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Pourquoi l'UMP est obsédée par l'immigration

Publié le 13 décembre 2013 par Juan
Pourquoi l'UMP est obsédée par l'immigration C'est une course, l'une des pires. L'un des chevaux de bataille de l'extrême droite décomplexée. L'immigration, ou plutôt la lutte contre l'immigration, reste un thème simple à manier et anxiogène à souhait pour le Front national comme l'UMP. Il permet de masquer l'essentiel, c'est-à-dire l'absence de projet et le vide politique.
Mercredi matin sur France info, Jean-François Copé est reparti à la charge contre "ces immigrés clandestins" dont "100% des frais médicaux" seraient "pris en charge" par la collectivité nationale.
C'était faux, mais porteur.
Et ce n'était pas tout.
Ce jeudi, l'ex-parti sarkozyste organisait une convention sur l'immigration...
Intoxication frontiste
Le leader contesté de l'UMP croit avoir trouvé la martingale. Ce mercredi, il assène que l'Aide Médicale d'Etat permet à des clandestins de se faire soigner gratis.
Imaginez la scène. Vous êtes clandestin, vous vous pointez chez l'opticien du coin,  vous choisissez votre monture, chic si possible. Vous exigez des verres, modernes de surcroît. Et vous filez, sans payer. Il vous suffirait d'exhiber votre carte de bénéficiaire de l'AME.
La belle histoire, propre à effrayer le travailleur "de souche", le retraité "qui a cotisé toute sa vie".
Copé, pourtant, porte des lunettes pour lire. Il devrait ainsi savoir qu'une lunette ne "vaut" que 22,87 euros la monture, et entre 54,58  et 137,20 euros pour les verres. Comme l'explique le site de l'Assurance maladie, "l’AME prend en charge les dépenses de santé jusqu’à 100 % des tarifs maximum fixés par l’assurance maladie." Mais cette précision fait tâche dans le discours général du "président" Copé. Il faut entretenir allègrement la confusion entre les tarifs de référence de la Sécurité sociale et le coût réel des soins.
Le second mensonge du "président" Copé est de laisser entendre, comme Marine Le Pen, que les clandestins seraient favorisés par rapport aux Français ou aux immigrés réguliers. Pour preuve, Copé exhibe la suppression de la franchise de 30 euros l'an dernier. C'est faux. L'AME a les mêmes contraintes, les mêmes critères que la CMU. Elle est conditionnée aux mêmes plafonds de ressources (8.593 euros de plafond de ressources annuelles pour une personne seule, 18 045 euros pour une famille de 4 personnes).
Au final, le message est clair, simple, limpide: la France serait trop généreuse, trop "attractive" pour tous les pauvres du monde. L'AME coûte 600 millions d'euros par ans. Le déficit de la Sécurité sociale, une goutte d'eau dans le budget de la Sécu (470 milliards d'euros en 2013).
Incohérente jusqu'au bout, l'UMP s'inquiète du nombre de clandestins en France sans mesurer les risques pour la santé publique que ferait courir une absence de soins généralisée parmi les précaires de l'immigration.
Au final, Copé lançait en fait une charge plus globale. A défaut de projet politique d'envergure, il se rabat sur les fondamentaux de la droite forte et rance, l'immigration: "il faut réécrire totalement la politique d'immigration". 
Car tout ceci n'est qu'une course à la mauvaise échalote. Le Monde en fait sa Une dans son édition datée du vendredi 13 décembre (sic!): "Immigration: la riposte de l'UMP au FN. "

Le programme UMP
L'UMP n'a aucun programme, sauf en matière migratoire. Quelle surprise...
Cette "riposte" politique, l'UMP la voit sur deux fronts. Sur sa gauche, il s'agit de décrédibiliser l'action d'un Manuel Valls qui mord durement sur ses plates-bandes mais que l'UMP peut portraiturer comme laxiste. Contre sa droite, elle a préparé un document d'une trentaine de pages, dont le Monde a publié quelques extraits, pour les élections municipales et européennes.
Jeudi, quelques ténors pouvaient répéter leurs fausses nouvelles idées sur un sujet qu'ils espèrent électoralement porteurs.
Contre le FN, l'UMP assume le maintien du "principe" du regroupement familial et de la France dans l'espace Schenghen. Et elle récuse le lien entre chômage et immigration. Voici pour le côté positif et républicain. A l'UMP, on appelle cela les "valeurs non négociables".
Puis il y a le reste, les valeurs déjà "négociées", le compromis inavoué avec quelques-uns des grands thèmes et positions du FN. Dans leur "document de travail", on retrouve les statistiques sans preuves ("Il y aurait de 200 000 à 500 000 clandestins."), et les grandes phobies du moment: ainsi l'immigration serait "devenue un problème aux yeux des Français", et pour trois raisons au moins: (1) "parce qu’en période de crise nous n’avons plus les moyens d’accueillir convenablement les immigrés" (?); (2) "parce que cette immigration est beaucoup plus subie que choisie"; et (3) "parce que l’assimilation républicaine, qui est la condition d’une immigration réussie, ne fonctionne plus."
L'UMP a bien des exemples. Point de "pains au chocolat" cette fois-ci , mais "trois exemples frappants, au risque d’être politiquement incorrect". Fichtre ! On craint le pire. On a raison. D'abord, "il y a 18% d’étrangers dans nos prisons, alors qu’ils représentent moins de 6% de la population totale." Ah la belle affaire ! Fallait rappeler que l'immigration concentre aussi davantage de précarité ? Second exemple, deux tiers des mariages mixtes se feraient entre un Français d'origine étrangère et un étranger, une statistique que l'UMP voit comme "le signe d’un échec de l’intégration".  Quelle curieuse idée... Faudrait-il répondre que les "mariages de classe" - bourgeois entre bourgeois, aristocrates entre aristocrates  - tels que très justement décrits par les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot sont bien plus problématiques pour la République ?
Le délire ne s'arrête pas là: "beaucoup de jeunes Français d’origine étrangère témoignent de leur difficulté à se considérer Français". Ah... Pour se/nous convaincre, les auteurs du rapport dégainent même quelques résultats de sondages d'opinion révélant combien l'immigration fait peur, gêne et dérange.
Le clientélisme de bas étage est revendiqué. La République s'éloigne.
Au total, l'UMP a sorti 41 propositions. Les "FN-compatibles" sont les plus nombreuses.  
L'UMP veut d'abord réduire l'immigration tout court:
  • Proposition n° 9 : modifier le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile "pour que la décision définitive de rejet prononcée par l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) ou la CNDA (Cour nationale du droit d'asile) vaille juridiquement obligation de quitter le territoire français."
  • Proposition n° 11 :  définir des quotas d'immigration par pays et métiers selon une "évaluation des besoins réels de l'économie, avec consultation des experts et des représentants de la société civile".
  • Proposition n° 13 : expérimenter "un système à points pour l'immigration de travail et l'immigration étudiante, en fonction des qualités et des atouts des candidats immigrants (compétences linguistiques, études, expérience professionnelle, capacité d'intégration, etc.) et en fonction des éventuels besoins en France.
  • Proposition n° 36 : remettre à plat l'ensemble de nos traités bilatéraux, notamment ceux avec l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, qui dérogent aux conditions de droit commun et créent à certains égards des situations de quasi libre circulation. 

Le parti de la droite classique propose aussi plusieurs dispositions discriminatoires:
  • Proposition n° 8 : conditionner tout versement d'une allocation "au respect de l'ordre public, des délais de procédure et à l'acceptation de l'offre d'hébergement".
  • Proposition n° 14 : "supprimer les aides au logement systématiques pour les étudiants étrangers et les remplacer par des bourses à destination des profils d'excellence et des étudiants les plus méritants 
  • Proposition n° 17 : "restreindre les conditions du regroupement familial", via la mise en place d'une obligation de résultat sur la maîtrise du français (vu les résultats français au test PISA, on se demande combien de Français perdrait leur nationalité...) et des valeurs de la République, et pas seulement d'assiduité aux cours de préparation ; "faire contribuer financièrement les demandeurs pour le financement des cours de français qu'ils suivent pour remplir leurs obligations"; "prévoir explicitement une exigence de célibat pour les enfants mineurs".
  • Proposition n° 38 : "prévoir une expulsion du territoire national pour les délinquants étrangers, condamnés à une peine supérieure à un an de prison ferme."

Contre l'immigration clandestine, l'UMP affiche un objectif inatteignable et pire que l'ancienne politique du chiffre, "zéro régularisation":
  • Proposition n° 23 : "la France ne doit plus régulariser les personnes qui entrent et demeurent illégalement sur le territoire national, sauf cas humanitaires exceptionnels ou d'asile. Il s'agit de conditionner systématiquement l'obtention de titres et de la nationalité à une entrée régulière sur le territoire."
  • Proposition n° 26 : "pas de droit du sol pour les enfants nés de parents entrés/séjournant illégalement en France." Cela revient à supprimer la possibilité offerte actuellement aux enfants nés en France de parents étrangers et résident depuis plus de 5 ans d'obtenir la nationalité française.
  • Proposition n° 29 : "supprimer l'AME, sauf pour les cas d'urgence humanitaire."
  • Proposition n° 37 : renégocier la Convention européenne des droits de l'homme pour limiter au maximum l'immigration familiale.

L'offensive, rance à souhait, est (re)lancée.
Pour un peu, Nicolas Sarkozy, l'homme du discours de Grenoble, passerait pour un centriste. 
Lire le projet UMP


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