Magazine France

Intégration: le rapport qu'il ne fallait pas lire.

Publié le 19 décembre 2013 par Juan
Intégration: le rapport qu'il ne fallait pas lire.

Qui a donc lu ces 5 rapports sur l'intégration dont on parle tant et à tort depuis 4 jours ?

Pas grand monde visiblement. Le voyageur qui reviendrait ce lundi dernier pouvait croire que la France était sur le point de faire basculer le pays dans le communautarisme le plus intégral. Il suffisait de lire, de prendre le temps de lire sans se précipiter pour commenter quelques bonnes ou mauvaises formules.


En l'occurrence, il n'y avait pas un rapport, mais cinq relevés de conclusions.
Nous nous attarderons subjectivement sur l'un d'entre eux, celui qui comprenait cette fameuse recommandation à enseigner l'arabe et quelques idées "culturelles". A lire Valeurs Actuelles, le nouveau brûlot torchonné de la droite extrême, l'enseignement de l'arabe allait être imposé à toutes les têtes blondes et "natifs au carré" de cette noble Gaule.
 
L'un d'entre eux était plus "sensible" que les autres. Il s'agissait de celui du Groupe de travail « Connaissance - reconnaissance » sur cette mission générale confiée par le gouvernement, et Hollande lui-même, la "Refondation de la politique d’intégration". 
Voici donc une synthèse de ces fameuses recommandations, que Valeurs Actuelles, pire que d'autres médias, s'est acharné à caricaturer. Certaines sont provocantes, d'autres appellent au débat, d'autres encore méritaient de la réflexion. Mais pour cette droite hystérique, il fallait hurler pour enterrer.
Le premier objectif, expliquait-on, était de changer la vision de l'immigration dans notre beau pays.  La tâche est rude, presque impossible si l'on se souvient du fumeux et funeste sur l'identité nationale.
1.1. "Dans un souci d’exemplarité, revisiter tous les registres lexicaux utilisées au sein et par les institutions d'action publique tout comme par les médias et les partis politiques."
1.2. "La reconnaissance peut être facilitée par une vision actualisée de l’immigration et des diversités culturelles à l’œuvre" via toutes sortes de commémorations, de "connaissances actualisées".
1.3 "Le vivre ensemble repose sur la reconnaissance des identités multiples dans le respect du socle commun de la République". Et de proposer des visites de lieux de cultes, un plus large dialogue inter-religieux, etc.
Pour produire une histoire commune, les auteurs proposent la rendre visible. Est-ce un sacrilège ?
2.1. "Le développement et la visibilité des productions constitutives d’une Histoire commune", via des "connaissances historiques et patrimoniales liées aux enjeux de migrations, de l’esclavage, de la traite négrière, des colonisations et décolonisations."
2.2. "L’inscription de l’Histoire des migrations (souhaitées et contraintes) sous toutes leurs formes comme enjeu patrimonial", via la constitution de collections et d'archives, le financement et la valorisation de "lieux de mémoire", la "réinterprétation" des collections de musées pour rendre "compte de cette dimension « histoire des migrations / immigration »."
2.3. Les auteurs promeuvent "une action éducative et pédagogique" pour renforcer dans les programmes scolaires l'enseignement sur l'immigration, et notamment l'esclavage, ou les colonisations.
2.4. Ils suggèrent des "actions commémoratives et symboliques", pour saluer "l’action des étrangers et immigrés en France dans des moments importants de l’histoire française ou internationale". 

Sur la culture et la création artistique, le bat blesse à droite et ailleurs. Mais les recommandations n'ont rien de grave, rien de suspect pour qui veut reconnaître la richesse pluri-culturelle de la France. Dans cette troisième partie dudit rapport, on lit en effet qu'il faudrait développer des "actions culturelles et artistiques visant à rendre compte de la pluralité de la société", ou favoriser "l'accessibilité de tous à l’éducation et à la pratique artistique". Il s'agirait même de renforcer la "visibilité" des "productions artistiques et culturelles existantes", en communiquant "auprès de tous les acteurs potentiellement concernés et inciter à la valorisation dans tous les médias des 'bonnes pratiques'".
De bien belles intentions, que d'aucuns jugeront naïves ou surréalistes.
Il y a enfin et surtout ce sujet qui fâche, celui dont le Figaro et quelques autres ont visiblement exhibé quelques extraits, "reconnaître les langues et les cultures comme une compétence et un atout de développement". Fichtre ! On s'attend au pire, c'est-à-dire l'apprentissage de l'arabe et du communautarisme. Car, écrivent les auteurs, "la société française est éminemment pluri- culturelle, notamment du fait de son histoire migratoire mais aussi coloniale et des liens avec les territoires ultra-marins." Sacrilège ? Non, un constat: "chaque individu et chaque groupe sont porteurs d’une multiplicité de cultures (religieuse, nationale, politique, syndicale, professionnelle, locale ou régionale)."
4.1. "La reconnaissance de la place essentielle de l'apprentissage et de la valeur de la langue parlée en famille (ou première)... comme support à l'apprentissage de la langue française et comme un atout de développement du multilinguisme chez tous les élèves, et plus largement de développement de leurs compétences linguistiques." Voici le chapitre qui choque, repris en boucle et en exemple. Les auteurs recommandent en effet de "mettre en place les modalités d’un enseignement de l’arabe et du créole, assuré par l'Education Nationale, au même titre que les autres langues en l’introduisant dans les meilleures écoles et lycées sur tout le territoire français" et de "donner la possibilité d’un enseignement dès le collège d'une langue africaine".
Pire, ils suggèrent de "rendre accessibles et visibles dans l’espace public ces langues", dans les médiathèques et bibliothèques municipales par exemple, et, plus surréaliste encore, de "créer une année culturelle dédiée aux langues de France."
Les "langues de France" ? Oui, on pouvait s'étrangler, il y a matière. Pourquoi nier que l'imposition du Français fut le ferment de la République ?
4.2. Il y a moins grave, plus légitime. Alors que l'UMP préconise de rendre payant et plus rudes l'enseignement du Français aux candidats à l'intégration, voici que les auteurs proposent au contraire de "réinterroger" les modalités d’apprentissage du français "dans les dispositifs d’accueil des primo-arrivants". Ils pointent le vrai sujet, comment améliorer l'intégration par l'apprentissage de la langue ?
4.3. Le développement d’actions (danses, théâtre, musiques, écritures, arts plastiques, arts numériques...) favorisant une approche en terme de « rencontre interculturelle »
Enfin, le rapport se termine sur "les mobilités et la circulation des idées, des savoirs et des personnes." Mobilité ? Argh ! On s'exclame, on s'étrangle encore, ça sent l'assouplissement des visas et autres facilités de circulation des gens dans une Europe qui pousse plutôt au contrôle tous azimuts. On y trouve donc quelques bonnes idées, pas franchement neuves: travailler la "reconnaissance des cultures plurielles" comme la création numérique, notamment sur le Net (blogs, vidéos, radios, ...), les spectacles de danse, théâtre ou musicaux. Pour favoriser la mobilité des jeunes ou des artistes, les auteurs préconisent la création d'un "passeport culturel de la francophonie", de nouveaux "offices bilatéraux ou multilatéraux pour la jeunesse" (et notamment un "Office franco-algérien pour la jeunesse") et d'accords réciproques d'échanges d'artistes ou encore de mieux "repérer" à l'échelle régionale les "personnalités remarquables".
Finalement, que retenir ? La fin de la France ? Non. Le "Grand Remplacement" ? Pas davantage. Juste une proposition choc et critiquable - favoriser l'enseignement de l'arabe en milieu scolaire; beaucoup de voeux pieux ou bien-pensants, et quelques suggestions largement honorables.
Crédit illustration: DoZone Parody

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Juan 53884 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte