particulier moi j’ai fait l’inverse. En même temps c’est ce qui me donne une grande liberté pour décloisonner et comprendre le monde du Champagne dans ses dimensions complexes et diverses, humaines, techniques et économiques.
Comment procédez-vous pour choisir les Champagnes qui se retrouvent à table ?
La charte de qualité de « Champagnes à Table » trouve sa légitimité d’une part avec les aspects fondateurs des Cuvées (historique de la Marque, origine des raisins, discours et implication technique du « propriétaire » ou chef de cave, aisance et facilité à se projeter… des éléments importants (que je suis souvent la seule à noter) qui me guident pour réaliser ma classification. Puis, la deuxième grille de lecture est constituée d’une approche sensorielle du Champagne « candidat » à « Champagnes à Table », j’établis le « profil sensoriel » du vin à partir d’une séance ou deux de dégustation. Ce profil est soumis à l’élaborateur (chef de cave, vigneron) mais également aux responsables de la communication, du marketing… s’il y a lieu de sorte que les descripteurs associés à la cuvée soit homogènes, sensés et compris par tous dans un langage commun. Une fois ce travail réalisé en amont, je rencontre un Chef et son sommelier et ensemble nous formons un trio très complémentaire où chacun apporte son vécu, son ressenti, ses idées afin de bâtir le projet commun d’un menu inédit pour les cuvées que je propose…
Anne-Marie Chabbert avec Guy Savoy
Quels sont les chefs et producteurs de champagne qui vous ont marqué ces dernières années ?
Coté vins, certaines marques comme Drappier, Fleury, Moutard, Franck Bonville, Eric Rodez, Agrapart, Dehours, Bourdaire, Alain Bailly, Benoit Lahaye, Françoise Bedel, Ployez-Jacquemart, Mailly… parmi lesquelles non seulement les cuvées honorent « Champagnes à Table » mais en plus elles en ont fait pratiquement un objectif stratégique, un positionnement de territoire. Certains sommeliers attentifs à cette question ne s’y trompent pas. Coté Chefs : j’ai connu quatre grands coups de cœur depuis que j’ai commencé ce travail : Alain Passard, Sébastien Bras, Olivier Roellinger et plus récemment Amandine Chaignot. Cela ne tient pas qu’à l’Homme et à sa cuisine, c’est une alchimie bien plus complexe entre l’humain (des deux cotés), mon vécu et mes sensations propres, une ambiance dans laquelle je me sens bien et qui me dit que les Champagnes seront respectés pour ce qu’ils sont : des vins et non des étiquettes de vins à bulles avec toute la charge émotionnelle que le mot « champagne » revêt.
Quel sentiment éprouvez-vous vis à vis de la politique qui vise à stigmatiser le vin ?
C’est un sentiment qui me dépasse car il parle d’un autre sujet que celui de l’œnologie et de l’art de (bien) vivre. Les questions liées à la psychologie humaine et aux problématiques de l’alcoolisation doivent rester dans le cercle des spécialistes de ces questions et s’attaquer au vrai problème qui est de soigner celui qui utilise abusivement l’alcool. Conduire une voiture peut causer des dommages pour soi et pour les autres… et pourtant, aucun gouvernement n’empêche les constructeurs de produire des voitures!
Quels sont vos projets à venir ?
Mon rêve est de former des sommeliers & des chefs pour que le concept « Champagnes à Table » devienne une réalité économique au quotidien sur les plus belles tables de France et du monde.