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Salaire minimum, problèmes maximum

Publié le 07 décembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Analyse

Salaire minimum, problèmes maximum

Publié Par Foundation for Economic Education, le 7 décembre 2013 dans Travail & emploi

Le salaire minimum protège les rentes des travailleurs installés et rejette dans la pauvreté et le chômage les plus faibles.

Par Hans F. Sennholz (*).

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Peu de lois économiques, s’il en est une, sont plus malveillantes et malfaisantes que les lois sur le salaire minimum. Elles empêchent les travailleurs d’accepter un emploi à moins qu’ils ne soient payés au moins le salaire minimum. Elles ordonnent aux employeurs de n’utiliser que les travailleurs qui sont qualifiés pour le minimum et de rejeter tous les autres. Les lois dressent un obstacle par dessus lequel tous les travailleurs sont obligés de sauter.

L’obstacle à l’emploi est en fait plus élevé que le salaire minimum, qu’il soit de 4,25 $ ou de 5,15 $ par heure. Il est plus élevé à cause du coût des avantages sociaux que les employeurs sont obligés de payer. Il y a les cotisations de la Sécurité sociale, les assurances chômage et accident, et les congés payés. Le salaire minimum de 4,25 $ correspond à un coût minimum d’au moins 6 $ par heure. Dans certaines industries avec des prélèvements d’assurance accident élevés, tels que les industries lourdes et la construction, le coût minimum peut être de 7 $ par heure ou plus. Si des gouvernements locaux imposent des taxes sur les salaires, ils élèvent l’obstacle du même montant. De même, les coûts d’assurance santé que beaucoup d’employeurs supportent augmentent la hauteur de l’obstacle.

Le seul minimum pertinent est le minimum total, à savoir, tous les coûts qu’un employeur doit supporter pour s’assurer les services d’un travailleur. Si les coûts sont supérieurs à sa contribution productive, ils infligent des pertes. Peu importe que les pertes résultent d’un salaire minimum plus élevé ou d’une augmentation des cotisations de la Sécurité sociale ou de l’assurance accident. Un travailleur qui inflige des pertes à son employeur risque d’être licencié.

Aux États-Unis, la législation sur le salaire minimum fait beaucoup de mal à des millions de travailleurs non qualifiés, en particulier parmi les minorités raciales et ethniques — les noirs, les portoricains, les chicanos, les mexicains, et les indiens d’Amérique. Environ un tiers de ces travailleurs sont des jeunes, près de la moitié ont entre vingt-cinq et soixante-cinq ans, et environ 17 % sont des seniors, âgés de soixante-cinq ans ou plus. Les deux tiers de cette main-d’œuvre non qualifiée sont des femmes. Bien qu’ils ne constituent que dix pour cent de la main-d’œuvre américaine, le mal fait à eux et à la société est bien plus grand que ce que leurs nombres semblent indiquer.

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C’est un fait déplorable que de nombreux jeunes des minorités possèdent de plus faibles niveaux d’éducation, de formation, et d’expérience que les jeunes blancs et sont, par conséquent, moins compétitifs sur le marché du travail. Sans les restrictions du droit du travail, ils ne pourraient pas gagner des salaires aussi élevés que leurs collègues plus productifs, mais trouveraient facilement de l’emploi à des taux plus bas. Si le salaire minimum est fixé au-dessus de leur capacité productive, ils risquent d’être licenciés ou de ne pas être embauchés du tout. Ceci explique pourquoi le taux de chômage des jeunes noirs a varié entre 40 % et 50 % ces dernières années, ce qui est le double du taux des jeunes blancs. Si on ajoute les individus qui par frustration et désespoir ont abandonné leur recherche d’emploi, le taux de chômage chez les jeunes noirs, dans notre estimation, excède 60 %.

Aussi tragiques que soient les effets économiques sur certains groupes de victimes, nous ne devons pas oublier les dommages psychologiques et les préjudices moraux qui leurs sont infligés. Condamnés à l’inactivité et l’inutilité dans une société hautement productive, et empêchés d’y faire de leurs propres contributions, beaucoup, par désespoir, se tournent vers le vice et le crime. Le taux de criminalité national démesuré atteste d’un grand désespoir dans les centres de chômage et d’assistance publique. De plus, n’oublions pas les membres productifs de la société américaine qui doivent non seulement renoncer aux services de valeur que les chômeurs pourraient rendre, mais qui sont aussi forcés de les supporter financièrement. En retour, ils sont contraints de vivre dans la peur constante de crimes contre leur personne et leur propriété.

Tous les économistes célèbres ont exprimé leurs préoccupations à propos des salaires minimums, et pourtant, des raisonnements simples et des arguments persuasifs survivent dans la sphère de la politique. Peu de politiciens croient réellement que la législation sur le salaire minimum est vraiment dans l’intérêt des travailleurs, qu’elle augmente leur pouvoir d’achat et réduit la pauvreté ; et pourtant, beaucoup la supporte pour des raisons politiques. C’est une politique habile, mais si cruelle et hypocrite, de promettre d’augmenter les salaires par la loi, mais qui à la place, incapable de tenir sa promesse, augmente la hauteur de l’obstacle à l’emploi. C’est la politique à son pire.

Les politiciens sont poussés par les syndicats ouvriers et leurs membres qui bénéficient significativement des augmentations des salaires minimums. Les augmentations nuisent évidemment aux industries utilisant une main-d’œuvre non qualifiée en compétition avec la main-d’œuvre syndiquée. Ils peuvent forcer les entreprises marginales à réduire la production ou même à fermer, ce qui profiterait aux union shops. Profiter à leurs membres au détriment des non-membres est une fonction fondamentale de tous les syndicats. Ils appellent ça « l’intérêt personnel », c’est injuste et méchant pour leurs victimes.

Une grande partie du support pour la législation sur le salaire minimum vient de personnes qui sont pleinement conscientes de ses effets sur le chômage. Beaucoup d’Américains dans les États industriels du nord et du nord-est utilisent la loi sciemment comme un obstacle à la migration industrielle vers le sud. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, de nombreuses entreprises ont quitté le nord pour profiter de coûts de main-d’œuvre plus faibles et d’autres avantages dans le sud. Pour ralentir cette migration industrielle et pour étouffer la concurrence du sud, les politiciens du nord réclament bruyamment des salaires minimums plus élevés.

D’autres partisans qui sont conscients du mal fait aux travailleurs non qualifiés sont convaincus que les effets bénéfiques, comme ils les voient, tendent à l’emporter sur les effets néfastes. Leur foi aveugle dans l’action politique les conduit à croire que les conséquences néfastes peuvent être atténuées par de nouveaux efforts gouvernementaux, tels que le Neighborhood Youth Corps, le Job Corps, des programmes de travaux publics, des programmes de reconversion professionnelle, davantage d’aide à l’éducation, etc. Pour eux, la législation sur le salaire minimum est une voie commode vers toujours plus de contrôle gouvernemental et bureaucratique.

Si la législation sur le salaire minimum pouvait réellement élever les taux de salaire et les niveaux de vie, la pauvreté du monde pourrait être éradiquée sur-le-champ. Les gouvernements du Bangladesh, du Sri Lanka, et de la Tanzanie n’auraient qu’à marcher dans les pas du gouvernement des États-Unis et élever les taux de salaire par la loi. Malheureusement, ce qui est stupide et absurde à Dhaka, Colombo, et Dar-es-Salaam, l’est aussi à Washington, D.C.

(*) Hans F. Sennholz est un économiste américain, président de la FEE de 1992 à 1997.

Traduction Jérôme Pereau-Leroy

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