En marge de la rencontre gouvernement – secteur privé qui s’est tenue à Bobo Dioulasso du 07 au 08 octobre 2013, le premier ministre Luc Adolphe Tiao est allé vérifier lui-même l’état de crise dans laquelle vivent les industries d’huileries du pays qui sont en majorité installées dans cette localité. Quelles sont les origines de cette crise et quelles peuvent être les solutions idoines pour la juguler ?
Les industries de Bobo
Il faut le rappeler, la ville de Bobo se veut être la capitale économique du Burkina, car ayant une position de carrefour international. Ses caractéristiques socio-économiques peuvent s’analyser à travers les fonctions urbaines telles que les transports, le commerce, l’industrie, les services publics et l’agriculture.
L’essentiel du tissu industriel bobolais est constitué par l’agro-alimentataire (Brakina, Citec Huilerie) par l’agro-industrie (Sofitex, Sofib, Mabucig), l’industrie légère (Sonaceb cartonnage, Winner piles, Filsah produits cotonniers), par la mécanique et la métallurgie (Sifa, CBTM, Profimétaux, EERI-BF, AUMI) et par la chimie et ses dérivés (Saphyto, SAP). La zone industrielle aménagée le long de la voie ferrée s’étend actuellement vers le quartier Lafiabougou.
Bobo, la ville oubliée ?
Avec une population de plus de 435 000 habitants, Bobo est souvent considérée comme concurrent de la capitale Ouagadougou. Bien qu’étant un carrefour international, l’état de développement peu enviable de la ville est vécu par certains habitants et certains élus politiques comme le résultat d’un abandon de la part de pouvoir central qui est intégralement installé à Ouagadougou. Alors que Bobo est la deuxième ville du pays. Elle concentre le secteur de l’huile, fondamental dans un pays en développement. Et ce qui inquiète n’est pas tant la perception qu’ont certaines population de la situation de leur ville, mais plutôt ce que ces industries d’huileries en pleine crise attendent du pouvoir central.
Les origines de la crise
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est bien sûr les méventes. Cependant il faut chercher les vrais déterminants de cette crise non seulement dans le cadre institutionnel mais aussi dans la responsabilité des acteurs des entreprises concernées.
Au niveau institutionnel, si les bobolais se sentent parfois abandonnés, avec leurs huileries, ce n’est pourtant pas pour cette raison que cette crise s’est déclenchée. Dans une situation de monopole soutenu par les hommes politiques, on s’est logiquement retrouvé avec un marché noir des huileries, alimenté par des acteurs internes comme externes, qui a subitement explosé. Malgré le fait que le laboratoire national de santé publique ait signalé la menace que constituent ces huiles frauduleuses vendues, les populations, frappées par une extrême pauvreté, ne prêtent pas attention aux messages sanitaires.
On se pose évidemment la question du rôle joué par la douane dans cette situation. Les huiles asiatiques (interdites par le monopole) dont on décrie la qualité sont-elles passées par les trous de nos frontières ou par les « poches » de certains douaniers ? Répondre à cette question rappelle que des cantines d’argent de 2 milliards de CFA ont été saisie tantôt chez un certain Ousmane Guiro, alors directeur général de la douane !
La responsabilité des travailleurs et des dirigeants des entreprises en crise n’est pas à négliger. Les premiers ont souvent passé leur temps à organiser des grèves pas toujours utiles. Quant aux dirigeants, protégés par le statut de monopole, ils se sont souvent rempli leurs poches sur le dos de travailleurs et des consommateurs. Travailleurs comme dirigeants doivent comprendre que personne ne devra leur venir en aide dans la mutualisation de leurs pertes. Lorsque les affaires tournent, les profits sont privatisés (ce qui paraît normal), mais dès que la crise frappe, on réclame de l’argent public, durement gagné par les contribuables.
Quelles solutions ?
L’intervention étatique qui est demandée par les travailleurs ne peut être une solution à la crise, puisque cet État est aussi responsable de la situation.
Il ne peut avoir de solution durable qui ne tienne pas compte du fait qu’il faut supprimer les monopoles et éloigner le business de la politique. C’est ainsi qu’on créera un climat de concurrence qui exigera naturellement que les produits de plus grande qualité soient ceux qui gagnent le marché. Ce climat supprimera le marché noir et permettra d’intégrer l’informel dans le formel. Ce sont l’ouverture et la responsabilisation qui permettront l’adaptation économique, certainement pas la subvention et la fermeture.
Adama Ouédraogo, Directeur d'Audace Institut Afrique-Burkina Faso, le 11 décembre 2013.