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Publié le 27 décembre 2013 par Mmepastel

Femmes-louves, femmes-enfants, mères-filles, filles-mères, sœurs-doubles, victimes-bourreaux…

Le très beau livre de Stéphane Servant, Le Cœur des louves, fait se croiser, se re-croiser, se réchauffer et se heurter une galerie de personnages féminins très attachants. Trois générations de femmes, malmenées par les hommes, qui luttent pour survivre dans un monde rude ; monde rudement masculin, car fondé dans un passé qui fait peu de cas des voix féminines, fait aggravé par son ancrage dans une montagne âpre et sauvage, où les superstitions tiennent lieu de carte de visite et où la haine musèle les êtres. Tout le monde à peur, mais les femmes sont, comme souvent, encore plus vulnérables. On les traite vite de traînées, on abuse facilement d’elles, on les taxe de sorcellerie. Alors pour survivre, certaines d’entre elles se font louves, sans savoir qu’elles rejouent des scénarios qui les précédent et qui sont comme inscrits dans leurs chairs et leurs inconscients. Célia, la dernière de la lignée “maudite”, celle qui vit de nos jours et que l’on suit tout d’abord (et qui fait que ce livre est considéré comme livre pour grands ados), avance comme à l’aveugle à travers les forêts profondes de la montagne aussi belle que terrifiante, en même temps qu’à travers ses émotions de jeune fille blessée qui ne connait que des bribes de son passé. Guidée par sa colère et une amitié viscérale, elle fait un drôle de chemin en s’approchant ainsi de l’animalité, tandis que la narration nous fait vaciller entre ses déambulations et les confidences de sa grand-mère, considérée comme folle.
Peu à peu, le puzzle se forme, grâce à la prose rythmée, poétique, comme organique et pleine de souffle de Stéphane Servant, et à une certaine habileté à nous emmener dans les tréfonds des secrets de toute une famille, voire d’un village tout entier. Beaucoup de silences, beaucoup de souffrances sont révélées et montrent le poids qui alourdissait les épaules de Célia ; le malheur se transmet aussi bien que la couleur des yeux nous suggère l’auteur. Sa mère fantasque et si énervante pour l’adolescente qu’elle était au début de l’histoire ne peut être considérée comme seule responsable de destinées tortueuses.
Finalement, on suppose, à la fin du roman, que la jeune fille pourra se libérer du joug de son héritage par la compréhension qu’elle en aura péniblement acquise ; pourtant, ce livre suggère aussi, par la beauté de la langue qui enveloppe la nature brute et sauvage -qui n’est pas un écrin factice à l’intrigue mais un personnage à part entière de l’histoire- que le silence et le mystère doivent aussi être acceptés tels quels si l’on veut saisir la beauté du monde, le lien entre les cœurs, si l’on veut aimer et accueillir l’inconnu. Comme quand on était nu au sortir du ventre de sa mère -comme quand on est nu car on vient de devenir mère-. Si l’on veut vivre, quoi. Et pas seulement survivre.

Très beau roman, destiné de par son édition à des jeunes gens (Éditions du Rouergue, collection Doado), mais que je recommande à tous.
Photographie ci-dessus de Louise Markise qui a aussi signé la photo de couverture du livre mais qui je crois, avait les faveurs de Stéphane Servant ; l’image moins crue a été retenue, probablement en raison du premier public visé…

  • #Littérature
  • #louves
  • #Louise Markise

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