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Comment l’esclavage est – il montré dans les musées de Martinique ?

Publié le 16 janvier 2014 par Aicasc @aica_sc

Plantation_to_Nation-Hi-ResLe chapitre 8, Museography and places of remembrance of slavery in Martinique or the gaps in a memory difficult to express de l’ouvrage, Plantation to Nation: Caribbean Museums and National Identity, dirigé et coordonné par Alissandra Cummins, Kevin Farmer et Roselyn Russell est signé par Christine Chivallon. Consacré aux musées de Martinique, il les examine en fonction de la place qu’ils accordent à la présentation de l’esclavage.

Christine Chivallon est directrice de recherche au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), section « Espaces, territoires et sociétés ». Elle est géographe (Doctorat de Géographie, Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3) et anthropologue (Habilitation à diriger des recherches – HDR – en anthropologie, EHESS, Paris). Auteur de nombreux essais, elle se consacre plus particulièrement aux registres mémoriels relatifs à l’esclavage aux Antilles et en Europe.   A titre d’exemples, on peut citer :

L’esclavage. Du souvenir à la mémoire. Contribution à une anthropologie de la Caraïbe, Paris, Karthala, 2012

Les diasporas dans le monde contemporain. Un état des lieux (avec W. Berthomières, éd), Paris, Editions Karthala et Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 2006

La diaspora noire des Amériques. Expériences et théories à partir de la Caraïbe, CNRS-Éditions, 2004

Espace et identité à la Martinique. Paysannerie des mornes et reconquête collective (1840-1960), Paris, CNRS-Éditions, 1998.

La Martinique, département français des Amériques, région ultra périphérique de l’Europe  est entrée depuis 1990 dans l’ère de la patrimonialisation, s’inscrivant ainsi dans l’expérience mnémonique généralisée des sociétés contemporaines, conséquence de leur perte de confiance en un avenir de progrès.

Christine Chivallon analyse le paysage muséal martiniquais à partir de la typologie de Jennifer Eichstedt et Stephen Small élaborée en 2002 dans le sud des Etats – Unis. Elle s’intéresse donc soit à des musées soit à des lieux de mémoire,  structures publiques ou privées. Le recensement des quarante – deux établissements à prétention muséale selon une enquête de 2001 de l’ARDTM et le site de l’Office départemental du tourisme martiniquais élargit considérablement la liste des structures culturelles mais ces dernières ne répondent pas toujours aux critères des musées, à savoir  une collection publique d’intérêt général conservée, enrichie et diffusée par une équipe scientifique dirigée par un conservateur. Des musées, d’anciennes habitations, des sites mémoriels sont donc étudiés du point de vue de leur rapport avec l’esclavage. Comment ces structures rendent – elles compte de l’esclavage ?

C’est le Musée de la Canne qui se révèle le plus orienté vers la restitution de l’ère esclavagiste. Installé dans une ancienne distillerie des Trois – Ilets depuis 1987, c’est le fruit des recherches d’une association d’enseignants amorcée dès 1982. Racheté par le Conseil Régional en 1992, ce musée articule sa présentation muséographique sur la trilogie : Une terre, une plante, un peuple selon un axe chronologique, de la découverte de l’île à l’époque des usines centrales. L’esclavage intègre cette chronologie mais il n’est pas le thème central du musée.  Sa présentation reste distanciée et l’accent est plutôt mis sur le patrimoine technique.

Le musée régional d’Histoire et d’ethnographie a choisi de mettre en valeur le mode de vie de la bourgeoisie mulâtre.

Deux autres établissements publics, La Pagerie et le Château Dubuc,  entrent dans la catégorie de l’effacement de l’esclavage. En dépit de quelques tableaux relatifs à la cruauté de l’esclavage dans le hall d’accueil de la Pagerie , le lieu est dédié aux effets personnels de Joséphine.

Ainsi Christine Chivallon passe en revue l’ensemble des structures de Martinique et évoque l’inadéquation  du langage patrimonial,  incapable de favoriser l’accès du public à la réalité d’une mémoire vivante de l’esclavage.

Le lecteur pourra comparer le discours des musées de la Caraïbe avec celui des musées de la Martinique mais aussi, après plus de dix ans, mesurer l’éventuelle évolution de la présentation de l’esclavage dans ces institutions.


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