22 janvier 2014
En ces temps de pluies diluviennes et d’inondations catastrophiques dans les départements du Var et des Alpes-Maritimes, je voudrais évoquer une catastrophe qui a profondément marqué ma mère lorsqu’elle était petite, à une époque où l’information était bien loin de saturer les esprits : le glissement de terrain de Roquebillière.
Maman avait 13 ans en ce temps-là. Bien avancée en âge, elle ne cessait d’évoquer encore cet événement complètement oublié aujourd’hui.
Roquebillière (06450), cela ne vous dit certainement rien … Un village perché dans la haute vallée de la Vésubie, au-dessus de Nice. Un de ces villages aux hautes maisons sévères et aux ruelles étroites, propres à conserver l’ombre et la fraîcheur des étés de la Côte d’Azur. Ce village de 1500 habitants est situé à une altitude de 585 mètres. Il est surplombé par un mamelon, le hameau de Belvedère, juché à 829 m. De là-haut, la vue est époustouflante.
Il a beaucoup plu au cours de cet automne 1926. La terre, composée essentiellement d’argiles et de marnes, est totalement saturée d’eau. Le 23 novembre, des crevasses sont signalées sur le haut du versant. Mais la pluie ayant cessé, les personnes qui ont évécué rentrent chez elles. A 3 h. 10 au cœur de la nuit du 24, dévalant la pente à 45°, une avalanche de terre et de boues estimée à 3 millions de mètres cubes surpend les habitants dans leur sommeil. Il ne faut que 2 ou 3 minutes pour détruire 11 maisons et enterrer vivantes 19 personnes.
La pluie persistant, la montagne reprend son avance le 30 novembre, à la vitesse de 5 mètres par jour. Le 10 décembre, c’est le haut de Belvedere qui dévale dans la vallée sur une largeur de 60 à 200 mètres. On suppose que de petits mouvements sismiques ont accéléré le processus. On se souvient que le village a été reconstruit sur le même emplacement après un violent tremblement de terre au XVIème siècle ...
La suite : le village est naturellement évacué, les maisons éventrées, détruites. On décide de reconstruire en totalité le village juste en face, sur l’autre rive de la rivière, à partir de 1927. Des familles décident cependant de rester à Roquebillière-le-Vieux, qui devient complètement isolé, des contentieux interminables affectent la reconstruction du nouveau village, les indemnisations sont contestées, les architectes mal choisis …
Des années, des décennies de luttes et de galères pour les habitants. Aujourd'hui, les maisons épargnées par la catastrophe sont de nouveau habitées : crise du logement et cherté des immeubles de la région. Est-ce bien raisonnable ?
Des difficultés attendent aussi les sinistrés du Var et des Alpes maritimes, ou des malheureux qui ont tout perdu lors de la tempête Xinthia il y a 3 ans … A propos, ils en sont où, qui s'en soucie ?
Pour en savoir plus, voir le mémoire d'Aude Deberdt (1995)