Bonnes résolutions
En ce premier samedi de l’année, le parc bordelais est envahi de bonnes résolutions visant à chasser des chariots de chocolats, foies gras, dindes farcies et autres abus à bulles. Le trafic est dense. On peut s’interroger sur l’esthétique réelle des collants noirs qui moulent des corps soit trop flasques soit trop maigres comme le soulignent des plis fort disgracieux.
Dans le seul très petit faux plat du parcours un trio franchit son Everest : souffle court, faces empourprées par le manque d’oxygène et striées de coulées de sel, commissures des lèvres blanchies par un filet de bave séchée, ils surmontent bravement l’obstacle à un train de sénateur, les corps désordonnés par l’effort. En tendant l’oreille, on pourrait peut-être entendre le ricanement d’escargots malveillants embusqués dans les buissons. Les ahanements couvrent cependant jusqu’au chant des oiseaux. Le balancement décidé des bras donne l’illusion à celle-ci que sa promenade est devenue une marche sportive ; ses jambes semblent en désaccord profond avec l’enthousiasme des bras. Lui explique à ses partenaires de club qu’il vient de rejoindre qu’il est là depuis cinquante minutes. Au tour suivant, c’est encore lui qui caquète malgré le rythme soutenu du groupe. Elle a osé le coupe-vent orange fluo.
La singularité des styles – bondissants, souffreteux, dynamiques, traînaillants, désarticulés, fluides… offre un spectacle varié. Elle, reliée par un kit mains libres à un portable bleu évoque une réunion de travail, le souffle court. Ne surtout jamais renoncer. Un autre, casque sur la tête, baigne dans le nirvana du footing réussi.
Bon, je vous laisse. C’est dimanche, je vais courir…
Colette Milhé