Berlin, tu veux faire ta belle, tu crois avoir l'âge de raison, tu ne veux plus jouer les ados rebelles, alors tu te fais belle, tu te fais refaire la façade pour passer pour une "anständige Frau", une femme comme il faut… Et c'est les vieux que tu cherches à attirer à toi maintenant, ceux avec des portefeuilles bien remplis, tu veux te faire entretenir par des touristes gigolos, par des entrepreneurs souabes ou bavarois, voire russes ou chinois. Tu fous tes squatteurs à la porte, tu jettes par la fenêtre tes artistes, dont tu vends presque dans le dos les murs où ils créent, où ils montrent leur travail…
Berlin, tu joues à être la capitale mais le costume est trop petit pour toi ou trop grand qui sait, en tout cas, il ne te va pas.
Avant/Maintenant
Le quartier de Mitte a rejoint celui de Prenzlauerberg et il est entré dans le giron des gentils petits bourgeois tranquilles, ceux qui font fermer un à un les bars, les petites salles de concert car ils ne supportent pas le bruit. Au Schokoladen, petite salle "histotique' et qui a bien failli disparaître aussi, les concerts commencent maintenant bien à l'heure et à 22H00 fusent la dernière note, le dernier coup du batteur, le dernier riff de guitare, de peur de voir à jamais le rideau tomber.
Des immeubles "de luxe" se bâtissent et font de l'ombre aux derniers lieux alternatifs jusqu'à ce qu'ils dépérissent, changent de rive, disparaissent ou se délocalisent dans tes faubourgs.
Berlin, ça faisait longtemps que je voulais te le dire en face, j'ai peur que tu vieillisses mal. Aujourd'hui, j'ai démonté une expo, arraché les clous sur les murs de la galerie ACUD tenue par le KollektiF Serendipity auquel j'appartiens : Bâtiment vendu, théâtre, cinéma et café en sursis, mais la galerie, elle, ne verra pas 2014… En tout cas pas avec nous, pas avec ceux qui l'ont fait vivre depuis deux ans…
Entrée de ACUD
Vue de l'intérieur de la galerie, à la veille de sa fermeture
Berlin, je t'aime quand même mais faudrait quand même pas pousser. Il serait temps que tu retrouves ton esprit un peu bagarreur, anticonformiste, alternatif qui ont fait ton charme, qui ont incité tant de jeunes à te rejoindre, persuadés de trouver dans ton air, la liberté qui leur manquait ailleurs…Mais, je m'accroche aux graffitis et aux spukkis sur tes murs qui proclament que "Köpi bleibt", "BAIZ bleibt" et ça me donne de l'espoir. De toute façon "Kunst wird immer bleiben". L'art, les artistes seront toujours là, au-delà des modes, des vents contraires, des hipsters de tout poils qui voudraient faire de toi la ville la plus branchée d'Europe…Berlin, je fais confiance à tes "vieux" rebelles, tes "vieux" gauchistes qui luttent toujours pour que tu restes un peu la même, du moins dans ton âme…Sur l'ACUD, j'écrirai bientôt davantage dans un prochain article…