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Interview (presque) imaginaire : les humoristes sans humour.

Publié le 27 décembre 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

Renan

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RENAN APRESKI : Devezh mat, Metz, mont a ra ? L’année 2013, qui s’achève, aura été marquée par l’explosion d’un phénomène que l’on pensait relever de la légende, celui des humoristes sans humour : que ce soit à cause d’un succès qui leur est monté à la tête ou, au contraire, en raison d’une frustration née d’un manque de reconnaissance, ces hommes et ces femmes, qui avaient jadis fait profession de faire rire leurs semblables, se sont mis un jour à se prendre au sérieux et, depuis, ils font chier tout le monde. C’est pour eux que l’association « Humoristes sans humour », calquée sur le modèle des « alcooliques anonymes » a été fondée ; en exclusivité pour Le Graoully déchaîné, quelques-unes des âmes égarées qui fréquentent cette structure ont accepté de témoigner, sous couvert, bien entendu, de l’anonymat…

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Monsieur Dieudonné M’B. M’B. : J’avais toujours rêvé de mettre les gens hors d’eux, comme Coluche, mais je n’y arrivais pas… Et un jour, j’ai fait ce sketch pour dénoncer la politique israélienne et je me suis fait traiter d’antisémite ; j’ai tout de suite cru que je tenais le bon truc pour devenir enfin un vrai provocateur, alors j’ai continue dans cette voie… Résultat, je suis vite devenu un objet de répulsion, plus personne ne veut se montrer avec moi à part des fachos de la pire espèce, mais je n’arrive pas à me débarrasser de l’idée que plus je me fais détester plus c’est la preuve suis un humoriste de génie, alors je continue, et j’ai tellement pris gout à la marginalité que je n’arrive pas à virer ma cuti…

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Madame Virginie T. alias Frigide B. : J’ai toujours été frustrée de travailler dans l’ombre des autres : dans l’ombre de mon mari, dans celle de mon beau-frère, dans celle de Laurent Ruquier… Je faisais mon boulot mais j’étais rongée par la rancœur, il fallait que je déverse mon trop-plein de haine sur quelqu’un… Et puis un jour j’ai rencontré un mec, un allemand, il s’appelait Benoît XVI : je lui trouvais un charisme d’enfer, une super odeur de sainteté… C’est lui qui m’a appris à me défouler sur les pédés : au début, je l’ai fait comme ça, juste pour essayer, pour le fun, et puis après, ça a été l’escalade, j’ai même été jusqu’à tenter un remake de février 1934 avec ma copine Christine… Aujourd’hui, je suis marginalisée dans mon propre mouvement, j’ai perdu mon appart’ et plus personne ne veut m’héberger…

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Monsieur Jean R. : Quand j’étais jeune, des imitateurs, il n’y en avait pas beaucoup, et l’humour politique n’était pas très pratiqué à la télé, du coup, j’avais beau faire de la merde, des imitations approximatives et des jeux de mots pourris, ça marchait quand même… Mais aujourd’hui, le marché est saturé et je suis devenu ringard, has-been, bon pour la retraite anticipée… J’ai même sombré dans la picole. Après, j’ai tout essayé pour revenir sur le devant de la scène, j’ai même essayé la télé-réalité, mais ça n’a pas pris… Alors j’ai fait la seule chose qui me restait pour ne pas disparaître : je me suis inscrit au Front National… Vous comprenez, c’était facile, ils prennent n’importe qui, ils ne vous posent pas de question sur votre passé, on peut y entrer même sans diplômes, sans qualifications, sans intelligence…

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Monsieur Philippe V. : Tout a commencé il y a vingt ans que j’étais devenu patron d’un journal satirique… Me sentir responsable de quelque chose, ça m’est monté à la tête, je me suis aussitôt pris pour le trou du cul du monde ! En plus, mon copain Patrick venait de plonger pour détournement de mineures et je ne voulais pas qu’on m’assimile à lui ; c’est là que j’ai perdu toute envie de rire, que je me suis mis à donner des leçons à tout le monde… Ça m’a rendu hyper-désagréable, j’ai même failli me faire défenestrer par un dessinateur qui en avait marre de mes remontrances… En parlant de dessinateur, j’en ai viré un autre pour faire plaisir à un caïd qui, en échange, m’a nommé directeur d’une station de radio : le dessinateur a fondé son propre journal a failli tuer le mien ! Mais ça m’a pas servi de leçon, j’ai tellement pris goût à ce sentiment de toute-puissance qu’à la radio, j’ai viré tous les humoristes qui ne plaisaient pas au pouvoir… Aujourd’hui, je peux pas faire deux pas sans me faire traiter de vendu, d’enculé, de salopard…

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Monsieur Jacques E. dit A. : En fait, je suis un escroc… Je suis pas vraiment humoriste, mon boulot, c’est faire de la tune avec des émissions de télé racoleuses dont je pompe le concept aux Américains… Mais j’ai fini par envier les humoristes que je recevais dans mes émissions alors j’ai voulu goûter à la jouissance qu’ils doivent ressentir quand ils font s’écrouler de rire toute une salle… Alors j’ai profité de mon pognon pour trouver des dates, pour remplir les salles avec des invités ou des professionnels de la claque, pour me faire de la pub partout et, surtout, pour faire taire tous ceux qui pouvaient me critiquer ! Comme cet humoriste professionnel, là, Didier Fenêtre ou un truc comme ça… Je l’ai mis sur la paille ! Mais je n’ai pas fait illusion longtemps…

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Monsieur Cyril H. : Vous savez ce que c’est, quand on est petit et qu’on fait rire tout le monde en racontant une blague de Toto au repas dominical… C’est tellement bon ! J’aurais quasiment vendu père et mère pour gagner ma vie avec ça ! Je n’ai jamais eu aucune imagination, mais j’ai vite vu que ça importait peu, que pour faire de la tune, il ne fallait pas s’adresser à l’intelligence des gens mais au contraire à leur bas-ventre, par exemple en leur balançant de grosse balourdises que même les rats auraient honte d’écouter ; alors j’ai continué dans cette voie et j’ai assez bien réussi, au point d’en perdre le sens des réalités : j’ai critiqué un animateur qui a vingt ans d’expérience de plus que moi, je me suis plaint de mon salaire alors que je 25.000 euros par mois, j’ai refusé de virer un chroniqueur qui a failli blesser un stagiaire…

RENAN APRESKI : Tous ces témoignages sont bien tristes et vous vous demandez probablement « que faire pour venir en aide à ces malheureux, ces naufragés du rire » ? La réponse est simple : rien. Laissez-les crever, ils l’ont bien cherché, n’écoutez plus ces casse-burnes, ne perdez pas votre temps avec eux, employez-le plutôt à lire Le Graoully déchaîné, ça, ça rend beau et intelligent. Kenavo, les aminches !


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