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Hollande, Hartz et la catastrophe

Publié le 29 janvier 2014 par Juan
Appeler à la rescousse l'ancien auteur des lois éponymes qui ont fait la détresse de millions d'Allemands a failli être la nouvelle catastrophe de ce 27 janvier 2014. Confronté à l'inévitable bilan d'une progression continue du chômage, François Hollande a en effet commis la surprise d'appeler à ses côtés Peter Hartz, ancien ministre du travail de Gerhart Schröder.
L'information, non confirmée, émanait d'un quotidien allemand régional, le Saarbrücker Zeitung. Cet homme a donné son nom à quatre réformes successives de dérégulation du marché du travail en Allemagne, entre 2003 et 2005, qui, en vrac, ont simplifié les procédures d'embauche et imposé une obligation d'accepter un job à salaire inférieur (Loi Hartz I); créé des « Minijob » (des contrats de travail de type précaire, moins taxé, court terme) et des « Midijob » (loi Hartz II); restructuré l'agence nationale d'emploi (loi Hartz III); réduit les indemnités de chômage de 32 mois à 12 mois (18 mois pour les plus de 55 ans), et réduit les indemnités des chômeurs de longue durée qui refusent d'accepter des emplois en dessous de leur qualification (loi Hartz IV).
On leur prête l'efficacité redoutable d'avoir permis de réduire le chômage "statistique" en Allemagne à l'aube des années 2000, le tout grâce à une amélioration de la compétitivité du pays. Le coût du travail dans le secteur privé, par heure travaillée, est certes plus bas qu'en France (31 euros l'heure contre 35 euros) mais la mesure est partielle; les inégalités "se creusent entre les travailleurs de l'industrie bien payés et les travailleurs précaires du secteur des services" nous rappelait un quotidien du soir en septembre dernier.
L'augmentation de la pauvreté y fut tout aussi fulgurante: 20% des salariés allemands émargent aux Minijob ou au Midijob. En 2012, le taux de pauvreté aurait atteint 15,2% de la population. Même le Figaro, ce mardi 28 janvier, commentait la catastrophe ainsi: "le nom de Peter Hartz est ainsi pour beaucoup d'Allemands également associé à la précarisation du marché de l'emploi et à la trappe à pauvreté."
Peter Hartz, donc, n'est pas le bienvenu en France, au moins à gauche.
Quand l'information qu'il va conseiller Hollande ouvre les journaux radiophoniques du matin, elle fait évidemment l'effet d'une bombe.  Hollande termine un voyage en Turquie. Autres cieux, autres enjeux. La Turquie, qui tentait de rejoindre l'Union européenne, semble moins empressée. Quand il était président, Sarkozy en avait fait un sujet de polémique franco-française. Pas question, nous répétait-on, que ce pays laïc mais à forte communauté musulmane, de rejoigne la Sainte Europe. Bref, en France, le sujet n'était pas la Turquie, mais ce Peter Hartz qui avait rencontré Hollande il y a deux mois à l'Elysée.
Dès mardi matin, l'Elysée confirme... le rendez-vous passé, mais nie toute embauche au palais, ou toute collaboration:
"François Hollande l'a reçu il y a deux mois à sa demande pour un entretien informel d'une heure et pour l'inviter à un colloque. (...) Je démens qu'il soit son conseiller ou soit amené à le devenir" Aquilino Morelle.
François Hollande souligne le trait, prolonge la ligne, accentue une démarche officialisée avec ses voeux. Certains poursuivent le débat sémantique - social-démocrate, social-libéral. Il est artificiel. François Hollande a commis un tournant, un vrai, chaque jour qui passe le confirme. S'adjoindre Peter Hartz comme conseiller aurait été une bêtise, facilement gobée toute la journée durant par les plus crédules des aveuglés de la contestation.
Il n'y avait pourtant pas besoin de cela pour dresser les constats politiques qui s'imposent. 
Sur le front du chômage, la sanction est tombée lundi soir. La France compte encore 10.000 sans emplois de plus en décembre, ce qui porte à 3,3 millions le nombre d'inscrits sans aucune activité à Pôle emploi. Pire, le nombre total de chômeurs frôle toujours les 6 millions.
La promesse d'inverser la courbe du chômage n'est pas tenue. Tenons-la en 2014, réclament certains. Hollande lui-même a reconnu l'échec, publiquement, en déplacement en Turquie.

 "Nous n'avons pas réussi en 2013 à faire diminuer le chômage" François Hollande.


A droite, la nouvelle de ces mauvaises statistiques a réactivé le bal des amnésiques. Les courbes, quelles qu'elles soient, parlent d'elles-mêmes. Le chômage a explosé durant le quinquennat précédent. La droite accusait la crise. Elle n'a rien, strictement rien jugulé. Il continue sa progression en ce début de mandat de Hollande. La gauche de gouvernement accuse la crise mais exhibe toutes sortes d'outils miracle: emplois d'avenir, contrats de génération, pacte de responsabilité, CICE, etc.
Et le social, bordel ?

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