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La nouvelle culture de la mort face à la mission du médecin

Publié le 24 janvier 2014 par Sylvainrakotoarison

La prestigieuse institution composée d’experts et de chercheurs de haut niveau reconnus mondialement dans toutes les disciplines de la médecine déconseille une nouvelle loi sur la fin de vie, puisque le cadre de la loi Leonetti est suffisamment général pour traiter toutes les situations de manière pragmatique.

yartiEuthaMedecin01La réflexion sur la fin de vie a fait récemment l’actualité avec le jugement concernant Vincent Lambert. Une nouvelle pierre a été apportée au débat public par la prestigieuse Académie nationale de médecine sur sa position concernant la fin de vie.

Localisée depuis 1902 au 16 rue Bonaparte, dans le 6e arrondissement de Paris, l’Académie de médecine fut créée par une ordonnance royale de Louis XVIII le 20 décembre 1820 avec notamment pour mission de « répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique ».

Mais l’Académie a peur que le gouvernement ne lui demande pas son avis sur la fin de vie, car ce dernier croit déjà le connaître, qui n’irait pas dans le sens qu’il aurait souhaité, à savoir la légalisation d’une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » (autrement dit, l’euthanasie active) comme voudrait l’imposer le Président François Hollande. Une dignité dont la définition étrange ici se réduirait à tuer.

Si bien que le lundi 20 janvier 2014, l’Académie de médecine a pris les devants en réaffirmant son souhait de « ne pas être tenue à l’écart du débat annoncé par [Marisol Touraine] au soir du 16 janvier » et a donc publié un communiqué de presse pour rappeler sa position sur la fin de vie.

L’Académie rappelle d’abord la mission des médecins : « Il n’est pas dans la mission du médecin de provoquer délibérément la mort. Aucun médecin ne saurait consentir à donner la mort. Aucun médecin ne saurait se voir imposer par la loi de transgresser cet interdit fondateur. ».

Eh oui, c’est un interdit fondateur ("Tu ne tueras point") et il n’est pas seulement admis par les croyants (comme l’ont rappelé les évêques de France le 16 janvier 2014). Il est aussi admis par tous les citoyens français (entre autres), par le Code pénal qui interdit et sanctionne tout homicide depuis plus de deux siècles.

D’ailleurs, cette position reprend aussi celle de l’Association médicale mondiale qui regroupe 102 pays ; elle avait réaffirmé sa position en mai 2005 à Divonne-les-bains : « L’euthanasie, c’est-à-dire mettre fin à la vie d’un patient par un acte délibéré, même à sa demande ou à celle de ses proches, est contraire à l’éthique. Cela n’interdit pas au médecin de respecter la volonté du patient, de laisser le processus naturel de la mort suivre son cours dans la phase terminale de la maladie. ».
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Une fois ce préalable posé, l’Académie de médecine s’oppose à tout acharnement thérapeutique et à toute obstination de soin et préconise « l’accompagnement de la fin de vie, désormais imminente et inévitable ».

Elle précise : « La démarche médicale de l’accompagnement est le soulagement de la douleur, la sédation. Elle doit également comporter un accompagnement humain, affectif et spirituel, tant de la personne que de son entourage. ».

Oui, il faut aussi savoir s’occuper des personnes proches des patients. Pour elles, l’accompagnement dans la maladie de la personne qu’elles aiment peut aussi devenir un véritable calvaire, tant psychologique que physique aussi.

L’Académie évoque en particulier les très nombreux traumatismes cérébraux et médullaires liés aux accidents de la route : « Dans ces circonstances, la personne devenue, de façon définitive, physiquement totalement dépendante, survit grâce à des soins constants et très lourds, dispensés dans un cadre institutionnel spécialisé ou dans leur entourage, avec générosité. ».

Pour l’Académie, il est essentiel de respecter la volonté du patient lorsqu’il est capable de l’exprimer et recommande d’appliquer au mieux la loi Leonetti du 22 avril 2005 qui est applicable selon les deux cas, que le patient puisse ou pas exprimer sa volonté.

Celle loi propose notamment : « Reconnaître le fait qu’il ne s’agissait que d’une survie. Accepter la décision de substituer aux soins prolongés, légitimement obstinés, mais sans doute devenus déraisonnables, le meilleur accompagnement possible du terme différé de cette survie. ».

Le souci reste entier quand la volonté ne peut être exprimée : « Les questionnements les plus délicats surgissent des situations telles que celle de Vincent L. La dépendance physique est totale, mais en l’absence de toute communication, l’incertitude demeure sur la persistance possible d’un certain niveau de conscience. Cette situation dite "pauci relationnelle" rend impossible le recueil de l’expression de la volonté de la personne. ».

Pour sortir de cette difficulté, l’Académie estime superflue l’adoption d’une nouvelle loi car la notion de "directives anticipées" est déjà incluse dans la loi Leonetti et devrait être plus largement évoquée dans la société : « Dans les situation d’urgence, s’imposent la sincérité et la transparence des informations données d’emblée (au patient ou à sa personne de confiance [qu’il aura désignée], ou à sa famille) sur les traitements entrepris, leurs succès escomptés, mais aussi les échecs toujours possibles, et leurs conséquences probables. ».
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Espérons que le gouvernement ne soit pas sourd ni aveugle à ce conseil sage et très avisé de l’Académie nationale de médecine dans une période où les parlementaires belges sont, de leur côté, en train d’élargir monstrueusement le champ d’application de leur législation sur l’euthanasie active à l’ensemble des enfants, sans même de limite d’âge. Jamais un pays ne serait allé aussi loin dans cette forme d’eugénisme.

Je ne souhaite pas que la France suive cette voie fort regrettable où les valeurs sont réduites à des slogans qui vident la signification réelle des mots, comme le mot "dignité" ou l’expression "assistance médicalisée".

Si cette nouvelle culture de la mort devait faire son entrée dans les hôpitaux français, elle ne pourrait que se propager d’autant plus facilement que les six derniers mois d’une vie coûtent une fortune à la société, et les impératifs comptables se substitueraient alors à toute réflexion éthique. Attention danger !

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 janvier 2014)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
François Hollande.
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?
L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.
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http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/la-nouvelle-culture-de-la-mort-146866




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