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Le Prix, roman par Manuel Vazquez Montalban (1995)

Publié le 31 décembre 2013 par Mpbernet

31 décembre 2013

Une longue caricature, à la manière d’un film de Luis Bunuel ou Pedro Almodovar, dont je m’étonne qu’elle n’ait pas encore fait l’objet d’une adaptation théâtrale. Celle d’une nuit-capharnaüm dans un hôtel de luxe où tout le monde de l'édition et de l'argent spéculatif va passer une nuit d'enfer à boire et à se plaindre d’être bloqué là, dans l’attente d’une hypothétique proclamation. Celle du lauréat d'un prix littéraire, puis bientôt celui de la fin des interrogatoires.

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Le plus difficile dans ce roman, c'est d'ingurgiter la première scène. Après, on se prend à essayer de comprendre ...

Car la trame policière ne tient ici qu’une place anecdotique. Ce qui importe, c’est la galerie de portraits-charge de l’intelligentsia littéraire et financière, de la haute bourgeoisie espagnole des années quatre-vingts dix.

Le héros en est un immonde salopard : Lazaro Conezal, magnat des travaux publics, de la finance et des médias. Il a fondé un prix qu’il veut le mieux doté de tous les prix européens : 100 millions de pesetas. De quoi faire fantasmer bien des écrivains, doués ou pas …

La construction du roman est classique : on passe alternativement des heures précédant la remise du prix à la soirée échevelée qui va culminer en drame : en fait, Lazaro Conesal, avant même d’avoir proclamé le lauréat, meurt empoisonné à la strychnine glissée dans ses gélules de Prozac. Le fils du magnat, prénommé Lazaro comme son père – ce qui ne simplifie pas la lecture – a engagé Pepe Carvalho pour « doubler » la police locale et prévenir un attentat qu’il pressent sur la personne de son père. Pressent ou prévoit ? La question demeurera sans réponse. On gage en tous cas que chacun des personnages précisément décrits constitue une « clé » que, malheureusement, nous ne sommes pas, nous français et 20 ans plus tard, en mesure de décrypter …

Cet ouvrage donne en réalité le prétexte à l’auteur d’une critique sans ménagements du milieu littéraire : médiocrité, connivences, financements occultes, essoufflement des partis politiques au pouvoir, corruption générale, cynisme absolu de chaque protagoniste qui a une bonne raison de souhaiter voir disparaître le patriarche odieux. Maris cocus, associés floués, fournisseurs ruinés, femmes bafouées … comme dans un roman classique d’Agatha Christie, les suspects sont légion.

Ce qui est curieux, c’est que l’auteur pourfend un milieu qui l’a honoré. Le roman, placé un peu avant Le quintette de Buenos-Aires, a reçu en 1995 le prix National des Lettres Espagnoles…

Ce que je regrette en tous cas, c’est l’absence de Charro, retirée du métier depuis quatre ans, et même de Biscuter, l'adjoint fidèle. Manuel Vasquez Montalban règle ses comptes à sa manière avec les « accro-lettrés », de façon fort cruelle mais réaliste, pas démodée pour deux sous. Je retiendrai en particulier sa définition des « Blancs » par rapport aux « Noirs », que je veux bien faire mienne : sont « Blancs » ceux dont l’arrière-grand-père se douchait tous les jours. Tous les autres sont « Noirs ».


Le prix, roman policier de Manuel Vasquez Montalban, traduit de l’espagnol (castillan) par Claude Bleton, Christian Bourgois éditeur, collection de poche « Points », 377 p. 7,10€


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