Comment peut-il y avoir compassion dans une voie non-duelle ? A qui s’adresse cette compassion s’il n’y a pas d’autre et que nous sommes un ?
On lit chez Nagarjuna que : « En tuant une vision de rêve ou un reflet sur le miroir on ne commet aucun meurtre. De même, en tuant l’être, c’est-à-dire les cinq skandhas qui ont le vide pour caractère, on ne commet pas de meurtre. »
Si en tuant, on ne tue personne pourquoi valoriser la compassion ? Personne ne tue, personne n’est tué. La question demeure donc : comment penser la compassion dans une voie non-duelle ?
Ultimement, l’altérité est une illusion en effet mais pas la souffrance. Les êtres souffrent et la souffrance est bien réelle et c’est le propre de la compassion que de reconnaitre la souffrance comme une réalité vécue. Vouloir le bien d’autrui est paradoxal puisqu’autrui n’existe pas ultimement mais sa souffrance existe bien et appelle une guérison. Puisqu’il y a souffrance, il y a compassion au sein de la vacuité.
La vacuité est oubli de soi, la compassion est reconnaissance de la souffrance de l’autre. Et la perfection est l’union de la vacuité et de la compassion. Saraha, maitre bouddhiste indien écrivait : « Celui qui cherche la vacuité sans la compassion ne découvrira pas la voie sublime. Celui qui médite seulement sur la compassion ne se libérera pas du samsara. Celui qui parvient à les unir ne restera ni dans le samsara ni dans le nirvana. »
La vacuité est immédiate, et complète dès le premier instant de vision ; la compassion est progressive et s’approfondit sans cesse. Mais on distinguera la grande compassion qui s’enracine dans la vacuité et l’amour-attachement qui trouve son origine dans l’ego, dans ses désirs, ses attentes et son besoin de reconnaissance. En voulant faire le bien d’autrui sans être libéré de l’identification à l’ego, on lui cause souvent du tort et l’amour a fait la guerre autant que la haine comme en témoignent les guerres de religions par exemple : n’est-ce pas au nom de l’amour chrétien que tant d’hommes ont fait souffrir d’autres hommes ? Mais il s’agissait d’un amour interprété à partir des limitations de l’ego.
La vrai compassion est sans motif et surgit naturellement comme du soleil ses rayons. Nous sommes Espace d’accueil, nous sommes construits ainsi, sans effort ; l’Espace accueille sans condition tout ce qui se présente ; il ne dit non à rien, ni ne rejette personne.
Si la vacuité est la base de la compassion, celle-ci en est son plus beau fruit et son sens. La compassion est la vacuité vécue, incarnée dans le cœur. Douglas Harding disait souvent : « Vous avez perdu votre tête, maintenant vous allez trouver votre cœur. »
José Le Roy
le bon samaritain