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Améliorer les processus par la dématérialisation

Par Villefluctuante

 

L’e-administration s’affirme dans les collectivités. Si la dématérialisation des marchés publics est connue, d’autres procédures peuvent faire l’objet de dématérialisation comme le montre l’exemple des déclarations d’intention d’aliéner. Au-delà des gains possibles pour des 750.000 DIA traitées chaque année en France, il faut souligner l’enjeu de management de service : alléger l’administration d’enregistrement et se donner du temps pour la réflexion.

  

La modernisation du service public et des démarches administratives s’exprime particulièrement bien dans la démarche expérimentale de dématérialisation des déclarations d’intention d’aliéner (DIA) pour les services d’urbanisme : cela représente une meilleure qualité de service, des économies de papier et de frais d’affranchissement (une DIA génère en moyenne 2 à 5 échanges postaux entre notaires, mairies et les services de l’État). Ce nouveau mode d'échanges « sans papier de bout en bout » réduit aussi les délais d’instruction tout en offrant une traçabilité. La réduction des coûts est secondaire car il s’agit avant tout d'améliorer les conditions de travail et le service aux usagers. Ce projet se place dès lors à la confluence de deux pratiques contemporaines : l’amélioration des processus et le développement de services intégrés.

une démarche pragmatique, progressive et transversale

Une première phase d’expérimentation commencée en 2004 a vu l’implication de trois collectivités pilotes : le Conseil général de l’Hérault, les villes de Niort et Paris. Depuis décembre 2012, Niort a été la première ville à tester ce nouveau type d’échange électronique avec les notaires. Le chemin aura été long et nécessité la modification du code de l'urbanisme, un décret d’application et l'adaptation du formulaire Cerfa ad-hoc. Une nouvelle phase pilote commence maintenant avec plusieurs grandes villes et communautés urbaines - 18 au total - pour faire monter le dispositif en charge.

Ce projet, conduit avec les collectivités et sous la houlette de l’État et de son actuel Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), a nécessité un partenariat avec le Conseil supérieur du notariat (CSN). Il a réuni des partenaires aux cultures métier différentes et toute sa prouesse est d’avoir mis en place une filière de traitement compatible avec les attentes et les outils de chacun. Il est particulièrement éclairant sur la capacité d’acteurs publics et privés à travailler en réseau autour d’un partenariat d’intérêts croisés.

Analyse d’un processus

Le traitement des DIA correspond à un processus d’enregistrement sans valeur ajoutée à l’heure où les administrations cherchent à identifier des marges de manoeuvre. Habituellement, une DIA prend la forme d'un formulaire adressé par un notaire en quatre exemplaires à une commune ou un département pour s’assurer de l’absence de préemption : l’envoi par lettre recommandée ou dépôt contre décharge se poursuit par une ressaisie des données et une consultation papier des services pouvant être intéressés. La dématérialisation lisse le processus : le notaire signe la DIA sur le nouveau formulaire Cerfa à partir de la plateforme d'échanges sécurisée du CSN qui la transmet à la plateforme PEC de l’État - elle héberge déjà le portail mon.service-public.fr - pour vérification et horodatée ; puis transmission sécurisée à la collectivité qui traite la demande via un workflow interne et la réponse - accompagnée d’une signature électronique - est retournée au notaire selon le même circuit. La réduction du temps de traitement est mise à profit pour mieux interroger les intervenants sur l’opportunité de la préemption. Reste la question juridique puisqu’à ce jour seule la procédure papier demeure valide en cas d'exercice de ce droit.

Il importe de mettre en avant le caractère managérial de ce projet. La compréhension de ce type de processus dans son ensemble n’est pas sans rappeler la démarche Lean Office qui tente de rationaliser les chaines de traitement par élimination des gaspillages. Pour nos administrations, les sources principales de progrès sont dans l’organisation des flux et la communication entre les acteurs. La dématérialisation des DIA reste une démarche pilote. Néanmoins, elle ouvre la voie à des actions d’amélioration à partir d’une analyse des processus.

Le changement par l'outil

La mise en œuvre de la dématérialisation des DIA aura mis pratiquement dix ans pour des raisons techniques liées à l’interopérabilité et la signature électronique, des raisons juridiques liées à la modification du code de l’urbanisme, et surtout pour des raisons relationnelles car il a fallu une convergence d’intérêts entre les notaires et les collectivités territoriales via l’État. Il s’agit typiquement de la création d’un service intégré, complexe dans son fonctionnement, aussi transparent pour ses utilisateurs qu’une interface web.

Pourquoi s’être engagé vers la dématérialisation des DIA ? L’analyse du processus antérieur a montré un manque flagrant de valeur ajoutée à certaines étapes ainsi que des ruptures de flux. Ce constat peut-être étendu à d’autres processus de nos services techniques. Revoir nos manières de faire est avant tout une démarche de management. Au-delà de la fierté de l’innovation, ce type de projet se destine avant tout à fiabiliser une procédure et à soulager les agents d’une lourdeur administrative pour les repositionner sur des taches à plus forte valeur ajoutée. L’acceptabilité de changement sera d’autant plus grande que les agents seront repositionnés sur une veille active d’opportunités pouvant abonder la stratégie foncière de la collectivité. Ce chantier est peut-être le plus difficile et en même temps le plus passionnant car il touche directement à l’empowerment des services.

amélioration continue et Intégration

L’exemple des DIA est très intéressant car il montre comment une analyse partagée entre acteurs a abouti à une solution performante pour gagner en qualité de service et en fiabilité des échanges (intégrité, traçabilité des messages et authentification des partenaires). Il faut le restituer dans un contexte plus large d’optimisation des processus de l’administration publique. L’optimisation par l’automatisation de certaines taches n’est qu’une solution parmi d’autres qui doit être accompagné d’un projet de service pour tenir compte de l’acculturation progressive des agents. Rien ne dit que la dématérialisation permettra de supprimer les encours qui encombrent ce type de processus. Les piles de dossiers pourraient disparaître des bureaux pour se transformer en liste interminable de fichiers.

Ce chantier d’une grande complexité technique et juridique n’a pu se réaliser que par la pugnacité de quelques personnes qui l’ont porté à bout de bras pendant dix ans. Il ne demande qu’à être généralisé et suivi par la dématérialisation des certificats d’urbanisme et des permis de construire : 400 000 permis de construire par an en France, dont autant de déclarations d’ouverture de chantier et de déclarations d’achèvement de travaux. Malgré l’âpreté de ce premier chantier, la Ville de Niort est partante pour aller plus loin, preuve des gains pratiques qu’elle en retire. Il s’agit d’une part de proposer un service intégré et d’autre part de dégager du temps qui sera réinvesti en analyse et en force de proposition.

d.u.M.s dématérialisation


L'essentiel :

  • Les DIA sont essentielles dans la politique foncière d’une collectivité
  • Le projet de dématérialisation des DIA a associé l’État, le Conseil supérieur du notariat et trois collectivités pilotes
  • Le résultat est un service intégré, complexe dans son fonctionnement, simple dans son utilisation
  • Cette démarche de management par l’analyse des processus peut s’appliquer à d’autres domaines des services techniques

Portée de manière interministérielle par le SG-MAP, l’évaluation des politiques publiques est au cœur de la modernisation de l’action publique. Elle vise à rendre ces politiques plus simples et plus efficaces par des actions concrètes :

  • Développement des téléservices dans les collectivités avec une meilleure interopérabilité entre data.gouv.fr et les portails locaux
  • Développement de l’Open data au niveau local avec la dématérialisation des démarches administratives (dont les DIA)
  • Programme « Futurs Publics » pour co-construire les services publics de demain avec des administrations plus entreprenantes et plus flexibles
  • Programme « Dites-le nous une fois » pour réduire la redondance des informations demandées aux entreprises par un échange des données entre administrations
  • Référentiel Marianne, socle d’un engagement interministériel en matière de qualité d’accueil

Publié dans la revue Technicités de décembre 2013


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