avec les grandes entreprises, dont le projet de traité avec les Etats-Unis sert les intérêts.
http://www.reporterre.net/spip.php?article5096
Les négociations sur un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis (le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement,Transatlantic Trade and Investment Partnership, TTIP (aussi appelé TAFTA comme Transatlantic free trade agreement) ont commencé en juillet 2013. Elles suscitent de vives inquiétudes sur les conséquences que cet accord pourrait avoir, entre autres, sur la législation environnementale, les normes alimentaires, la confidentialité des données personnelles et le pouvoir des entreprises.Car le mandat de négociation pour le TAFTA révèle la volonté de la Commission européenne de renforcer le pouvoir des entreprises transnationales. Ce texte fait suite à une intense campagne des lobbies de l’industrie et des cabinets juridiques pour que les grandes entreprises aient le pouvoir de contester les réglementations nationales et internationales si elles affectent leurs profits.Ainsi, les États membres de l’UE peuvent voir leurs lois nationales, qui visent à protéger l’intérêt général, contestées dans des tribunaux ad hoc, secrets, dans lesquels les lois nationales n’ont aucun poids et les élus politiques aucun pouvoir d’intervention. Les entreprises européennes investissant aux États-Unisauraient le même privilège.La Commission Européenne, qui représente l’Europe dans ces négociations, a très vite réagi par une campagne de propagande incluant la constitution d’une équipe qui répond aux critiques sur twitter , « @EU TTIP team » et la créationd’un site, de questions-réponses rassurantes. Elle promet par exemple que« l’économie de l’Union pourrait en retirer un bénéfice de 119 milliards d’euros par an – l’équivalent d’un bonus de 545 euros en moyenne par ménage de l’Union ! »Le scepticisme du public ne faisant qu’augmenter, une stratégie de communication a été présentée le 22 novembre dernier, lors d’une réunion informelle avec les représentants des États membres de l’Union européenne (UE) pour qu’ils prennent le relais de l’endoctrinement.C.E.O (Corporate Europe Observatory, l’Observatoire de l’Europe des grandes entreprises) s’est procuré le document qui a servi de base aux débats et l’a publié le 25 novembre.Le projet de communication de la Commission européennePar cette stratégie, la Commission, espère "réduire les craintes et éviter une prolifération des doutes ». Elle propose de « localiser davantage notre effort de communication au niveau des États membres d’une manière radicalement différente de ce qui a été fait pour les initiatives commerciales du passé ».Remarquant que « les négociations ont suscité de la part du public et des médias un intérêt sans précédent, et qu’aucune autre négociation n’a été soumise à un niveau de contrôle public similaire », la Commission demande aux États leur coopération pour organiser la coordination de la communication au sujet du TAFTA.Elle identifie un premier défi de communication : "Faire en sorte que le grand public dans chacun des États membres de l’UE ait une compréhension générale de ce que le TTIP est : une initiative qui vise à délivrer une croissance et des emplois, et de ce qu’il n’est pas : un effort pour saper la réglementation et les niveaux existants de protection dans des domaines comme la santé, la sécurité et l’environnement. »Pour cette communication, la Commission a constitué une équipe spécialisée au sein de la Direction du Commerce en coordination avec ses représentants dans chaque Etat membre. Elle prévoit que le traité devrait être négocié et signé sur deux ans.La mise en place du récitLe document décrit l’approche souhaitée comme « holistique », soit "une attaque globale sur tous les fronts, médias et réseaux sociaux, sensibilisation et gestion des parties prenantes, et transparence."Les équipes de communication ont élaboré un récit (storytelling) qui se déploie sur le site de questions-réponses. Le document insiste sur l’urgence d’une affirmation positive des promesses du TAFTA, pour éviter de se retrouver sur la défensive.La narration doit tout particulièrement insister sur le fait que le TAFTA n’a rien à voir avec ACTA, (pour Anti-Counterfeiting Trade Agreement, accord commercial anti-contrefaçon), un accord négocié secrètement de 2007 à 2010 par un petit"club" de trente-neuf pays (dont les membres de l’Union européenne, les États-Unis, le Japon, etc). Négocié et non débattu démocratiquement, ACTA a contourné les parlements et les organisations internationales pour imposer une logique répressive sur internet, dictée par les industries du divertissement.Le document fait remarquer qu’il faut « garder la main sur le récit des négociations par les médias grand public », où on constate déjà « un large soutien à la logique et à la substance de l’accord. »Il est préconisé de toucher aussi des « tiers influents » c’est à dire des intellectuels, économistes ou autres personnalités connues, pour obtenir leur soutien public à ces négociations.Quant à l’inquiétude des citoyens sur l’impact potentiel que le TAFTA aurait sur le modèle social et juridique européen, il est primordial de faire ressortir les gains économiques que chacun en retirerait. « La campagne électorale pour le Parlement européen sera un facteur important dans ce contexte. »On nous expliquera aussi que, malgré la crise, l’UE reste le plus grand marché du monde et qu’elle est dans une position suffisamment forte pour discuter avec les États-Unis d’égal à égal, puisque les deux côtés ont des intérêts économiques dans ces négociations.L’interlocuteur privilégié : les grandes entreprisesEn octobre dernier, en réponse à la demande d’accès aux documents faite par C.E.O, la Commission européenne a publié une liste de 130 réunions avec des« parties prenantes » à propos de ces négociations. Au moins 119 étaient des rencontres avec des grandes entreprises et leurs groupes de pression, soit plus de 93% des rencontres de la Commission.En ce qui concerne la « transparence », lors de débats avec la société civile en juillet, la Commission a déclaré explorer « la possibilité de mettre en place un groupe de conseillers experts qui pourraient avoir accès à des informations plus détaillées sur les négociations, dans la ligne de ce qui se pratique actuellement aux USA. »Les habitudes actuelles de la Commission donnent cependant de bonnes raisons de craindre que ce groupe de conseillers ne soit très déséquilibré. Dans les groupes de travail sur l’accès aux marchés, les fonctionnaires de la Commission et les représentants des Etats membres de l’Union Européenne se réunissent avec les représentants des entreprises afin de discuter des lois et réglementations étrangères qui les gênent – et développer des stratégies conjointes pour s’en débarrasser.Le monde de l’industrie loue ces rencontres comme un moyen pour la Commission d’« adopter les perspectives des entreprises » et de « parler le langage des affaires ». Tous les membres de ces groupes d’experts font partie du monde des affaires.Et une question reste encore posée, celle de savoir pourquoi la Commission devrait procéder à une opération d’information orientée et user de fonds publics pour influencer l’opinion publique ?Source : Elisabeth Schneiter pour Reporterre