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Pourquoi l'Europe lâche la France en Centrafrique

Publié le 26 décembre 2013 par Juan
Pourquoi l'Europe lâche la France en Centrafrique On a beau jeu d'applaudir à l'union bancaire - pour celles et ceux qui souhaitaient célébrer un accord réel quoique insuffisant. Il s'est passé autre chose de plus grave et détestable la semaine dernière à Bruxelles.
Lors du dernier conseil des ministres de l'année, Laurent Fabius s'est fendu d'un court compte-rendu de ses échanges lors du sommet européen de la semaine passée. Comme à chacune de ces grand-messe, on peine parfois à identifier les réelles décisions sous les tombereaux de communiqués officiels lénifiants.
Mardi 17 décembre, devant les députés français, le ministre des affaires européennes est optimiste: "des troupes au sol (...) seront apportées par des collègues européens " La France venait d'envoyer un petit contingent sur place depuis à peine 8 jours. Dans les six mois, espère François Hollande, il s'agit de mettre fin aux massacres. Même sous couvert d'un mandat de l'ONU, la France est cependant très seule. L'Union africaine peine à se doter d'une force réactive: "l’Union africaine doit cesser de passer pour un syndicat de chefs d’Etat, plus encline à défendre les intérêts des têtes couronnées du continent que ceux des peuples africains" expliquait un éditorialiste burkinabe, repris par Courrier international le 9 décembre dernier.
Les services du Quai d'Orsay, quelques instants plus tard ce 17 décembre, avaient été moins catégoriques: "La France a émis le souhait que ses partenaires puissent déployer prochainement des troupes en RCA. Les discussions sont encore en cours, des décisions devraient être annoncées prochainement par les pays concernés". Et assez vite, nos voisins européens démentent l'affaire. Rien n'est encore joué.
Deux jours plus tard à Bruxelles, Laurent Fabius voulait donc décrocher un plus gros lot, les prémisses d'une Europe de la défense. Devant ses collègues à l'Elysée ce 23 décembre, il dresse un bilan presque réjouissant. Il explique que "les chefs d’Etat et de Gouvernement ont apporté leur soutien unanime à l’intervention française et ont demandé à la Haute représentante de présenter, dès le prochain Conseil des affaires étrangères du 20 janvier 2014, des options pour des actions européennes en matière de sécurité et de défense visant à stabiliser le pays." D'après le ministre, les Etats-membres de l'UE auraient décidé des "orientations concrètes", pour "améliorer le financement des opérations européennes et lancer de nouveaux programmes d’équipement." Décider des orientations concrètes ? En langage européen, on appelle cela une avancée.
En termes plus concrets, on comprend que les Européens lâchent la France en Centrafrique, ne lui accordant qu'un soutien oral sans argent ni moyens.

Circulez, y a rien à voir.

La lecture du Canard Enchaîné du 24 décembre 2013 permet d'éclairer les coulisses de ce sommet. D'après l'hebdomadaire satirique, Angela Merkel aurait expliqué que les Européens ne pouvaient "financer une mission militaire dans laquelle [ils] ne [participent] pas au processus de décision". Boum ! Et d'ajouter: "nous avons besoin d'un Conseil des ministres, c'est-à-dire d'une réunion des ministres de la Défense". Son collègue autrichien fut à peine plus "enthousiaste" : "l'argent vient quand on fait une politique ensemble. On ne peut pas venir présenter la facture après." Toujours à en croire le Canard, le Belge Elio di Rupo fut "particulièrement agacé" par la précipitation avec laquelle Laurent Fabius avait annoncée à la presse que des troupes belges pourraient rejoindre les militaires français en Centrafrique.
Au final, l'hebdo cite un observateur forcément anonyme: "hormis la Pologne, tous les gouvernements européens ont pros le parti de l'Allemagne", c'est-à-dire qu'ils ont refusé tout soutien financier ou militaire sans davantage de concertation. L'envoyé spécial de Libération à Bruxelles nous avait prévenu: "En un sommet, François Hollande a pu constater que les questions de défense restent le grand tabou européen". Le président a tenté de faire bonne figure: "Ce que j’ai obtenu c’est un soutien unanime de l’Union."
On est sans voix.
L'Europe de la Défense est une chimère politique de plus. Faute de gouvernement européen, elle n'est pas prête d'exister. De son temps, Nicolas Sarkozy avait même préféré renforcer les accords bilatéraux (on se souvient de la nouvelle entente cordiale avec le Royaume Uni où l'ancien monarque signa une large coopération nucléaro-militaire . Hollande s'abrite derrière des mandats onusiens plutôt que de joueur au va-t-en-guerre solitaire. Mais le résultat est à peine plus épais. L'Europe se contrefiche-t-elle de l'Afrique ? La situation est d'autant plus paradoxale qu'en France même, cette intervention a recueilli une belle unanimité, du Front de gauche à l'UMP.
A Bangui, ces derniers jours, les forces du président putchiste Michel Djotodia commencent à menacer les troupes française. "Le gouffre entre les communautés chrétienne et musulmane continue de se creuser" commente un envoyé spécial du Figaro.
Mais l'Europe, si prompte à se mobiliser pour sauver un oligarque russe des griffes de Vladimir Poutine, n'en a cure.
Circulez, y a rien à voir.

Pourquoi l'Europe lâche la France en Centrafrique ?

Par trouille et désorganisation.





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