Ne partez pas, on est si bien ici !
Publié Par h16, le 8 décembre 2013 dans ÉditoAinsi donc la France aurait un problème d’exilés fiscaux. Ainsi donc le nombre d’individus qui s’expatrient ne cesse de grandir. Et là, je dis : oh, que c’est dommage ! Ne partez pas, il y a tant de bonnes raisons pour rester ici !
D’abord, ces exilés ne sont pas si nombreux. Que nenni. Les services des douanes, de l’INSEE et des impôts travaillent méticuleusement à camoufler les statistiques précises, ce qui permet à la population de continuer à imaginer, dans un brouillard cotonneux et confortable, que son pays attire les talents. Tout juste entend-on parfois que plus de 35.000 foyers fiscaux ont quitté le territoire en 2011, et qu’il y a eu une solide accélération ces derniers mois. On susurre aussi que le revenu fiscal moyen de ces foyers s’établissait, toujours en 2011, autour de 39.000€. C’est intéressant, parce que cela indique que ce sont plutôt des jeunes qui partent, et que ce sont plutôt ceux qui ont un emploi, et une carrière devant eux.
Mais franchement, pourquoi s’en aller ? Pourquoi se couper ainsi d’un pays qui a un avenir si florissant ? Il faut se rendre à l’évidence, l’idée même que l’herbe est plus verte ailleurs est du bobard, voyons.
Et puis s’en aller, c’est bien, mais il ne faut pas oublier tous ces pays qui ont un taux de prélèvement obligatoire bien plus fort que nous. Et on peut même vous en fournir la liste exhaustive : Corée du Nord, Cuba, Zimbabwe, Danemark, Belgique et Suède. Voilà : trois dictatures communistes, trois démocraties socialistes. Ce qui veut dire que si l’on s’expatrie pour des raisons fiscales, on aura intérêt à slalomer entre ces pays. Ouch, voilà qui corse l’affaire, car cela ne laisse pas beaucoup d’autres pays possibles ! On fait moins le malin, d’un coup !
Et puis s’en aller, c’est ne plus bénéficier des nombreux services gratuits qu’offre une société française affûtée par de nombreuses années de pratique à les distribuer avec précision. Une fois parti, finie l’école gratuite et l’excellence de sa formation qui permet à tous les Enzo et les Lola actuels d’apprendre l’aurtografe, de faire des ateliers Slam avec les dames de la cantine et découvrir la poterie et le macramé après douze minutes d’épuisants calculs ensemblistes en CE2.Une fois quitté le giron rassurant de l’État français, terminés les soins gratuits obtenus après trois heures d’attente aux urgences, les médicaments gratuits vérifiés par l’Agence Sanitaire, ceux qui ne provoquent des arrêts cardiaques que sur la moitié des cobayes. Et fini le personnel hospitalier toujours aimable après une rixe avec des poivrots comateux dans un couloir, 2x24h de garde et une grève tournante au service des soins palliatifs…
Si vous voulez partir, c’est que vous ne voulez plus bénéficier de ces infrastructures que le monde nous envie, comme le train qui part et arrive toujours à l’heure, comme ces autoroutes payées autant par vos impôts que par les péages et qui n’ont jamais servi d’intérêts privés et de magouilles politiques diverses. Finis ces panneaux routiers qui vous rappellent, sous une pluie battante d’un mois d’avril maussade, que la chaleur donne soif et qu’il faut boire régulièrement. Partir, c’est aussi renoncer à l’air pur garanti par les vigoureuses mesures écologiques que l’État a mises en place ces vingt dernières années… À vos frais.
Et surtout, partir, c’est risquer de le faire pour les mauvaises raisons.
Ces retraités qui s’installent maintenant en masse au Portugal ne le font que parce que ce pays leur offre plusieurs années d’exonérations fiscales et une absence d’impôt sur la mort (successions). Le niveau de vie, un peu plus bas que celui de la France, ne joue pas tant que ça, de même que le soleil, l’ambiance générale et la plus faible insécurité (salauds de Portugais qui organisent la fuite des seniors français en créant un paradis fiscal quasiment à nos portes !).
Tous ces étrangers qui traversent le monde pour choisir de se rendre au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis, à Hong-Kong, en Angleterre ou même en Allemagne, plutôt qu’en France sont à l’évidence des benêts ou les idiots utiles de forces occultes qui visent à discréditer la France. S’ils savaient, ils resteraient. Pour sûr.
Je vous le dis : restez.
C’est si bon, lorsqu’on y réfléchit, de rester en France, dans cet environnement stimulant où le mauvais diplôme (ou pire, son absence) vous condamne définitivement à des tâches subalternes. La diplomosclérose est un vrai atout pour notre pays puisqu’elle permet de conserver une élite solide et reconnue de tous. La France, c’est aussi ce pays où, il faut l’admettre, ce sont toujours les meilleurs et les gentils qui gagnent à la fin ; c’est un pays où l’on sait qu’on sera aisément rétribué à la hauteur des efforts que l’on fait.
Et quand bien même ce tableau serait un peu idyllique, quand bien même j’aurais pêché par excès, n’oubliez pas que rester, c’est aussi signifier à tous votre attachement aux valeurs essentielles de vivre-ensemble agressif, de solidarité obligatoire, de partage forcé et d’égalitarisme à la Procuste qui ont fait de la France un pays de cocagne !
Il n’y a rien de plus beau que de savoir qu’on peut partir mais qu’on a choisi de rester pour pouvoir participer aux joies fiscales, aux ponctions citoyennes, et surtout, parce qu’on sait que chaque départ n’est finalement qu’un clou de plus dans le cercueil de l’État-providence ; eh oui : chaque départ d’un foyer fiscal, ce sont des impôts non pris, mais aussi des consommations en moins, de la TVA qui s’évapore, des investissements qui disparaissent, des savoirs qui seront exploités ailleurs, des richesses qui seront créés pour d’autres, du travail qui sera fourni ou payé loin de nous.
Certes, si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, elle a au moins le mérite d’y pousser. Mais quand bien même, restez ! Des cohortes de politiciens, une administration pléthorique, des bataillons d’assistés comptent sur vous.
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Ce billet a servi de chronique pour Les Enquêtes du Contribuables
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