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Max| Dan

Publié le 27 janvier 2014 par Aragon

ManuelAnier.gifDuflot_Toulouse.jpgJe pense qu'elle habite Toulouse, je crois que c'est mon ancien condisciple JPS qui m'avait filé l'info.

Alors, certains potesses & potes me disent souvent que mes papiers blogués sont mortels, parfois lisibles mais mortels, car souvent "tristes" ou remplis d'histoires nostalgiques, tragiques, chiants quoi. Vous avez raison les amis, alors ce soir j'ai le coeur en fête et je vais vous parler d'Annick et de Dan. Je crois qu'elle s'appelle Annick mais j'en suis pas sûr du tout. Faudrait que je demande à mon camboard de JPS, doit bien le savoir le bougre, mais notre dernier placotage remonte à des lustres, alors...

Annick ou supposée c'était ma prof de français au lycée Montardon de Pau. Madame Laforge. Je peux dire son nom. Les archanges et les anges sont bien connus et nommés par les vivants et leur public. Elle en valait un bataillon, je la nomme alors, elle le mérite bien plus que toutes ces pseudo foules aero-ectoplasmiques. Je la tutoie aussi ce soir, j'ose.

Madame Laforge tu as été tout ce que l'éducation, la vraie éducation peut représenter de précieux, de bien, de véritable, de profondément utile. Tu m'as désauvagé pour un temps, tu m'as appris le français bien sûr, mais aussi le théâtre, la beauté : son sens, les chemins de l'intelligence, les conditions de vie d'un adulte en devenir, le respect de l'autre aussi. Une prof, une vraie, le souvenir merveilleux d'une enseignante merveilleuse. Tu es tout cela encore aujourd'hui dans ma mémoire vive madame Laforge.

Je me la pète pas mais j'étais son meilleur élève, JPS aurait rêvé d'être calife à la place du calife, faisait pas le poids malgré son extrême sensibilité, son intelligence vraie, la place était prise. Je ne pouvais être que le premier à son service dans ma classe. Elle m'a pris comme chevalier servant, en tout bien tout honneur, elle pouvait tout me demander, les récitations les plus retorses, les exposés les plus compliqués, les études d'auteurs les plus complexes, les règles de grammaire les plus chiantes et dieu sait si elles le sont ! Je lui filais un boulot impec, nickel-chrome, un travail de roi, du billard. Je peaufinais, je me documentais, je creusais, je me vouais à elle corps et âme et à ses cours de français... Elle m'a permis d'exposer Brassens, Ferré, la beat génération, François Villon dans sa face obscure, même Vian, pestiféré dans les couloirs du ministère en 68 mais pas dans sa classe.

Tellement de complicité muette entre nous que lorsque -exceptionnellement- je ne savais pas une leçon et qu'elle s'apprêtait à m'interroger comme dab, je lui faisais un geste imperceptible du visage, une mimique invisible à mes potes de classe et elle savait alors ce qu'il se passait, tournait rapidement son regard vers quelqu'un d'autre.

Y'a jamais eu un mot entre nous après la classe, pas de favoritisme visible et outrancier, ça se faisait dans l'invisible et ça me ravissait. Quelle femme exceptionnelle, si douce dans sa voix et ses gestes, si gentille, si délicieusement gentille. Totalement respectée par la bande de brutes et de tarés que nous étions dans ce lycée de pécores...

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Dan, du titre de mon papier c'est l'ânier, un personnage dans la pièce "les Nombres" d'Andrée Chedid. Le jeudi et le samedi aprèm nous avions théâtre au lycée, enfin je veux dire que c'était une activité périscolaire libre, je m'y étais engouffré à mille à l'heure, c'est elle qui dirigeait le cours, c'est elle qui m'avait parlé de ses amours : Genet, Gatti, les Pitoëff, Beckett, Pinter... Son théâtre de prédilection : l'absurde et l'avant-garde, le théâtre politiquement incorrect, interpelant...

Nous avons monté "Les Nombres", elle mettait en scène et j'étais Dan, quel enthousiasme ! Ça avançait mais patatras, mai 68 est arrivé. Le dirlo a suspendu les cours de théâtre, suspects et inutiles, elle s'est barrée, c'était le bordel au lycée. La garde prétorienne du dirlo constituée d'élèves volontaires basques de terminale non grévistes nous schlaguait en étude et au dortoir, on nous a tenus jusqu'en juin sans cours. On passait notre temps de jour en étude et le temps de nuit au dortoir, avec les coups de poings basques dans la tronche si tu mouftais.

C'est une histoire merveilleuse que je voulais écrire ce soir, l'histoire de madame Laforge, ma prof de français, ma merveilleuse prof de français. Hommage aux vrais enseignants...


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