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Les britanniques devraient se réjouir de l’immigration roumaine et bulgare

Publié le 10 janvier 2014 par Copeau @Contrepoints
Analyse

Les britanniques devraient se réjouir de l’immigration roumaine et bulgare

Publié Par Reason, le 10 janvier 2014 dans Économie internationale

Quelques prétendus supporters du libre échange au Royaume Uni s’opposent à tort à la liberté de circulation des individus.

Par Matthew Feeney.
Un article de Reason.

immigration

La semaine passée, les contrôles transitoires restant sur la liberté de circulation des Roumains et des Bulgares en Union Européenne ont été levés. Désormais, les Roumains et Bulgares sont libres de travailler partout dans les pays de l’Union grâce à l’une de ses bonnes mesures.

Sans surprise, durant la période du nouvel an, les tabloïds britanniques ont affiché leurs craintes face à l’abandon des contrôles transitoires pour ces populations. Un article du Daily Mail a averti à ce titre que presque tous les vols et bus partant de Roumanie et de Bulgarie pour le Royaume Uni étaient bondés. BuzzFeed a expliqué par la suite que cette information du Mail était erronée. Il n’y a qu’une exception à la pléthore d’informations négatives des médias à propos de cette affaire : The Economist a publié une lettre ouverte aux Roumains et aux Bulgares les invitant à rejoindre le R.U.

Certains politiciens ont emboité le pas des tabloïds en révélant leur inquiétude vis-à-vis de l’arrivée imminente de Roumains et de Bulgares. Alors que le 1er janvier arrivait, le premier ministre David Cameron, qui a fait face à des pressions de quelques-uns de ses collèges pour s’occuper des migrations européennes, a soutenu que l’U.E. devrait réformer sa politique de liberté de circulation, et un article du Financial Times a affirmé qu’il partageait l’appréhension de ses concitoyens à propos des migrants roumains et bulgares, ajoutant que la liberté de circulation des individus ne pouvait être un principe « totalement non qualifié » de l’U.E. La ministre de l’Intérieur britannique Theresa May a assuré que le Royaume Uni devait limiter le nombre de citoyens européens pouvant travailler sur son territoire, un mouvement que le vice premier ministre Nick Clegg, un démocrate libéral, a défini comme devant être illégal. Les membres du Parlement siégeant au sein du groupe parlementaire multi-partite sur les Tsiganes, Voyageurs, et Roms ont averti que certains politiciens risquaient de détériorer les relations entre communautés avec leur discours anti-Roms.

La rhétorique politicienne au Royaume Uni autour de la migration roumaine et bulgare a mis en  évidence le fait que des politiciens de partis politiques dont les membres prétendent être pro-marché ou anti-européen, ou les deux, mettraient en œuvre des politiques anti-capitalistes hostiles à la liberté de circulation des personnes s’ils avaient le pouvoir.

Cameron et May sont tous deux membres du parti conservateur, et se sont prononcés en faveur du capitalisme.

Dans un discours prononcé en mai cette année, May a réaffirmé l’engagement du parti conservateur pour le capitalisme, en déclarant :

« Nous croyons au libre marché puisque l’histoire a prouvé qu’il était le meilleur moyen d’offrir des opportunités à tous, indépendamment de qui vous êtes et d’où vous venez. »

Au cours d’un discours de janvier 2012, Cameron annonçait : « Je crois que le marché et l’entreprise libre sont les meilleures forces imaginables pour accroitre la richesse et le bonheur » et dans un discours d’octobre de la même année à une conférence du parti conservateur Cameron argumentait que les conservateurs « laisseraient le socialisme des années 70 aux autres ».

Cependant, sur le site internet du parti conservateur, conserver l’immigration à un faible niveau est présenté comme un objectif, à côté de la réduction des impôts et du crime.

Les membres du parti eurosceptique britannique UKIP ont également présenté leurs craintes vis-à-vis de l’afflux imminent de ces populations. Dans son discours à la conférence de l’UKIP cette année, son leader, Nigel Farage, a alerté son auditoire sur les effets en matière de tourisme social et de criminalité qu’engendrerait la libre circulation de ces personnes. À noter que Farage n’est pas opposé à l’idée que le Royaume Uni accueille des réfugiés syriens (à condition qu’ils soient chrétiens).

La rhétorique anti-immigration de l’UKIP est particulièrement inattendue venant d’un parti se prétendant libertarien dans ses statuts.

Il est frustrant de voir tous ces supporters autoproclamés du marché libre se montrer aussi hostiles à une hausse de l’immigration. Les défenseurs du marché libre considèrent qu’avoir peu de restrictions sur les mouvements mondiaux de marchandises est préférable à un accroissement du protectionnisme. Pourquoi les déplacements de main d’oeuvre devraient-ils être traités différemment ?

Mais il y a plus frustrant encore que l’incohérence affichée par les politiciens qui se prétendent partisans du libre marché tout en militant contre la libre circulation des personnes : le fait que les objections à l’immigration au Royaume Uni sont erronées. Malgré ce que l’on dit souvent dans ce pays, celui-ci n’est pas envahi par l’immigration, les immigrés font baisser le prix des logements, et la plus récente immigration peut même être considérée comme contributrice nette aux finances publiques.

Il y a bien entendu des parallèles américains à faire avec les incohérences affichées par les politiciens conservateurs au Royaume Uni. Beaucoup de conservateurs américains plaident pour le marché libre, mais, alors qu’ils ne voient aucun inconvénient à ce qu’une personne se déplace de New York à Phoenix, leur opinion change si le trajet se fait de Tijuana à Phoenix, ce qui est une honte puisque les migrants qui s’installent dans des économies à revenus élevés (comme les États-Unis) sont souvent davantage mus par un esprit d’entreprise que la population locale.

Il convient de rappeler que le niveau actuel de bureaucratie et de règlementation relatives à l’immigration est récent en Europe. Au Royaume Uni, jusqu’en 1794, tous les passeports étaient délivrés et signés par le monarque et ressemblaient davantage à des lettres d’introduction qu’aux documents que nous connaissons aujourd’hui. Les passeports, tels que nous les utilisons de nos jours, ont été introduits au début du siècle dernier.

Dans la seconde moitié du 19ème siècle, l’expansion des chemins de fer à travers l’Europe rendait l’efficacité du contrôle des passeports difficile. Par conséquent, en 1914, les visas et autres passeports ont été abolis « pratiquement partout en Europe ». À l’échelle de l’histoire humaine, les restrictions actuelles sur la circulation des personnes sont incroyablement strictes et restrictives.

La politique migratoire de l’U.E. est bonne pour l’Europe et devrait être soutenue par ceux qui se prétendent capitalistes. C’est une honte que ces lois européennes sur la liberté de circulation ne soient pas appliquées mondialement. En 2011, Michael Clemens du Center For Global Development estimait que le PIB mondial pourrait progresser d’au moins 67% et au plus de 147,3% si tous les pays retiraient leurs contrôles migratoires. Ne serait-ce pas appréciable ?

Dans les mois et années à venir, il n’y a aucun doute qu’on verra des reportages sur des minorités roumaines et bulgares commettants des délits et se livrant à la fraude sociale au R.-U., et certains politiciens qui prétendent œuvrer pour le capitalisme s’égosilleront à l’encontre des derniers flux migratoires entrant dans le royaume. Au milieu de tous ces reportages alarmistes et de cette inévitable rhétorique politicienne anti-immigration, il est utile de rappeler qu’il n’est pas rationnel de combattre l’immigration quand on se dit capitaliste ou libéral, et que la libre circulation des individus n’est pas seulement bénéfique économiquement, mais qu’elle était également la norme dans l’histoire humaine.


Sur le web. Traduction : Barem & Raphaël Marfaux.

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