CJUE, 5 décembre 2012, Venturini, C-159/12 à 161/12.
Est-il conforme à la liberté d'établissement d'interdire aux parapharmacies de délivrer des médicaments soumis à prescription mais dont le coût est intégralement à charge du patient? Telle est la question soumise, en substance à la Cour par une parapharmacie italienne qui est confrontée à cette interdiction nationale.
S'agissant de la recevabilité, la Cour accepte de répondre à la question posée, même s'il s'agit d'un litige "purement interne" à l'Italie. Même si la Cour ne réitère pas l'étrange raisonnement tenu dans l'affaire Sbarigia (voir point 23, où la Cour écarte la solution retenue dans Sbarigia et voir ici).
Le motif invoqué est double: la Cour considère à la fois que sa réponse est nécessaire parce que la mesure constitue une entrave potentielle à la liberté d'établissement et, dans le même temps, parce qu'une "réponse peut néanmoins être utile à la juridiction de renvoi, notamment dans l’hypothèse où le droit national lui imposerait de faire bénéficier un ressortissant national des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation". L'on notera que la première justification pourrait permettre à la Cour de rendre une décision dans pratiquement toutes les affaires qui lui sont soumises (même si dans le cadre du litige, la solution ne sera d'aucune utilité si les règles nationales ne prévoient pas l'obligation évoquée dans la seconde justification).
Sur le fond, sans surprise, la mesure bien que constituant une entrave, peut être justifiée par un objectif de protection de la santé publique.
En particulier, la jurisprudence désormais classique en matière de santé publique est rappelée: "dans l’appréciation du respect du principe de proportionnalité dans le domaine de la santé publique, il convient de tenir compte du fait que l’État membre peut décider du niveau auquel il entend assurer la protection de la santé publique et la manière dont ce niveau doit être atteint. Ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, il y a lieu de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation (...) Par ailleurs, il importe que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé des personnes, l’État membre puisse prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité de ces risques soit pleinement démontrée. En particulier, un État membre peut prendre les mesures qui réduisent, autant que possible un risque pour la santé, y compris plus précisément un risque pour l’approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité" (points 59-60).