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Arrière-pensées: le pouvoir socialiste sans socialisme

Publié le 29 janvier 2014 par Jean-Emmanuel Ducoin
Une gauche 
qui se prétend de gauche mais qui apporte des réponses de droite 
à des questions 
de gauche n’est 
plus de gauche. 
De Gaulle répétait souvent qu’il fallait «toujours se mettre en accord avec ses arrière-pensées». François Hollande ferait bien de s’en inspirer. La gêne constatée hier dans son proche entourage avait quelque chose de révélateur. Oui ou non, le chef de l’État a-t-il rencontré Peter Hartz, le tristement célèbre «père» des «réformes» éponymes du marché du travail en Allemagne? Pour la presse d’outre-Rhin, pas de doute, le sulfureux homme serait même devenu l’un des conseillers du président. Au regard du cap politique actuel, nous nous sommes d’abord dit que cette information, pour inquiétante qu’elle soit, n’était que la confirmation d’une dérive libérale assumée. Mais, comme pris de panique devant le flagrant délit de collaboration avec le liquidateur des droits sociaux sous Schroeder, l’Élysée a finalement cru bon de démentir l’odieux anathème. Non, Peter Hartz «ne conseille pas» François Hollande, même si ce dernier l’a bien vu il y a deux mois. Ça vous rassure, vous?
Nous avions entendu un peu plus tôt les propos alambiqués de Michel Sapin: «Qu’on écoute Peter Hartz, qu’on parle avec lui, ça me paraît être la moindre des choses. C’est quelqu’un d’intéressant. On a le droit d’ouvrir les oreilles, d’ouvrir les yeux.» Tendez vos oreilles et ouvrez bien les yeux sur le modèle allemand, braves gens, le ministre du Travail socialiste vous y invite de toute urgence!
Pensez correctement, adhérez aux nouveaux préceptes et surtout convertissez-vous à l’irresponsable« pacte de responsabilité » scellé en partenariat avec le Medef, qui, selon le PDG de L’Oréal, Jean-Paul Agon en personne, ne serait rien d’autre qu’un «pacte de réalité» aussi avéré scientifiquement que la formule d’un cosmétique à succès… Mais combien de temps va donc durer cette hypocrisie ? Car le mythe du modèle allemand ayant trouvé son « libéralisme efficace » et dans lequel nous pourrions puiser source et inspirations ne résiste pas une minute à l’examen critique. Sauf à oublier que, au pays de Merkel, 20 % des employés – peut-on encore parler de «salariés» d’ailleurs? – travaillent moins de 20 heures par semaine pour des salaires compris entre 400 et 800 euros!
La préfiguration du futur ne se découvre plus dans les livres de science-fiction. Elle se regarde, là, dans le réel quotidien de l’économie marchandisée. Si l’on en croit les chiffres publiés hier par l’Insee, la France en prend tout droit le chemin. L’accroissement de la précarité de notre marché du travail atomise chaque jour un peu plus le pacte républicain : chômage de masse, temps partiels, multiplication des formes «atypiques» d’emploi, concurrence entre salariés, creusement des disparités entre les différentes catégories d’employés, au détriment des strates inférieures, etc. À terme? Une main-d’œuvre corvéable à souhait, ayant si possible perdu tout esprit de révolte. Comme disait Camus: «L’angoisse de la mort est un luxe qui touche beaucoup plus l’oisif que le travailleur asphyxié par sa propre tâche.»
Avez-vous voté pour ce monde-là, en mai 2012? Rendons-nous compte de l’évolution. Au nom du «principe de réalité» glorifié par le Medef, la vérité révélée par les responsables du pouvoir socialiste en place n’a pratiquement plus rien de socialiste. Une gauche qui se prétend de gauche mais qui apporte des réponses de droite à des questions de gauche n’est plus de gauche. Que ces socialistes-là changent de nom! Au moins ils n’auront plus de problème avec leurs arrière-pensées.

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