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Fact-checking : les médias français à l'heure anglo-saxonne

Publié le 22 décembre 2013 par Npcheynel @journalismes

Acrimed – Arrêt sur Images : les pionniers

Fact-checking : les médias français à l'heure anglo-saxonne L’association Action critique Médias, créée en 1996, et l’émission de télé Arrêt sur images, diffusée sur la Cinquième, ont apporté une vision novatrice des médias. Laissant libre-part à la critique et sollicitant des acteurs multiples, ces pionniers n’ont cessé de questionner le travail du journaliste, sous toutes ses formes : déontologie, sources, vérification des faits… Acrimed et Arrêt sur images ont le point commun d’être aujourd’hui présents uniquement sur le web. Plus des observateurs des médias que des réels vérificateurs de faits, les deux sites ont néanmoins popularisé la lutte contre l’utilisation partielle de l’information et redéfini les codes du travail journalistique.

Les décodeurs (Le Monde), Désintox (Libération), Le détecteur de mensonges (Le JDD) : la presse et le tournant web

Fact-checking : les médias français à l'heure anglo-saxonne Blog pour Le Monde, rubrique puis blog pour Libération, rubrique pour le JDD  : les grands quotidiens nationaux ont eux aussi revu leurs positions quant à la technique de vérification des faits. L’avantage est d’autant plus grand pour la presse écrite car elle dispose souvent de plus de temps pour vérifier, ce qui crée un contenu informationnel avec une vraie plus-value. Ces rubriques et blogs originaux, qui sont apparus pour certains il y a déjà cinq ans, offrent un détachement par rapport à l’actualité brute que ces titres nationaux ont vocation à traiter. Les décodeurs, blog orchestré par le service politique du Monde, est clairement dans une optique participative et incite l’internaute à démêler le vrai du faux. Un simple mail envoyé à la rédaction afin d'avoir davantage de précisions sur tel ou tel propos et le tour est joué. Le Désintox de Libération se définit comme un "observatoire des mensonges et du discours politique" et recontextualise les propos des hommes politiques.
Le blog développe également quelques sujets vidéos, le Désintox TV, diffusés sur Arte dans l’émission 28 Minutes. Quant au détecteur de mensonges du JDD, il incarne bien cette logique du fact-checking, qui cible les propos des hommes politiques et amène à les préciser, à les confirmer ou les infirmer si ceux-ci se révèlent faux. Ces mastodontes de la PQN se sont donc mis à la page, bien aidés par des archives déjà constituées et très utiles pour vérifier faits ou propos.  

Côté web, deux rubriques ont été développées par le site Rue89  : le démonte rumeur et le contrôle technique. Le démonte rumeur s’attaque au bouche-à-oreille, avec le lot de rumeurs fausses qu’il comporte. Le contrôle technique, comme sur une voiture, emploie la technique de fact-checking comme un outil face à l’énonciation de chiffres sortis de nulle part et parfois manipulés.  Rue89, avec sa liberté de ton, a construit ses rubriques afin de dégager une vraie originalité dans la recherche de l’information. Quand le contrôle technique s’arrête sur les chiffres, le démonte rumeur détruit les "on-dit", avec humour et sur des sujets extrêmement vastes.


Le vrai du faux (France Info) ; Le vrai-faux de l’info (Europe 1) : la radio aussi se met au fact-checking

Fact-checking : les médias français à l'heure anglo-saxonne "Le vrai du faux", l'émission de France Info dédiée au fact-checking Les grandes radios nationales sont elles aussi de plus en plus nombreuses à consacrer une tranche d’émission matinale à la vérification des faits. Sur France Info, Gérald Roux revient chaque jour sur une déclaration faite par des personnalités politiques tandis que sur Europe 1, Laurent Guimier se prête plus ou moins au même exercice. De la vérification, de l’information mais aussi de l’expertise et de la remise en contexte. Un travail journalistique quotidien pour ces deux chroniqueurs, qui cherchent à débusquer la "petite phrase" erronée passée inaperçue, élevée au rang d’affirmation par des hommes ou des femmes politiques de tout bord. Mais cet exercice quotidien pose néanmoins encore question dans la profession : la pratique du fact-checking doit-elle se faire dans l’immédiateté ou bien demande-t-elle davantage de temps et d’investigation ?

Télévision : un modèle qui se cherche encore

L'an dernier, la chaîne d'information en continu LCI a développé une émission utilisant le procédé de vérification des faits L'an dernier, la chaîne d'information en continu LCI a développé une émission utilisant le procédé de vérification des faits Le petit écran semble encore le plus hésitant et frileux à l’idée de se lancer sur le fact-checking. Question de format, mais pas seulement. L’émission "Des Paroles et des Actes"  diffusée sur France 2, avait essayé l’an dernier d’incorporer une cellule de vérificateurs de l’information prompte à réagir face aux chiffres énoncés par les invités en plateau. Une innovation à l’échelle nationale qui s’est soldée par un échec. L’immédiateté de la vérification était trop compliquée. Ou quand le fast-checking rattrape le fact-checking… L’année dernière également, Philippe Ballard présentait le magazine "A l’épreuve des faits" sur LCI, où il passait au crible chaque semaine une promesse électorale de François Hollande en compagnie d’un ministre. Pas de nouvelles lors de cette rentrée 2013. Reste "le Petit Journal"  sur Canal +, qui s’amuse à s’offrir le scalp des politiques mais dont le cas divise.

Fact-checking : les médias français à l'heure anglo-saxonne Qu'est-ce qui motive les rédactions à aller dans ce sens du "tout vérifier" ? Quels sont les enjeux du fact-checking ? Le 10 novembre 2012, France Culture réservait un numéro entier de son émission "Le Secret des sources" à ce procédé anglo-saxon, en présence de journalistes et du sociologue des médias Jean-Marie Charon. Pour ce dernier, le fact-checking va de pair avec une spécialisation de la fonction de vérification, qui n'existait pas auparavant. De nouveaux outils, dont Internet, sont désormais mobilisés. Le journaliste doit effectuer un "retour aux sources" par le biais de cette vérification, reprendre la main et remettre en perspective. Les spécialistes sont de moins en moins nombreux, et il faut s'adapter rapidement au flux de nouvelles qui complique le travail de réaction du journaliste.
Mis en avant par la présidentielle de 2012, le fact-checking s'est rapidement développé dans la plupart des grandes rédactions de France, et ce sous différentes formes (blogs, rubriques, émissions de radio, de télévision …). Les médias français ne sont aujourd’hui pas réticents à développer cette pratique, à l’image de leurs homologues anglo-saxons. 

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