La quenelle est donc devenue de l'ordre du signifiant, c'est-à-dire qu'elle est polysémique (je n'ai pas dit polysémitique...) Au départ c'est le signe de ralliement sectaire antisémite. Savoir qu'en France, le salut nazi (entre autres oripeaux) est interdit. Donc, ce signe c'est : "Je fais un salut nazi, mais comme je n'en ai pas le droit, je le signifie en l'empêchant de l'autre bras". Comme une sorte de dédoublement de la personnalité. Geste d'impuissance, castrateur du coup. Ne pas s'étonner que Dieudonné se diabolise lui-même dans une position prostrée de boudeur à qui, forcément, tout le monde en veut.
Dieudonné est un "théoricien" du complot. Ce monde serait le jouet de quelques manipulateurs, alors que lui ne l'est pas du tout avec son bazar de signes, de chansons, de private jokes dignes d'une cour de récréation. Manipulation de hochets qui l'identifient à une communauté qui parlerait le même langue, la vraie, la pure : celle de la résistance.
Quenelle, nom féminin, rimant avec "femelle" qui désigne une boulette allongée (déjà une sorte d'oxymore). Souvent employé au pluriel. On mange des quenelles, pas une. Dieudonné l'a singularisée. La quenelle. Et l'a associée à un signe ambigu parce que polysémique. Y a-t-il un psychanalyste dans la salle ?
On se protège par cette polysémie. Et hop, du chapeau à virevoltes sort le mot "antisystème". On enfume pour attirer le quidam pas content. Populisme de l'enivrement collectif grâce à des signifiants TMTC, obviés. C'est tordu, cette "quenellisation" des esprits, cette façon de penser vrillant autour d'un tribalisme un peu cannibal et voulant cacher son épicentre : l'extrême droite la plus classique, rassie, haineuse.
Donc ce signe va devenir insigne. C'est comme tout. Il ne va plus signifier qu'à ceux à qui il est censé s'adresser. Après, sa polysémie foireuse l'innocente à tous les coups. Ah ben non, ce n'était pas antisémite, mais anti système, ce qui pour Dieudonné est pareil.