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Trail des Sangliers, Annette nous raconte

Publié le 02 février 2014 par Runmygeek

Je n’ai pas pu, envie, le courage de m’aligner sur ce trail cette année, c’est donc ma copine Annette qui raconte sa course :

trail des sangliers balaruc, 29 km, 6 janvier 2014

Départ du trail des sangliers

“Tu vas voir il est super dur”

C’est ce qu’un des organisateurs m’a dit, la veille de la course, au retrait du dossard qui m’a été gracieusement offert.

J’ai fait comme si je m’en fichais: de toutes façons, je suis une dilettante. C’est comme ça que m’avait qualifiée mon prof d’italien de 2nde - sa malédiction pèse sur moi depuis 25 ans.

C’est une manière de chasser le stress d’une pichenette. Et aussi, il faut bien l’admettre, une excuse pour ne pas -toujours- donner le meilleur de soi-même. Ou une explication un peu humoristique à sa propre médiocrité.

Bref, pour faire court: je suis une dilettante. Je cours pour mon propre plaisir, sans recherche de performance au sens technique.

Donc, son Tu vas voir, il est dur, je m’en suis un peu moquée.

Je me suis contentée de lire le profil de la course, retenant qu’en gros, j’allais en baver les 20 premiers kilomètres, et puis qu’ensuite, je n’avais qu’à penser à terminer et me laisser aller.

Bien mal m’en a pris

(enfin, je ne sais pas si cette expression colle très exactement à la situation, mais je l’aime beaucoup. donc: bien mal m’en a pris)

J’essayais de m’enfoncer dans le crâne qu’il allait falloir que je pense à manger toutes les 40 minutes, et boire tout le temps, que cette fois-ci je courrais seule et qu’il n’y aurait personne pour me dire quoi faire ni quand. Ouch, mon dilettantisme allait en prendre un coup.

Une météo parfaite le matin du départ. Mon chéri me dépose un peu avant le coup d’envoi: pas le temps de stresser (ni de s’échauffer soit dit en passant, ce qui certes atteste de mon dilettantisme mais, s’il faut être un peu sérieux, est préjudiciable), juste le temps d’observer un peu l’allure et le comportement de mes congénères co-coureurs, passer en revue le matos dernier-cri, les coordonnés fluo ou pas, trendy ou pas. Et de me jeter un shot de café sucré juste avant le coup de sifflet, une fantaisie me direz-vous.

Je ne sais plus si c’est un coup de sifflet qui retentit, ou une corne de brume (on est tout près du port de Sète, après tout, ça serait cohérent, on voit la mer, d’ailleurs, depuis le départ), je vois des fumigènes colorés, et, comme un seul homme, toute la cohorte qui se meut, dans la même direction.

Je pense à mon chéri rentré s’occuper des mômes. Je me dis que tout est dans l’ordre. Tout va bien. J’ai dépassé le point où je me demande ce que je fous là dès le début de la course.Ca viendra, mais plus tard. j’ai progressé.

la gardiole

J’entre dans le dur sur-le-champ. Ca monte direct, progressivement d’abord, et puis un peu plus sec. Je connais bien le terrain, c’est à côté de chez moi, je viens courir souvent dans la Gardiole. Ce massif protégé s’étire entre Montpellier et Sète, parallèlement au littoral, comme un barrage contre la méditerranée. C’est une colline de garrigue caressée par un air chargé de mer, qui offre à ses découvreurs ses beautés au compte-goutte, au fil des saisons : fleurs, insectes, oiseaux, panoramas sur l’étang d’Ingril (Frontignan) et au-delà la mer, le Mont Saint Clair et Sète, l’étang de Thau et ses tables à huitres, le plateau d’Aumelas et ses éoliennes superbes, jusqu’au pic Saint Loup et Montpellier, et encore Palavas, au-delà la Grande Motte et plus loin encore.. La gardiole, c’est un peu le belvédère littoral de l’Hérault.

Et donc on monte, sur la piste d’abord, dont on dit qu’elle est “roulante”, mais dès qu’on en a un peu dans les pattes on se rend vite à l’évidence qu’ici, même les pistes sont difficiles. Les cailloux affleurent, faisant de ces passages plus faciles des tapis à bosses, contondantes, menaçantes.

Les 20 premiers kilomètres sont une succession de montées plutôt raides (de ces “murs” à 45 degrés qui font du trail une discipline de l’humitlité, où même les plus vigoureux se retrouvent devant la nécessité de devoir marcher, ahhhhhh marcher !) , de montées plutôt raides, donc, et de descentes plutôt raides aussi, des raidillons escarpés où la roche se révèle en plaques et en fragments qui glissent et roulent (on se demande comment), sous le pied du coureur exalté. Monter, s’extasier de la vue, à perte, à 360 degrés, descendre, dans les passages des sangliers, dans les chênes kermesse griffus qui bordent la trace.

Tomber aussi, car c’est là mon style

Je redoutais le moment où cela arriverait (4 chutes sans aucune gravité sur les 34km de l’Hivernatrail). J’avais pourtant essayé de conscientiser cette phase où le corps fatigué perd la précision de ses mouvements, quand la patte se traîne presqu’imperceptiblement, et où la moindre rencontre du bout du pied nous rapproche de l’abîme, et nous ramène, une fois de plus, à l’humilité.

Je n’étais pas loin du 20éme, en train de me dire ouf c’est dur (comme sur la majeure partie de la course), dans une trace de sanglier saillie dans les chênes kermesse, plate, qui ne présentait donc d’autre difficulté que de mettre un pied devant l’autre.

Le pied gauche qui bute sur l’arrête d’une pierre à moitié enterrée, et me voila pleine face dans les feuilles épineuses, et le genou percute une lame émoussée.

Je me serais bien relevée en faisant genre style de rien, tout va bien, comme quand on se prend une pelle à vélo sur la place de la Comédie devant les terrasses des cafés (pleines), et qu’on espère de toutes ses forces que l’on n'existe pas, plus, enfin qu’on n’est pas là. Ou que ce n’est pas nous.

On veut la solitude

 

La gardiole

Mais le trail est une pratique de la fraternité, qui implique le souci du bien être de l’autre (enfin, j’aime à le croire, et des exemples appuient ma thèse). Pour preuve, un peu plus tôt, ce jeune homme qui arrête son élan pour ramasser le buff d’une coureuse décoiffée.

Aussi, le gentleman orange (couleur de sa tenue) qui m’emboitait le pas depuis un moment m’a t’il ramassée (littéralement) de par terre, s’enquérant de ma santé, de mon intégrité. Et moi de minimiser la situation, le genou déchiré, le collant (déjà troué en 2010 sur le trail de Pignan) béant, le bout de chair pendouillant, désormais munie d’une genouillère écarlate. Intérieurement l’on check l’état de la mécanique: je peux poser le pied, j’ose une foulée, ça tient, allez, on repart, on verra bien plus tard.

Car même si je ne suis pas pressée, il ne faut pas pour autant perdre de temps.

Merci la vie, merci les hommes orange, oh p**t** j’en chie, faudrait que j’arrête le pétard du soir et le pinard, et que je fasse du fractionné.

(si vous n’avez pas pris de résolution du nouvel an, mettez vous au trail)

Vient donc la partie finale, “roulante” (j’adore ce terme du jargon du coureur), on se dit qu’on a fait le plus dur, et qu’il n’y a qu’à se laisser aller jusqu’à l’arche gonflable de l’arrivée.

Que nenni.

Car s’il en est terminé des côtes verticales et des sillons à chèvre, il faut pourtant s’enquiller une dizaine de kilomètres sur les pistes que j’ai déjà évoquées, des sentiers caillouteux, et enfin, du bitume! Horreur! Des trottoirs à n’en plus finir, des giratoires, des rues. Beurk beurk beurk.

Je me demande d’ailleurs pourquoi tant de haine? Pourquoi atténuer le plaisir immense d’avoir conquis la sauvagerie de la Gardiole par une fin de parcours si … urbaine ?

La réponse est sur la plage!

L’arrivée advient sur la rive de l’étang de Thau, qui sous le soleil révèle la limpidité de son eau. Et si l’on n’est plus suffisamment alerte pour que cette vue provoque le shoot de dopamine espéré, j’ai tout de même eu droit au comité d’acceuil de rêve de toute femme-mère qui se respecte, les “allez chérie” de mon bien aimé, et les “vas y maman”  de ma progéniture adulée. Que demander de plus ?

Un concert de cornemuse par des musiciens en kilt ?

Allez, vendu !

(si si, c’est vrai)

Annette des champs


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