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Biographie du maître zen Ryokan

Publié le 29 janvier 2014 par Minamoto

J'ai publier il y a une dizaine de jour une citation de ce maitre zen. Voici donc ça biographie agrémentée de quelques un de ses Haïku...

Sa biographie:

Pour ceux qui conçoivent le haïku comme la poésie du Zen, Ryôkan en est un parfait exemple. Moine Zen légendaire, c'était aussi un calligraphe renommé et un poète prolifique (il en écrivit environ deux mille huits cents dont seulement une centaine de haïkus).

Il faut dire que le jeune Yamamoto Eizo (son véritable nom) était né en 1758 (date approximative) dans un milieu favorable. Il était le fils d'un riche marchand, chef héréditaire de son village et poète renommé sous le nom de Inan. Son enfance dans son village natal est sans histoire. C'est un enfant calme, généreux et sociable. Dans l'atmosphère lettrée et religieuse de la famille (son père est aussi gardien du temple Shinto local), le jeune Eizo se tourne rapidement vers la spiritualité, à tel point qu'il décide à dix-huit ans d'entrer au monastère zen Koshoji, proche de son village. En principe destiné à succéder à son père en tant que chef du village, il ne montre aucun goût pour les fonctions officielles, un trait de caractère qui persistera toute sa vie.

Il devient donc moine sous le nom de Ryôkan (bon et bienveillant en japonais) et s'investit pleinement dans sa pratique. Quatre ans plus tard, le monastère reçoit la visite du fameux maître Kokusen. Impressionné par sa sagesse et son charisme, Ryôkan repart avec lui au temple Entsuji. Il devient son disciple, restant douze ans au service de Kokusen. Il en profite pour étudier la poésie chinoise, la poésie japonaise classique et la calligraphie. Il devient le disciple préféré du maître, qui le choisit pour successeur. Mais lorsque Kokusen meurt, Ryôkan réalise rapidement que diriger le temple ne lui convient pas. Trop de politique et trop de conflits à gérer pour lui, il trouve finalement peu de différence avec la direction de son village natal qu'il avait refusée seize ans plus tôt.

A trente-cinq ans, Ryôkan quitte donc le temple pour devenir moine errant, unsui (nuage et eau), cheminant dix ans à travers le pays en mendiant pour assurer sa subsistance.

C'est le début de la légende de Ryôkan. Sa grande bonté et sa douceur deviennent vite légendaires. Le rencontrer, dit-on, c'est "comme si le printemps arrivait par une obscure journée d'hiver".

Les légendes, les histoires, ses haïku...

Un jour, un voleur s'introduit dans sa pauvre hutte et lui vole tout ce qu'il a, sauf ses vêtements. Le voleur revient sur ses pas pour les prendre, mais s'enfuit à l'approche de Ryôkan. Ce dernier, dit la légende, le poursuit pour lui remettre ses vêtements, puis rentre tranquillement chez lui. Un merveilleux haïku nous rappelle l'événement :

"le voleur m'a tout pris
sauf la lune
à ma fenêtre"

La balle de tissu qu'il avait confectionnée lui-même et qu'il cachait dans sa manche est en revanche une réalité, restée célèbre. Il l'utilisait pour jouer avec les enfants des villages voisins, allant jusqu'à oublier qu'il était venu là pour mendier sa subsistance, à moins qu'il ne soit tout simplement allé admirer la campagne environnante :
 

"sorti pour mendier mon riz
dans la prairie printanière
je me suis mis à cueillir des violettes
la journée déjà se termine"


Un jour, il constate qu'un bambou pousse au milieu de sa hutte. Voulant percer un trou dans le toit pour lui ménager un passage avec une bougie, il met le feu à sa demeure. Cet épisode, resté célèbre, lui vaut le surnom de Taigu, grand sot, de la part des paysans des environs. Il ne faut pas voir ce sobriquet comme une insulte, mais plutôt comme un nom affectueux.

Ryôkan finira par revenir dans son village natal pour le service funèbre à la mémoire de son père, qui s'est suicidé en se jetant à l'eau à la suite de problèmes politiques. Il se fixe dans un ermitage non loin de là, sur le versant d'une montagne. Il y passera une grande partie de sa vie, errant toujours de village en village, méditant, calligraphiant et écrivant des poèmes splendides, fortement teintés de son expérience de moine zen :

"le jardin d'à côté
à travers un trou béant
dans le mur d'argile


à cet endroit même
au pied du cerisier en fleur
dormir toute une nuit


ramassant du bois
puis traversant le pont
dans la brume du soir


tout autour de nous
le monde n'est plus que
fleurs de cerisier

j'ai fait pousser autour de ma hutte
des plantes et des fleurs.
maintenant, je m'en remets
à la volonté du vent."

Ryokan, auto-portrait

Ryokan, auto-portrait

Il finit par s'installer, à l'âge de 40 ans, sur les pentes du mont Kugami, non loin de son village natal, et prend pour domicile une petite cabane au toit de chaume, Gogōan.

"Dans la forêt verdoyante
mon ermitage.
Seuls le trouvent
Qui ont perdu leur chemin.
Aucune rumeur du monde,
le chant d'un bûcheron, parfois.
Mille pics, dix mille ruisseaux,
pas une âme qui vive."

Mendiant chaque jour sa nourriture selon la stricte règle monacale et pratiquant assidûment la méditation assise ou zazen, Ryōkan cependant ne célèbre aucun rituel ni ne dispense aucun enseignement. Jamais non plus il n'évoque un point de doctrine ou ne fait état d'un quelconque éveil, petit ou grand. En été, il se promène ; en hiver, il souffre, trop souvent, du froid, de la faim et la solitude. Parti pour mendier, il s'attarde pour jouer à cache-cache avec les enfants de ses voisins, cueillir un brin de persil au bord d'un sentier, soigner un malade au village ou partager un flacon de saké avec les fermiers du pays.

"Demain ?
Le jour suivant ?
Qui sait ?
Nous sommes ivres
de ce jour même !"

Les calligraphies de Ryōkan, aujourd'hui très prisées par les musées, suscitaient déjà bien des convoitises autour de lui. Aussi, chaque fois qu'il va en ville, c'est à qui, petit boutiquier ou fin lettré, se montrera le plus rusé pour lui soutirer quelque trésor issu de son pinceau. Ryōkan, qui a pour émule Hanshan, le grand ermite chinois de la dynastie Tang, calligraphe et poète comme lui, n'en a cure.

"Moine benêt l'an passé,
cette année tout pareil."

A soixante ans, l'âge le force à venir s'installer au pied de la montagne puis, neuf ans plus tard, chez l'un de ses amis. C'est là qu'il rencontre la bonzesse Teishin (Cœur fidèle en japonais). Entre le vieux moine et la belle jeune femme de vingt-neuf ans naît immédiatement un sentiment très tendre, mêlé de respect mutuel. Teishin est aussi une lettrée et une poétesse. Leurs poèmes liés comptent parmi ce que la littérature amoureuse japonaise a de plus beau :

"Est-ce vraiment toi que j'ai vu
ou cette joie que je ressens encore
est-elle seulement un rêve?
-- Teishin


Dans ce monde d'illusion
nous sommeillons et parlons de rêve.
Rêve, continue à rêver, autant qu'il te plaira.
-- Ryôkan


Ici avec toi je pourrais demeurer
des jours et des années
silencieuse comme la pleine lune
que nous avons regardée ensembles.
-- Teishin

M'as-tu oublié
ou as-tu oublié le chemin de ma demeure?
Je t'ai attendue tout le jour, tous les jours
mais tu n'es pas venue.
-- Ryôkan

La lune, j'en suis sûre, brille haut dans le ciel
au-dessus des montagnes
mais de sombres nuages amoncelés
en noient le sommet dans l'ombre
--Teishin

Tu dois t'élever
au-dessus des nuages sombres
couvrant le sommet de la montagne
sinon comment pourrais-tu jamais voir la lumière?
-- Ryôkan"


Lorsqu'il s'éteint à l'âge de soixante-quatoze ans le 6 janvier 1831, Ryôkan murmure à Teishin qui lui tient la main ce dernier haïku :

"montrant leur envers
puis leur endroit
les feuilles dispersées par le vent d'automne

Elle lui répond tendrement, poursuivant jusqu'au bout leur dialogue poétique et amoureux:

on voit au loin les vagues
elles viennent
elles repartent"


Teishin, la bien nommée Cœur fidèle, consacrera le reste de sa vie à rassembler et à faire connaître l'oeuvre de celui qu'elle aimait. Elle disparaîtra à l'âge de soixante-quinze ans, nous ayant légué l'oeuvre immense de ce moine-poète hors du commun.

Son mode de vie non conformiste, sa totale absence de religiosité, ont suscité bien des querelles d'érudits. Son bouddhisme était-il authentique ? Était-il oui ou non un homme éveillé ? À ces questions, Ryōkan, pour qui le zen ne pouvait être que profonde liberté, avait livré sa réponse :

"Que laisserai-je derrière moi ?
Les fleurs du printemps,
le coucou dans les collines,
et les feuilles de l'automne."


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