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Le « bail-in » bancaire expliqué par Madame Michu, ma concierge…

Publié le 18 décembre 2013 par Copeau @Contrepoints
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Le « bail-in » bancaire expliqué par Madame Michu, ma concierge…

Publié Par Nicolas Nilsen, le 18 décembre 2013 dans Contrefout

Grâce à son iPhone, qui était resté branché dans sa poche, nous disposons de l’incroyable enregistrement audio de la conversation entre Madame Michu et Mario Draghi.

Par Nicolas Nilsen.

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Grâce à son iPhone — qui était resté branché dans sa poche — nous disposons de l’incroyable enregistrement audio de la conversation que Madame Michu a eue ce matin avec Mario Draghi, au moment où il passait devant sa loge en partant au bureau. Nous avons pu entendre ce que le président de la Banque centrale européenne disait sur le prochain bail in bancaire.. Édifiant. Voici, en avant-première, la transcription intégrale de leur conversation…

— Bonjour Mr Draghi…

Bonjour Mme Michu…

— Dites-moi, vous êtes bien directeur de la BFCE ?

Non, de la BCE, la Banque centrale européenne

— Et donc vous êtes certainement au courant de cette Directive sur le sauvetage des banques dont mon mari m’a parlé hier soir ?

Vous êtes très bien informée : elle a été effectivement votée par le Parlement européen le 11 décembre, donc mercredi dernier…

— Mon mari m’a dit qu’en cas de crise vous alliez vous attaquer à mon épargne…

Oh mais non, Madame Michu, ne vous inquiétez pas ! Il ne s’agit que de prévoir des règles de renflouement interne des banques, de permettre en quelque sorte une « recapitalisation préventive » voyez-vous…`

— Mais on va me prendre mes économies ?

Mais non, Madame Michu, c’est un dispositif qui n’interviendrait qu’en cas de faiblesse identifiées par les tests de résistance bancaire ! Vous voyez, vous ne craignez rien. Le système bancaire Français est solide. On n’est pas à Chypre Madame Michu ! Les tests de résistance c’est du solide !

— Pourtant mon mari dit que quand Chypre est rentrée dans l’Union monétaire en 2008, ses banques avaient passé les stress-tests les doigts dans le nez, en 2010 puis en 2011. Leurs comptes étaient certifiés par les plus grands cabinets comme Ernst & Young…

Mais encore une fois Madame Michu, la France ce n’est pas Chypre justement !

— Mais alors si tout vas bien, pourquoi prévoyez-vous de mettre ce système en œuvre ?

Parce que, voyez-vous, jusqu’à présent c’était l’argent de contribuables qui permettait de renflouer les banques. Dans le métier on appelle cela des « bail-out »…

— Et maintenant ?

Et maintenant ce sera des « bail-in »…

— Ce qui veut dire ?

Ce qui veut dire que ce seront les actionnaires des banques et les détenteurs d’obligation qui payeront en cas de faillite

— … et aussi les épargnants !

Euh, oui, aussi les déposants, mais vous savez, Madame Michu, les banques françaises sont solides, donc ne craignez rien, vous vous faites vraiment du souci pour rien…

— Mais si c’est du solide comme vous dites, pourquoi est ce que vous passez du « bail out » au « bail in » ?

Euh parce que, voyez-vous, le secteur public est – comment dire – il est exsangue, il n’a plus assez de liquidités pour renflouer les banques au cas où elles…

— Au cas où elles feraient faillite ? Et donc vous voulez me prendre mon argent à moi ?

Oh Madame Michu, tout de suite des grands mots !

— Mais vous l’avez fait à Chypre ! Mon mari m’a dit que le gouvernement avait brutalement prélevé sur tous les comptes bancaires des particuliers !

Euh, nous avons prévu un dispositif pour des sommes supérieures à 100 000 euros, et encore une fois, Madame Michu, Chypre ce n’est pas la France !

— Mais vous me dîtes vous-même que l’État est ruiné, que les caisses sont vides. Et que donc la chypriotisation de mon épargne est en cours, non ?

Mais non, jamais la France ne connaîtra une crise de même nature et de même ampleur, pensez-donc !

— En tout cas mon mari m’a dit que mes économies ne sont plus en sécurité dans ma banque, c’est vrai ?…

Mais d’abord Madame Michu, une banque n’est pas un coffre fort ! Et encore une fois ce n’est que si votre banque ou l’État étaient en difficulté que…

— … que vous pourriez voler tout ce que j’ai légitimement acquis pendant quarante ans ? Mais c’est le vol de mon épargne Monsieur Draghi !

Encore des grands mots ! L’État ne va pas mettre une cagoule noire et s’attaquer à votre banque Madame Michu !

— Ah bon ? Et si je me réveille un lundi matin avec 10% d’argent en moins sur mon compte, c’est bien comme si des malfrats avaient profité du week-end pour voler mes économies, non ?

Mais non, Madame Michu, personne ne rentrera dans votre banque !

— Non, mais l’État se sera servi ?

Mais non, la directive qui a été votée par le Parlement prévoit justement des règles très précises qui…

— Des règles qui bafouent le droit de propriété Monsieur Draghi ! Et autorisent le vol de mon épargne par des banques ou un État qui n’ont pas su gérer leur bilans !

Mais non, Madame Michu, la croissance repart, les courbes du chômage sont en train de s’infléchir, tout va s’améli….

— Vous allez voler mon épargne !

Non, Madame Michu, rassurez vous, nous avons prévu une garantie des dépôts bancaires jusqu’à 100 000 euros ! Vous ne risquez rien !

— Vous voyez bien que vous avez tout prévu pour nos voler.

Mais les États ne peuvent plus augmenter davantage les impôts pour renflouer encore les banques… Vous même avez entendu parler du raz-le-bol fiscal…

— Donc plus de « bail-out » public …

C’est cela, la pression fiscale a atteint des limites…

— Donc c’est bien ce que je disais Monsieur Draghi : votre « bail-in » c’est le vol de mon épargne !

Mais vous raisonnez comme si il y avait une panique sur le dette française Madame Michu ! Nous sommes justement là pour vous protéger de ce risque !

— Vous ne répondez pas M. Draghi : est ce que mon épargne est menacée si l’État et les banques sont en difficulté…

— Euh, il y aura des garanties je vous l’ai dit. Les règles de droit ne seront pas bafouées Madame Michu.

— Donc c’est bien ce que je disais : mon argent n’est plus en sécurité dans ma banque et en cas de crise je serai donc le dindon de la farce.

Comme vous y allez !

— Si je ne suis plus propriétaire de mon épargne et des économies que j’ai légitimement mises de côté au cours de ma vie, c’est du vol Monsieur Draghi !

Encore des grands mots ! Mais personne ne vous en privera arbitrairement,

— Non parce que vous aurez fait voter votre « directive » par le Parlement ! Vous avez légalisé le vol des épargnants ! Et vous pensez que ça suffit pour s’attaquer aux économies des petites gens ?

Il faut sauver les banques, Madame Michu, sinon on aura une crise systémique et alors c’est toute la zone euro qui explosera !

— Ah, vous voyez bien que les banques sont proches de la faillite ! Et comme les États ne peuvent plus les renflouer, vous aller faire payer les épargnants !

Mais rassurez-vous, le système ne sera opérationnel qu’en janvier 2016

— Vous n’avez pas répondu Monsieur Draghi : pourquoi faudrait-il que je paye, moi, pour tous ces banquiers incompétents et ces politiciens véreux qui ont accru leurs dettes ?

Écoutez, je vois que le temps passe très vite. Il faut que je parte au bureau maintenant… Au revoir Madame Michu. Et bonjour à votre mari…

— Marcel, t’as entendu ce qu’a dit M. Draghi ? T’avais raison : ils vont nous voler notre épargne ! — Commence à couper les pommes pour le boudin. Moi je descends vite à la cave chercher la fourche. On va en avoir besoin…

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J’espère que h16 ne m’en voudra pas de m’être très largement inspiré de son passionnant article En avant pour un joli bail-in.

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