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Démocratie en Afrique : quels progrès ?

Publié le 01 février 2014 par Copeau @Contrepoints

Par Isidore Kpotufe, d’Imani Ghana(*).

Afrique
La question de la démocratisation des pays africains génère des débats intenses depuis des décennies, débats qui prennent différentes  dimensions  au sein des communautés africaines. Mais l’on peut constater que cette question de  démocratisation a énormément affecté le développement de  l’Afrique au cours de ces années dans beaucoup d’aspects ; d’ailleurs, ceci demeure toujours un grand enjeu pour ce continent.

De toutes ces analyses, suscite une seule question : la démocratie est-elle la seule option pour le développement durable et accéléré de ce continent ? Certainement, NON. (Question qui sera abordée par l’auteur dans une prochaine publication.)

Démocratie et son Origine

La démocratie n’est pas « le gouvernement du peuple, par le peuple pour le peuple » comme le dit le républicain et héro anti-esclavagiste Abraham Lincoln, mais un processus permanent de conquête de nouveaux droits et libertés. La démocratie n’a jamais existé, du moins pas en Afrique selon les réalités que nous vivons : c’est une utopie.

Cultiver la définition de la démocratie comme le pouvoir du peuple crée le mythe de l’auto-gouvernement selon lequel le peuple s’émanciperait enfin du règne de la domination et de la sphère oppressive du pouvoir.

Cette illusion est bien un mythe qui n’a jamais correspondu à la réalité de la démocratie, surtout en Afrique. Notre expérience concrète de la démocratie, loin de confirmer la définition de la démocratie comme auto-gouvernement, l’invalide : nous, le peuple, nous ne gouvernons pas, nous consentons à déléguer notre pouvoir à des représentants, une minorité du peuple. Par conséquent, le peuple est gouverné mais pas par lui ni pour lui.

Pour penser la nature de la démocratie en Afrique, il faut bien plutôt s’interroger sur les relations que les individus peuvent entretenir avec le pouvoir. Pour penser la nature de la démocratie en Afrique, il faut revoir comment les élections sont globalement conduites et interroger les bases sur lesquelles se posent un État démocratique.

Puisque l’Afrique n’a pas directement subi l’application du concept de cette forme de gouvernance1 dès son origine quand même que cette notion d’égalité  a été découverte pour la première fois en Afrique, plus précisément en Égypte2, il faut devoir revoir les constituants de la démocratie et les redéfinir dans le contexte africain. Et comme, la base de la démocratie est posée sur le peuple et tout ce qui l’englobe : la liberté (dans toutes ses formes), l’égalité et les droits individuels et ceux du peuple, il serait évidemment approprié qu’on parle de Libécratie3 au lieu de démocratie ici, en Afrique. Oui, LIBECRATIE !

Les intellectuels et les défis de l’africanisation de la démocratie

Le rôle et la position des intellectuels dans les sociétés africaines sont suffisamment peu connus pour qu’on y revienne. Se trouvant au cœur des dynamiques sociales et politiques du processus démocratique, ils jouent certainement un rôle dans les conflits ethniques, les élections et autres difficultés que rencontrent le processus suite à des ambitions personnelles ou de groupes auxquels ils appartiennent.

En effet, pour traiter la vie démocratique en Afrique, un ensemble de questions on été autrefois soulevées qui n’a pas trouvé de solution satisfaisante puisqu’au-delà de la première approximation, ces questions sont apparues associées à d’autres facteurs de la conflictualité nationale, régionale et internationale. Pensons aux conflits politiques et ethniques, aux conflits religieux et économiques ainsi qu’à leur gestion par ces intellectuels avides.

Vraiment, la démocratie a créé cette inégalité dans nos sociétés comme si elle était la pire forme de gouvernance ; inégalité face aux opportunités, devant les lois… Dans son ouvrage Quelle Démocratie pour l’Afrique? Réflexions sur ses Possibilités et ses Caractéristiques,T. K. Biaya soulevait les défis suivants pour la réussite de la démocratie en Afrique :

  • Les nouvelles constitutions des pays démocratiques sont rarement tournées vers l’avenir; elles sont dirigées contre le retour du dictateur sacrifiant ainsi les possibilités d’ériger un État de droit démocratique, qui relèvera les défis du siècle prochain et défendra nos conditions locales dans la globalisation
  •  La question des minorités n’est jamais arrimée aux grandes questions de la démocratie : les Banyamulenge, les Peuls et Toubou (Niger), la Casamance (Sénégal), les Twa au Rwanda et Burundi, etc. Beaucoup de constitutions constituent des lieux où les minorités, parmi elles les femmes et les enfants, ne trouvent aucune protection, davantage si elles sont illettrées en langue officielle (français, anglais, arabe, espagnole ou portugais);
  •  l’expérience du Parlement européen devrait nous aider à penser à des parlements régionaux et sous-régionaux, comme l’indiquent déjà les dernières initiatives de la CEDEAO et de l’UEMOA. Ce parlement se donnerait comme le lieu d’un exercice politique supra-national pour nos “politiciens” méritants après leur mandat. Cette option si elle ne supprime point la “peur de la perte du pouvoir qui est une caractéristique des leaders africains” (African Leadership Forum 1997:29) au moins elle aura aidé à établir un garde-fou et à recourir à l’expérience des “anciens” modernes pour consolider les institutions démocratiques. Cette pratique créera une classe de “personnalités éminentes” que l’UA pourrait utiliser dans son mécanisme de prévention, gestion et résolution des conflits au niveau continental.

Apparemment, l’Afrique a plusieurs défis à relever en matière de démocratisation. Si l’Afrique4 pose la base de son développement sur les piliers de la liberté du peuple (dans toutes ses formes), donc la Libécratie, et mettre en considération les recommandations qui précèdent, elle deviendra un endroit où les gens vivront en harmonie sans conflits (politiques, ethniques, religieux…) tout en assumant leur responsabilité économique.

(*) Isidore Kpotufe, responsable du Projet Francophone du Think tank Ghanéen IMANI.

  1. Dans ce texte, forme de gouvernance réfère à la démocratie.
  2. En effet cette notion d’égalité avait été connue pour la première fois en Égypte par le Grec Solon lors de son voyage.
  3. Comme le principal fondement de la démocratie est la liberté du peuple, ce qui échappe bien aux leaders Africains, il serait mieux de parler de libécratie dans le contexte africain.
  4. Dans cette ligne, l’Afrique retourne aux dirigeants africains

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