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Le « Manuel des affaires » ou comment devenir un bon entrepreneur

Publié le 23 janvier 2014 par Copeau @Contrepoints
Analyse

Le « Manuel des affaires » ou comment devenir un bon entrepreneur

Publié Par Damien Theillier, le 23 janvier 2014 dans Lecture

L’idée que l’entrepreneur est l’agent principal de la production constitue l’apport central de la pensée économique française du XIXe siècle, comme le montre la réédition de ce classique de la gestion.

Par Damien Theillier.

Manuel des affaires

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Luc Marco est professeur à l’UFR Sciences économiques et Gestion de l’université Paris 13, en charge du master « Gestion des entreprises et des organisations ». Il vient de rééditer un classique de la gestion qui n’a plus été réimprimé depuis 1885, du vivant de l’auteur. « Nos jeunes étudiants de première année commencent leurs études en lisant presque uniquement les auteurs anglo-saxons, alors qu’il existe de grands penseurs français trop souvent oubliés », souligne Luc Marco dans sa présentation. En effet, l’idée que l’entrepreneur est l’agent principal de la production constitue l’apport central de la pensée économique française du XIXe siècle.

Ce livre, publié en 1855 par Jean-Gustave Courcelle-Seneuil, est consacré aux entrepreneurs et à leurs diverses activités, qu’elles soient aussi bien industrielles, commerciales ou encore agricoles. L’ouvrage obtient vite un grand succès puisqu’il sera écoulé à plus de 20.000 exemplaires en quatre éditions sur trente ans. Ce succès explique que tous les grands économistes de l’époque s’y soient intéressés.

L’auteur avait acquis une bonne plume en rédigeant nombre de notes de lecture sur le sujet des affaires dans la célèbre revue mensuelle de l’époque : le Journal des économistes de l’éditeur Gilbert Guillaumin. Ainsi lorsque celui-ci entreprit la publication d’une série de petits livres semblables destinés à faire connaître l’histoire de l’économie politique, il chargea Courcelle-Seneuil de rédiger le livre sur Adam Smith. Il y exposera avec beaucoup de clarté les principes économiques et philosophiques du célèbre auteur de La richesse des nations.

Après le coup d’État du 2 décembre 1851, Courcelle-Seneuil s’expatrie au Chili pendant sept ans où il sera professeur à l’École de droit de Santiago. Il a été l’économiste libéral le plus influent dans ce pays au XIXe siècle. Son Traité d’économie politique, rédigé pendant son séjour, a aussitôt été traduit en espagnol.

Comme le rappelle la notice nécrologique publiée en introduction1 de ce Manuel des affaires, Courcelle-Seneuil était foncièrement libéral en politique mais plus encore en matière économique. Il a combattu l’intervention de l’État sous toutes ses formes dès lors qu’elle entravait la liberté sociale, politique ou industrielle. Polémiste, il s’est opposé au mandarinat en politique, au socialisme comme moyen d’organisation artificielle de l’industrie et de la richesse, et au protectionnisme comme entrave à la liberté du commerce.

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Il avait lu la plupart des ouvrages dans ce domaine de la gestion et les trouvait trop anecdotiques ou trop descriptifs. Il souhaitait écrire un ouvrage plus solide scientifiquement, qui serait fondé sur la théorie économique classique et la pratique vécue des entreprises. L’auteur était lui-même un entrepreneur. Il avait créé une dizaine d’années auparavant une entreprise de métallurgie. C’est donc aussi sur son expérience de jeunesse qu’il s’appuie pour étudier les entreprises et les affaires industrielles ou commerciales.

Il défend dans son manuel une conception appliquée de l’économie et une conception pratique tournée vers une nouvelle science qu’il appelle la « science des affaires ». Selon lui, l’économie politique ne suffit pas pour former les entrepreneurs. Pour devenir entrepreneur, il faut des capitaux, une instruction suffisante, une capacité de jugement importante, du goût pour le commandement, l’administration, le risque et l’aptitude à une bonne gestion quotidienne de la firme.

L’auteur distingue cinq fonctions importantes de l’entrepreneur moderne, soit les cinq lois générales de l’entreprise :

  • L’administration générale par le chef d’entreprise ;
  • L’assortiment et l’étendue des entreprises : stratégie et structure de l’entreprise ;
  • Les lois de l’échange : gestion commerciale par la fonction marketing qu’il pressent cinquante ans avant sa naissance réelle ;
  • L’emploi efficient des capitaux : gestion financière ;
  • L’emploi efficace des hommes : gestion du personnel.

Tout en faisant le bilan économique de soixante-dix ans de révolution industrielle en Europe, Courcelle-Seneuil confronte avec intelligence l’expérience française et celle de l’Angleterre.

Le texte principal de l’auteur est suivi par une postface de Margarita Borisova, qui est assistante au département d’histoire de l’économie sociale à l’Université de Sofia, Bulgarie. Elle y analyse les divers liens intellectuels entre l’auteur et le grand économiste Léon Walras qui fut son contemporain.

En tant que témoignage exceptionnel de la pensée gestionnaire du XIXe siècle, ce livre est ici proposé dans une édition scientifique qui resitue les citations de l’auteur dans le contexte de l’époque et donne des pistes de recherches futures. Il intéressera ainsi les étudiants, les enseignants et les chercheurs en management.

Jean Gustave Courcelle-Seneuil, Manuel des affaires ou traité théorique et pratique des entreprises industrielles, commerciales et agricoles, 5e édition, revue et corrigée par Luc Marco, avec une notice nécrologique de Diego Barros Arana, et une postface de Margarita Borisova, 2013, 382 p.

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Publié initialement sur 24hGold

  1. Notice nécrologique de Diego Barras Arana, publiée en septembre 1892, deux mois après le décès de Courcelle-Seneuil, et traduite de l’espagnol l’année suivante par madame C. de Huici.
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