La communauté internationale est muette face aux assassinats d’État les plus
abominables du monde. Pourtant, elle pourrait essayer d’agir pour sauver le peuple nord-coréen d’un véritable fou.
Le 30 mars 2013, la Corée du Nord se déclarait en état de guerre
contre la Corée du Sud. Le Président-dictateur nord-coréen Kim Jong-un a récidivé ce mercredi
1er janvier 2014. Dans une allocution à son peuple, il a menacé le monde une énième fois en disant que les « nuages noirs de la guerre
nucléaire flottaient constamment sur la péninsule coréenne ».
Son message avait pourtant un but de pacification des relations avec la Corée du Sud, mais il ne doit pas très bien savoir s’y prendre pour affirmer finalement : « Si la guerre survient un jour sur cette terre, elle apportera un énorme désastre nucléaire et les États-Unis ne seront pas épargnés. ».
Kim Jong-un, troisième de la dynastie des dictateurs communistes nord-coréens, a également justifié la purge (les exécutions arbitraires) réalisée le 12 décembre 2013 qui avait "éliminé" le
numéro deux du régime, son oncle, celui qui lui avait servi de parrain à la mort de son père, le 17 décembre 2011, à savoir le général Jang Song-taek : « Notre parti a pris une mesure ferme pour se débarrasser de la saleté factieuse qui avait imprégné le parti. (…) Notre unité s’est renforcée au centuple et
les lignes du parti et de la révolution se sont consolidées en purgeant cette faction anti-parti et anti-révolutionnaire. ».
Baby Kim n’est pas "rancunier" (selon l’ironie mordante du journal "Le Monde" du 15 décembre 2013) ; il
avait en effet nommé le dimanche15 décembre 2013 sa tante, Kim Kyong-hui (67 ans), membre du Comité des funérailles du Parti des travailleurs de Corée du Nord. Fille du fondateur de la République
populaire démocratique de Corée du Nord, Kim Il-sung, elle était aussi la femme, devenue veuve, de Jang Song-taek qui a été sauvagement liquidé trois jours auparavant.
Le tyran archéo-communiste avait visité la station de ski de Masik la veille de son allocution, le 31
décembre 2013, qu’il a fait construire avec des moyens colossaux pour montrer que la Corée du Nord était lancée dans « une nouvelle période de
prospérité dans la construction, (…) ligne de front important pour établir les bases d’une nation forte et du bonheur du peuple ».
Dans un article précédent, j’avais expliqué à quel niveau sont montées la cruauté et les atrocités du
régime communiste de Corée du Nord, notamment en massacrant des musiciens de grand talent. Il est vrai que les Nord-coréens sont tellement isolés de la scène internationale et économique que l’on
pourrait se satisfaire de faire abstraction de tout ce totalitarisme de psychopathe sans avoir mauvaise conscience. Après tout, s’il n’interfère pas chez les autres, le dictateur juvénile peut
tranquillement massacrer son peuple sans faire de bruit… Certes, les menaces d’une attaque nucléaire imminente contre les États-Unis (et aussi le Japon) sont régulièrement émises (comme ce
1er janvier 2014) mais cela semblerait rester plus des déclarations à but interne et nationaliste qu’une véritable provocation avec une intention belliqueuse immédiate.
Cependant, l’humanisme est universel et il est difficilement tenable de laisser une partie de l’humanité dans
son effroyable destin. Faut-il pour autant déclarer la guerre à la Corée du Nord ? Posée comme cela, la question a tout de suite sa réponse ; évidemment non.
Car la Corée du Nord est susceptible d’utiliser l’arme nucléaire dont elle a pu montrer quelques essais dans
le passé récent (depuis le 9 octobre 2006). Et même sans cette menace nucléaire, intervenir dans un pays si lointain, sans beaucoup de bases de proximité (à part la Corée du Sud ; un
contingent de près de trente mille soldats américains sont stationnés autour de Séoul et à la frontière entre les deux Corées), ne paraît pas particulièrement pertinent, ni même acceptable.
Enfin, comme dans toute guerre, le bilan serait très lourd en vies humaines et l’exemple affligeant de la guerre en Irak, à laquelle la France et quelques autres pays européens étaient opposés, heureusement pour l’Histoire, vient rappeler que des bons sentiments (affichés) peuvent agrandir les cimetières.
Pourtant, il y a sans doute une action diplomatique plus intelligente que la simple indifférence, souvent
hypocrite, face à cette horreur permanente. L’exécution de l’oncle Jang vient illustrer un élément nouveau : non seulement la purge actuelle tend à éliminer tous ceux qui avaient eu un peu
d’importance avant l’arrivée de Baby Kim, mais aussi elle constitue un véritable affront à la Chine
populaire.
Jusqu’à maintenant, la Chine populaire a été le seul protecteur de la Corée du Nord. C’est simple, sans les
Chinois, les Nord-coréens auraient de graves problèmes économiques. Cette "prospérité" dont parlait Kim Jong-un dans son allocution n’est possible qu’avec l’argent des investisseurs chinois. Les
Chinois considèrent la Corée du Nord probablement comme un allié dissipé et pas très raisonnable face aux exigences économiques des Temps modernes, mais par culture et par tradition, ils l’ont
toujours soutenue face aux tentatives des autres pays du Conseil de sécurité de l’ONU.
Or, Jang Song-taek était la principale courroie de transmission entre Pyongyang et Pékin. Son exécution
politique soudaine et arbitraire a donc signé une singularité dans les relations entre la Chine et la Corée du Nord. Ce serait donc le bon moment pour que la France, l’Union Européenne et tous
ceux qui voudraient s’y associer, fassent pression sur la Chine pour qu’elle-même fasse pression sur la Corée du Nord pour assouplir ce régime ubuesque.
La Chine populaire n’a en fait aucun intérêt stratégique ni économique à ce que le régime de la Corée du Nord soit maintenu en l’état, ne serait-ce que parce que son isolement économique est un boulet dans la région. Cela dit, la
Chine n'est pas non plus la mieux placée pour donner des leçons de démocratie...
Dans les premiers mois de son accession au pouvoir, on aurait pu croire que Kim Jong-un allait moderniser son
pays, aller assouplir son régime et lancer un grand développement économique. Jang Song-taek y croyait d’ailleurs. Mercredi encore, Kim Jong-un l’a vaguement répété pour la parade. En fait, il
n’est qu’un roi Ubu, ou un futur "roi qui se meurt" (dans le sens d’Eugène Ionesco), un personnage pas
très subtil qui est allé jusqu’à exécuter son "ex" qui, pourtant, était une chanteuse très populaire et avait fait apprécier des chants patriotiques à la gloire de son propre régime.
Aujourd’hui, la question reste donc celle-ci : est-il admissible de fermer les yeux devant tant
d’abominations ? Et si la réponse est négative, quels sont les moyens diplomatiques d’infléchir cette dictature sans amorcer une réaction …en chaîne qui serait catastrophique ?
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (6 janvier
2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Serial killer professionnel.
La Chine populaire.
Le Roi se meurt.
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/coree-du-nord-faut-il-declarer-la-145710