L’expatriation coûterait près de 10 milliards € par an à l’État
Publié Par Alexis Vintray, le 4 décembre 2013 dans Travail & emploiSelon une nouvelle étude, la fuite des talents coûterait chaque année 10 milliard € au contribuable français.
Par Alexis Vintray.
Selon une nouvelle étude réalisée par Jean-Paul Gourévitch pour Contribuables Associés, l’exil des Français hors de France est un phénomène en croissance rapide, qui coûte chaque année 9,6 milliards € à l’État, soit quasiment le quart du rendement de l’impôt sur le revenu.En cause, des départs de plus en plus nombreux : le nombre de Français installés à l’étranger croît ainsi chaque année de 3%. Ce sont 80 000 Français qui quittent la France, rejoignant les 2,5 millions de Français déjà partis. Les horizons sont de plus en plus lointains : les continents qui ont le plus progressé dans le classement des destinations sont l’Asie-Océanie (de loin première) et le Proche et Moyen-Orient. En nombre d’expatriés, ce sont la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis qui occupent le podium.
Si l’ampleur du phénomène surprend peu, le profil des expatriés est lui plus inattendu. Alors que les médias ne parlent que de l’exil fiscal, certes en hausse très forte, ce sont aussi les personnes gagnant le moins qui quittent le plus la France, en quête de nouvelles opportunités qu’un pays bloqué ne leur offre plus. Ainsi, la part des personnes déclarant gagner moins de 30 000€ explose parmi les expatriés, de 25% en 2003 à 31% en 2013. De même, concernant l’exil fiscal, ceux gagnant plus de 76 000€ passent de 22% à 27%.
Ces expatriés sont surtout des actifs (l’émigration de main d’oeuvre et entrepreneuriale pèse 59% des expatriés). Ces talents que la France fait fuir ont à 58% un diplôme de master ou de doctorat (contre 16% dans la population française.). Autrement dit, ce sont de ses forces vives que la France se prive. De façon plus inattendue, les expatriés sont aussi souvent des retraités (25%, en forte hausse). Mais pour les actifs comme les inactifs, la probabilité du retour en France descend de plus en plus : la part des expatriés restant plus de 5 ans hors de France est passé en 10 ans de 47% à 62%.
Ces départs de plus en plus nombreux et longs représentent un très lourd manque à gagner pour l’État et, plus généralement, pour la France. Selon les calculs de Jean-Paul Gourévitch, le déficit annuel pour l’État français s’élève ainsi près de 9,6 milliards d’euros. L’émigration fiscale n’y pèse « que » pour 614 millions €, nettement moins que l’émigration entrepreneuriale et salariale (1,2 milliards €). Dans les deux cas, ce sont essentiellement des pertes fiscales, des recettes non réalisées.
Mais, selon l’auteur, le principal coût est à chercher ailleurs, dans les investissements éducatifs qui profitent au final aux pays dans lesquels les Français s’expatrient ; les coûts de formation de ces Français qui ont étudié dans les meilleures écoles nationales et iront faire fructifier leurs talents ailleurs. Ces seuls coûts de formation représentent ainsi pour le contribuable 7 milliards € chaque année. Un argument supplémentaire pour une hausse des frais de scolarité, afin que chacun paie au moins en partie pour les coûts de l’éducation dont il bénéficie.
Face à ce tableau noir, que faire ? Il est difficile de ne pas constater que ce sont les pays plus libéraux que la moyenne qui sont les premières destinations des émigrés français (Suisse, Royaume-Uni, États-Unis), et qu’une réforme de la fiscalité et de la bureaucratie française est indispensable pour inverser la tendance. Mais c’est surtout à une révolution des mentalités que la France va devoir s’atteler, pour cesser de diaboliser le succès. Et, au vu de la une de Libération fin 2012 « casse toi riche con« , c’est encore loin d’être gagné…
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