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Enquête de Curiosity sur le site d’un ancien lac d’eau douce

Publié le 11 décembre 2013 par Pyxmalion @pyxmalion
possible lac dans le cratère Gale

Possible lac qui s’étendait dans le cratère d’impact Gale, au pied du Mont Sharp ; la baie de Yellowknife bordait son lac d’eau douce

Au fil des recherches menées depuis 16 mois par le rover Curiosity, les scientifiques recomposent le paysage de la région du cratère Gale il y a 3,7 milliards d’années. Les indices témoignent de la présence d’un lac d’eau douce, d’argiles et de molécules organiques.

L’enquête sur le passé et l’habitabilité de Mars n’en finit pas de progresser. En partie grâce à l’extraordinaire et ambitieuse mission Mars Science Laboratory (MSL), plus connue sous son surnom de Curiosity. A l’occasion des rencontres annuelles de l’American Geophysical Union (AGU) qui se déroulent ces jours-ci à San Francisco, les équipes scientifiques du rover ont présenté leurs récentes découvertes (publiées simultanément dans le numéro du 9 décembre de la prestigieuse revue Science). En 16 mois d’enquête, la mission a déjà dépassée ses objectifs si bien que le directeur de MSL John Grotzinger (California Institute of Technology) privilégie désormais la prospection de molécules organiques.

À quelques mètres de « John Klein », la première roche jamais forée et analysée sur une autre planète, les équipes de Curiosity en ont étudié une seconde baptisée « Clumberland ». Chauffé, fondu et refroidi, l’échantillon a révélé, de par les mesures de ses quantités d’argon, un âge compris entre 3,86 et 4,56 milliards d’années. Une datation en accord avec les estimations basées principalement sur la distribution des cratères d’impacts.

En outre, les analyses de la roche ont montrées une exposition aux rayons cosmiques commencées entre 60 et 100 millions d’années seulement ! Ces résultats surprenants témoignent d’une érosion éolienne très importante. Conjugué aux alizés, le sable est un abrasif redoutable capable de mettre à jour des roches très anciennes et longtemps préservées.

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C’est plutôt une bonne nouvelle pour les chercheurs qui accèdent ainsi à une partie de la mémoire géologique — à portée de bras de Curiosity — d’une planète, jadis « bleue », devenue ensuite « rouge » et aride …

Quant à la présence de molécules organiques, les indices sont nombreux. « Nous détectons des molécules organiques, mais nous ne pouvons pas exclure qu’elles proviennent de la Terre (celles-ci seraient malencontreusement apportées par Curiosity) » explique Douglas Ming du Johnson Space Center. Signalons tout de même que les quantités détectées à « Clumberland » sont supérieures à celles relevées au cours des tests effectués sur Terre avec des échantillons de roches martiennes.

Quoi qu’il en soit les indices probants de l’habitabilité de la région qu’explore le rover s’accumulent. Le site nommé « baie de Yellowknife » où les forages ont été réalisés, était vraisemblablement un lac, il y a quelques milliards d’années. Le paysage se recompose peu à peu dans les têtes des scientifiques. Rempli d’eau douce par des rivières qui descendait des reliefs environnant, il s’étalait sur environ 48 kilomètres de longueur et 5 kilomètres de largeur. Peu acide et salée, « buvable » car caractérisée par un pH relativement neutre cette eau, en présence d’argiles, offrait un milieu très favorable au développement d’une vie microbienne. On y retrouve tous les éléments clés comme le carbone, l’hydrogène, l’oxygène, le phosphore et aussi des minéraux riches en fer et en souffre qui constituent une appétissante source d’énergie appréciées par certaines bactéries terrestres.

yellowknife bay

La baie de Yellowknife photographiée par Curiosity ; les roches sédimentaires forées dans cet ancien lac sont nommées « John Klein » et « Clumberland »

L’abondance de magnétite et la présence de smectite dans les poudres de roches analysées trahissent une formation des argiles dans ce milieu. « La smectite est l’argile typique dans les dépôts lacustres » explique le professeur David Vaniman de l’Institut des Sciences Planétaires « c’est une argile communément appelée “gonflante” du genre qui colle à vos bottes quand vous marchez dedans. » Il nous rappelle aussi que l’« on trouve des environnements biologiques riches quand on trouve de la smectite sur Terre ».

Tout cela a pu se produire au cours de l’Hespérien qui aurait débuté il y a environ 3,7 milliards d’années (et laisser place à l’Amazonien il y a 3,2 milliards d’années). Même si au cours de cette période, Mars perdait progressivement son atmosphère et s’asséchée en surface, les sous-sols demeuraient encore très humide. Ce qui fait dire à John Grotzinger : « Maintenant, nous savons que les minéraux argileux pouvaient être produits plus tard, ce qui nous donne de nombreux sites qui ont pu être habitables ».

Bien sûr, tout cela donne envie d’organiser une mission humaine, de fouler ces terrains aujourd’hui desséchés et de creuser sous la surface en quête de possibles traces de vie passé … Mais les récentes mesures du rayonnement cosmiques effectuées durant 10 mois par Curiosity, montrent qu’en l’absence de champ magnétique sur Mars, l’exposition atteint en moyenne 0,67 millisievert par jour ! Soulignons que 95 % de ces rayonnements sont d’origine extra-solaire ! Aussi les médecins de la Nasa estiment qu’ un équipage qui entreprendrait un voyage aller-retour vers Mars serait exposé à une dose totale de 1.000 millisieverts. Les risques d’être atteint de cancer mortel sont, de fait, accrus de 5 %. Actuellement, les astronautes qui sont à bord d’ISS, en orbite basse, savent qu’ils sont exposé à un risque accru de 3 %. Les scientifiques continuent d’étudier la question pour préparer la toute première mission habitée vers notre voisine Mars.

Pour aller plus loin Les 6 articles scientifiques publiés le 9 novembre dans la revue Science
  • Volatile and Organic Compositions of Sedimentary Rocks in Yellowknife Bay, Gale Crater, Mars
    Abstract | Reprint
  • Mars’ Surface Radiation Environment Measured with the Mars Science Laboratory’s Curiosity Rover
    Abstract | Reprint
  • Elemental Geochemistry of Sedimentary Rocks at Yellowknife Bay, Gale Crater, Mars
    Abstract | Reprint
  • In Situ Radiometric and Exposure Age Dating of the Martian Surface
    Abstract | Reprint
  • A Habitable Fluvio-Lacustrine Environment at Yellowknife Bay, Gale Crater, Mars
    Abstract | Reprint
  • Mineralogy of a Mudstone at Yellowknife Bay, Gale Crater, Mars
    Abstract | Reprint

Curiosity analyse les roches sédimentaires de Mars

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