Fiançailles – Chloe Hooper

Par Theoma

Venue d'Angleterre, Liese Campbell travaille dans une agence immobilière à Melbourne. Afin de rembourser ses dettes, elle a pris l'habitude de retrouver Alexander, un riche homme d'affaires, dans des appartements en location, pour s'adonner à des jeux érotiques rémunérés. Alexander ne sait rien du double jeu de Liese, qui commence quant à elle à éprouver un certain malaise par rapport au rôle qu'elle s'est façonné, qui l'oblige à mythifier son passé et à redoubler de prudence. Résolue à quitter l'Australie, elle accepte toutefois la proposition d'Alexander de passer un week-end dans sa grande propriété au milieu du bush. Mais rien ne se passera comme elle l'avait imaginé...

Tout indique dans le nouveau roman de l'australienne Chloe Hooper qu'il ne faut pas se fier aux apparences. La jolie couverture trop sage, le titre qui suppose une romance, la quatrième de couverture qui annonce un roman « puissamment érotique ».

Fiançailles est en réalité un thriller psychologique implacable et efficace. Aucune goutte de sang, aucun cri dans la nuit, pourtant, un malaise grandissant qui ne m'a pas quitté durant ma lecture. L'atmosphère dégagée par ce manoir australien est étouffante, les personnages sont particulièrement agaçants et les retournements de situations bluffants. L'écriture est sobre et précise. Aucune fioriture dans la description de ces dérapages dont le lecteur se demande s'ils sont contrôlés.

Pour ma part, je n'ai pas ressenti l'érotisme acclamé par la critique. Le malaise dominant, positivement, le reste. Franchir les limites et s'y perdre, nourrir ses illusions à coup de déni, se brûler à force de côtoyer les flammes... Chloe Hooper maîtrise son sujet et balade le lecteur jusqu'à la fin. En dire plus serait condamnable.

Christian Bourgois, 302 pages inquiétantes, 2013, traduit de l'anglais par Florence Cabaret

Extrait

« Chère Liese (ou qui que vous soyez),

Avant que vous ne quittiez l'Australie pour d'autres contrées, je me demandais si vous ne pourriez pas enrichir votre séjour d'une découverte de la vie rurale ? Tout visiteur de ce pays devrait faire l'expérience du bush. Warrowill, la propriété où je possède un élevage de moutons et de vaches, se trouve dans l'État de Victoria (la troisième plus grande plaine volcanique du monde), à proximité d'une vaste zone de bush restée intacte, et l'on peut y observer une grande variété de plantes et d'animaux sauvages.

Je vous propose de m'y rejoindre à l'occasion du long week-end de juin (du 11 au 14) et, pour ces trois jours, je vous verserai la somme de xxxx dollars.

Vous me retrouverez le vendredi après-midi et vous recevrez la moitié de cette somme en liquide. Le reste sera versé sur votre compte en banque dans l'après-midi du lundi, à l'issue de votre séjour.

Je vous prie de considérer cette offre avec bienveillance et de me faire savoir dès qu'il vous sera possible si les conditions susmentionnées vous conviennent.

Avec mes sentiments les plus distingués,

Alexander Colquhoun

Le montant de son offre était ridicule mais pouvait suffire à me faire repousser mon départ de deux mois. Ce fut donc un soulagement quand, à l'heure dite, Alexander, vêtu d'un blazer et d'une chemise où l'on voyait encore les plis d'apprêt, vint me chercher à l'angle de la rue de l'agence. Il sortit de sa Mercedes un peu démodée sans que ses yeux croisent les miens. Il prit ma petite valise, ouvrit la portière côté passager puis la referma derrière moi en inclinant la tête de manière respectueuse. Il était nerveux. J'étais brusque, craignant de voir le week-end tourner à la farce dès les premiers instants. L'horloge du tableau de bord indiquait 3:04.

Il me tendit une enveloppe.

«Vous voulez compter ce qu'il y a dedans ?»

À l'intérieur, je savais qu'il y avait ces billets aux couleurs éclatantes comme on en voit dans les boîtes de jeux de société.

«Non, je suis certaine que le compte y est.

- Peut-être que maintenant vous savez évaluer ça au poids ?

- Oui.»

L'avis mitigé de Cynthia