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Josef Schovanec - Je suis à l'est !

Publié le 07 décembre 2013 par Edgar @edgarpoe

schovanec.jpg J'avais beaucoup aimé Je suis né un jour bleu, Embrasser le ciel immense (joli extrait ici) et L'éternité dans une heure. Trois livres écrits par Daniel Tammett, un "autiste savant". J'ai lu celui de Josef Schovanec (JS) avec autant d'intérêt.

L'angle est plus personnel, assez directement choisi pour parler de l'autisme et de sa place aujourd'hui.

C'est très drôle et l'on se sent un peu autiste en refermant le livre, grandi.

Comme il l'écrit en fin du livre, de nombreux lecteurs "normaux" lui ont écrit ensuite s'être reconnus dans tel ou tel trait autistique. Sa période d'étude à Sciences-Po m'a rappelé le choc que l'on éprouve en effet dans cette école quand on arrive, provincial, au milieu d'élites parisiennes - mais pas que - bien rôdées.

On a donc droit à quelques scènes où JS joue le rôle du Petit chose avec bienveillance. Attention à ne pas s'amollir à ce moment. Car JS, derrière sa gaucherie extérieure, a un oeil perçant, précis, et un jugement acéré. Comparant la qualité de l'éducation avec celle qu'il reçoit en Allemagne : "à Sciences-Po, ce qui se faisait ne paraissait être que du baratin. [...] en fait, à Sciences-Po, en économie comme peut-être dans d'autres manières, il se pourrait bien qu'ils soient des charlots"...

Il a aussi énormément d'humour. Allié à un sens de l'observation aigu, ça donne ça :

"observer les gens qui téléphonent est un spectacle extraordinairement instructif. De petits phénomènes dans l'intonation de leur voix indiquent que c'est l'autre personne qui est en train de parler, interrompt son interlocuteur ou qu'on approche de la fin de la conversation.

Les personnes autistes souvent ne perçoivent pas tout cela. D'où des quiproquos terribles. Parfois, quand il y a deux autistes au téléphone, cela dégénère, même pour des questions élémentaires. Plus personne ne sait à quel moment il faut parler, si le silence se fait parce que l'autre attend la réponse, ou à cause de l'absence de réseau".

Humour et sens de l'observation ne s'exercent pas qu'à l'égard des autres. Le plus souvent, c'est de lui-même que JS se moque : "si l'on fait abstraction des centres d'intérêts non constitués en disciplines de mon enfance, depuis les constructions de baromètres ratés jusqu'à la mémorisation de listes de noms d'animaux australiens, les deux domaines qui ont peut-être eu un rôle structurant - le mot me fait sourire tant une telle chose me fait désespérément défaut - ont été les maths et l'histoire."

Il ne s'agit pas non plus d'être plaisant et léger. Josef Schovanec dit, à mon avis, deux choses importantes :

1. les autistes n'ont pas à être séparés des autres. C'est probablement compliqué, mais, à différents moments, il montre que la mise à l'écart, dans des institutions spécialisées, d'enfants montrant des signes autistiques plus ou moins prononcés est dommageable.

2. Nous sommes tous un peu autistes au sens où des traits de caractère assignés aux autistes sont très répandus. Des lecteurs le lui ont écrit, pour ma part je me suis bien reconnu dans une faculté à considérer "chaque contact comme une faveur exceptionnelle, qui dès lors ne saurait être questionnée".

Si l'on combine ces deux remarques, on peut, pour paraphraser Sartre, avancer que c'est la volonté d'éradiquer les traits autistiques qui crée l'autiste.

JS, dans le cas de la trisomie 21, montre que cette politique mène à l'échec. Et, pour le cas de l'autisme, le paysage qu'il décrit, tant des médecins et psychiatres rencontrés par lui, que des associations de défense des autistes (la plupart), que même de la ministre en charge de cette question est assez désespérant.

Un très bon livre, à recommander vivement, y compris aux gens normaux (ni autistes, ni blogueurs).


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